De passage hier sur France Inter, Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, s’est montré très critique à l’égard de la politique du gouvernement en matière d’immigration, s’offrant le luxe d’une petite leçon de morale immigrationniste. Une posture pour le moins curieuse quand on pense à la manière dont les travailleurs immigrés sont parfois traités par la CGT.
L’éternel prêchi-prêcha
Bien à l’aise au micro on ne peut plus bien-pensant de Nicolas Demorand, Philippe Martinez a jugé “scandaleux” le principe d’un “tri” entre “bons” et “mauvais” migrants qu’il accuse le gouvernement de vouloir mettre en oeuvre. Le patron de la CGT a précisé qu’il refusait catégoriquement d’une part de distinguer les demandeurs d’asile des migrants économiques et, d’autre part, de vérifier que tous les demandeurs d’asile en sont bien. Au-delà du fait qu’il accrédite bien trop hâtivement le gouvernement d’un réel volontarisme quant à la maîtrise des flux migratoires, Philippe Martinez considère donc à la fois que la nation n’est pas légitime à édicter des règles afin de définir qui a le droit de venir ou non sur son territoire et que la France manque de travailleurs – ou de chômeurs ? A bon entendeur !
Assumant son bel humanisme, M. Martinez a déroulé sa leçon de morale selon laquelle il faut, avec enthousiasme, “accueillir tous” les immigrés : “L’histoire de notre pays et le devoir de notre pays c’est d’accueillir des gens qui sont dans la souffrance, les accueillir tous, et dans de bonnes conditions”. Aux mauvais Français qui considéreraient que la France n’est plus en mesure de bien recevoir tant d’immigrés, le père Martinez l’assure : dans ce domaine, l’avarice nous ronge. “La question, ce n’est pas d’accueillir toute la misère du monde, c’est d’accueillir les gens qui sont ici, et cela ne représente pas des millions de personnes” a-t-il ainsi dit, rappelant que le nombre de migrants sur le territoire “ne représente pas un chiffre considérable”. Vous en reprendrez donc bien un peu…
Charité bien ordonnée…
Que de beaux propos ! Que de belles intentions ! Pour les migrants qui ont eu la chance d’entendre l’interview de Philippe Martinez, les choses sont claires : s’ils en viennent un jour ou l’autre à trouver leur place sur le marché du travail français, leur place est à la CGT. Et pourtant… Imaginons le cas – pas très difficile à imaginer – d’un “migrant” présent à Paris ou en Seine-Saint-Denis, qui s’y sédentariserait et qui tenterait d’y travailler. A coup sûr, les éventuelles offres d’emploi qui se présenteraient à lui concerneraient les deux importants secteurs d’activité de la construction et de la propreté. Désormais travailleur, l’immigré pourrait alors achever son intégration salariale en adhérant à la CGT. Il y découvrirait hélas, une réalité bien différente des beaux mots de Philippe Martinez.
Affilié, par exemple, à l’union syndicale CGT de la construction du 93, notre migrant aurait la déconvenue de s’apercevoir que l’essentiel de l’attention des responsables de cette organisation est captée par de tout autres intérêts que ceux des salariés – des immigrés comme lui, bien souvent. Affilié, autre exemple, à un syndicat francilien CGT de la propreté, notre migrant ne serait pas mieux loti. Il se trouverait, aux côtés d’autres travailleurs massivement immigrés, pris au piège d’une structure que d’aucuns, au sein de la CGT, n’hésitent pas à qualifier de mafieuse. Déçu par ces comportements, notre migrant n’aurait, hélas, d’autre choix que celui de noter l’absence de réaction de M. Martinez vis-à-vis de ses collègues peu soucieux du sort des travailleurs immigrés qui les font pourtant vivre.
Gageons qu’il se consolera alors en se souvenant de la généreuse interview donnée hier sur France Inter par le secrétaire général de la CGT…