Fait-il bon s’asseoir sur une branche (d’activité) ?

Après plusieurs mois consacrés à la rédaction d’articles relatifs au paritarisme dans les branches d’activité, il nous a semblé opportun de dresser un bilan de leur degré d’ouverture à notre démarche. La facilité plus ou moins grande à se procurer les accords signés dans les branches avant leur parution au BOCC ou au JO est un bon indice de ce degré d’ouverture. 

Des informations théoriquement publiques

A priori, tout plaide pour que la règle de base en matière de publicité des travaux paritaires de branche soit celle de la transparence. Dans un certain sens, les négociateurs de branches disposent d’une importante délégation de service public. Cette responsabilité suppose une attitude bienveillante à l’égard des demandes de communication des décisions qui y sont prises, surtout lorsqu’elles émanent de journalistes. Les pouvoirs publics semblent d’ailleurs ne pas s’y tromper. Par exemple, après la censure des clauses de désignations, ils ont entrepris de redéfinir les conditions de la concurrence en matière de protection sociale, précisant entre autres, jusque dans les moindres détails, les critères à respecter sur la transparence des appels d’offres. 

Dans les faits, lorsque se présente l’opportunité d’écrire un papier sur telle ou telle branche, il faut bien reconnaître qu’il est des domaines où l’on est certain de trouver facilement des informations sur les accords récemment signés entre les partenaires sociaux. Les syndicats de salariés s’empressent de transmettre les textes relatifs aux négociations salariales : comment ne pas profiter de l’occasion pour dénoncer la faiblesse des revalorisations ? De leur côté, les employeurs ne rechignent jamais à diffuser les accords régissant la formation professionnelle. Il est bien connu que, dans l’ensemble, cette politique conventionnelle fait consensus, permettant d’obtenir à peu de frais la satisfaction des représentants des salariés. Pourquoi donc se priver ! 

Des réticences très virginales

En revanche, il est des sujets bien plus complexes à aborder, où de multiples aller-retours entre les représentants des employeurs et ceux des salariés s’avèrent souvent nécessaires afin d’obtenir des informations fiables. La protection sociale complémentaire fait clairement partie de ces domaines, alors même qu’elle fait l’objet d’une attention toute particulière de la part des salariés et qu’elle donne lieu à la signature de nombreux accords de branche. Pourtant, qu’il s’agisse de prévoyance lourde ou de complémentaire santé, il est souvent difficile de trouver un syndicaliste ou un responsable patronal prêt à confier un texte encore tout chaud à un journaliste. Silence dans les rangs ! Que contiennent-ils donc de si secret, ces accords protection sociale ? 

Afin de justifier leur attitude, les partenaires sociaux rappellent qu’il est juridiquement risqué de diffuser des textes qui n’ont pas reçu la sainte onction étatique de la publication au BOCC ou au JO. Cet argument serait recevable s’il ne s’appliquait pas qu’à certains domaines, comme la protection sociale. En réalité, en affirmant ainsi leur autorité, certains partenaires sociaux tentent de garder le contrôle des processus de décision. La publicisation des accords signés ne constituait pas un problème tant qu’existaient des clauses de désignation. Depuis la censure de ces clauses, l’équilibre n’est plus du tout le même : certains négociateurs cherchent à verrouiller la communication, espérant de cette manière repousser la mise en concurrence de leurs préconisations. 

Des tentatives (vaines) de garder le contrôle des processus

Dans les faits, cette politique de l’opacité n’est toutefois jamais très efficace. Dans les rangs des partenaires sociaux, dans la pratique, il est impossible d’empêcher certaines fuites. En ce qui concerne les assureurs, il y a désormais un intérêt évident à valoriser les recommandations dont ils font l’objet. Néanmoins, et bien qu’elles soient appréciables, ces formes de publicisation officieuses des travaux paritaires ont tout l’apparence de l’arbitraire. Il est toujours possible de trouver des documents mais aucune règle établie à l’avance n’existe quant à la méthode. Le flou artistique est savamment entretenu. Récemment, deux grandes branches : la coiffure et l’immobilier, se sont illustrées à ce petit jeu, en vain certes mais non sans une habileté certaine. 

Finalement, l’attitude de repli des partenaires sociaux soulève de nombreuses questions. D’abord, si l’on se place du point de vue des partenaires sociaux, elle manque de cohérence. Les entreprises étant libres de choisir leur assureur, à condition que le contrat respecte les minima définis au niveau de la branche, les partenaires sociaux auraient tout intérêt à diffuser le plus largement possible les accords qu’ils ont signés s’ils souhaitent que leurs préconisations aient plus de chances d’être suivies. Surtout, d’un point de vue politique, leur attitude n’est pas légitime. Nul n’est censé ignorer la loi, mais encore faut-il que chacun puisse être en mesure de la connaître. Ceci est d’autant plus problématique que les règles de parution au BOCC et au JO des accords paritaires de branche manquent singulièrement de clarté. 

Alors qu’il se murmure ici ou là que la tentation est grande, pour certains acteurs et assureurs paritaires, de modifier régulièrement les prestations des régimes santé et prévoyance afin d’avoir toujours un coup d’avance sur la concurrence, les pouvoirs publics seraient bien inspirés d’assumer toutes leurs responsabilités en édictant des règles précises de publicisation des travaux paritaires. 

 

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