Des propos injurieux constituent-ils une faute grave ?

Cet article est initialement paru sur le site de la CFDT.

Peut-on traiter son employeur de «balourd» sans risquer la faute grave? C’est à cette interrogation qu’a dû répondre la Cour de cassation, fin janvier. La Haute juridiction a, dans cette espèce, rejeté la qualification de faute grave. Bien qu’insultants, les propos litigieux n’étaient pas adressés au supérieur hiérarchique du salarié. Cass.soc .28.01.15, P n°14-10853. 

  • Les faits et la procédure

Dans cette affaire, un menuisier, embauché en 1982, a été licencié en 2009 pour faute grave. Dans la lettre de licenciement (qui fixe les termes du débat devant les juges) l’employeur lui reprochait, notamment, d’avoir tenu des propos insultants à l’encontre du dirigeant de l’entreprise. 

En effet, lors d’un déjeuner d’affaire, son employeur avait reçu un appel téléphonique du salarié, au cours duquel celui-ci l’avait qualifié de «balourd ».Or, manque de chance pour le salarié (et pour son supérieur), il se trouve qu’en outre l’employeur avait activé la fonction haut-parleur de son portable, de sorte que les convives avaient tout entendu. 

Le salarié, en réalité, pensait téléphoner à un ami, ainsi que l’atteste le fait qu’il ait parlé de son supérieur à la troisième personne (les propos litigieux en question étaient les suivants : « il ne sait pas encore s’il aura le camion mon balourd de patron »). Il a donc saisi le conseil de prud’hommes pour contester son licenciement. Les juges de première instance lui donnent gain de cause. Cependant, en appel, les juges du fond estiment que le licenciement est bien justifié par une faute grave puisque le propos insultant du salarié à l’égard de son employeur est avéré. Ne l’entendant pas de cette oreille, le salarié a alors décidé de former un pourvoi devant la Cour de cassation. 

  • Les propos litigieux n’étaient pas adressés à l’employeur

A l’appui de son pourvoi, le salarié fait valoir que les propos tenus, bien qu’avérés, n’étaient pas adressés à l’employeur, mais à l’un de ses amis. 

L’argument est accueilli par la Haute juridiction, qui casse l’arrêt d’appel, et souligne que, le salarié pensant s’adresser à un ami, « les propos incriminés ne pouvaient constituer une insulte adressée à l’employeur ». De sorte que la cour d’appel ne pouvait dire le licenciement fondé sur une faute grave. 

Au-delà de l’anecdote, cocasse, cet arrêt est révélateur à plusieurs égards. 

Tout d’abord, en principe, les propos tenus dans le cadre de la vie personnelle du salarié sont protégés à ce titre et ne peuvent justifier un licenciement. Pour autant, toutefois, que ceux-ci relèvent exclusivement de la sphère personnelle. Ainsi, ce qui « sauve » ce salarié, c’est avant tout le fait que les propos étaient de manière évidente destinés à un proche, lequel n’avait pas de rapport avec l’entreprise. 

En effet, selon la chambre sociale de la Cour de cassation, lorsque les propos sont adressés à un collègue il en va tout autrement. Les propos ont alors un caractère professionnel, et peuvent donc justifier un licenciement, « dès lors qu’ils sont en rapport avec l’activité professionnelle » (1) et qu’ils sont injurieux, diffamatoires ou excessifs, ou bien créent un trouble caractérisé au sein de l’entreprise (2). 

Par ailleurs, on notera que ce salarié avait presque 30 ans d’ancienneté au moment de son licenciement. Or, l’appréciation de la faute grave par les juges se fait au regard du contexte, dont l’ancienneté du salarié fait partie. 


(1) Cass.soc.2 février 2011, P n°09-72450. 

(2) Toutefois, dans ce dernier cas, le licenciement pourra être justifié, mais ne sera pas disciplinaire. 

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