La Cour des comptes a récemment rendu public un rapport plutôt acide sur à la gestion des finances des unions régionales des professionnels de santé (URPS). Il s’agit du premier contrôle de ce type effectué sur ces unions créées par la loi HPST (hôpital, patients, santé et territoires) de 2009. La simple lecture des titres du sommaire laisse peu de doute quant aux conclusions des travaux de la Cour. Celle-ci émet une série de préconisations qui risquent fort de déplaire aux professionnels concernés.
Comme le rappelle dans les détails la Cour des comptes, les URPS sont financées à la fois par une participation obligatoire des professionnels membres (à hauteur de 41,8 M€ en 2022 tout de même) et par des crédits alloués par le fonds d’intervention régional (FIR) et les agences régionales de santé (ARS). Ces unions ont plusieurs objectifs. D’abord, elles permettent aux professionnels de santé libéraux d’avoir une représentation régionale pour dialoguer avec les ARS. Ensuite, ces structures offrent un accompagnement pour organiser les soins sur le territoire. Pour cela elles peuvent notamment conclure des contrats avec les ARS. Notons que les membres des URPS sont élus ou désignés pour 5 ans : le dernier renouvellement a eu lieu en 2021.
Dans son rapport, la Cour des comptes constate une participation très inégale au système de soins d’une URPS à l’autre. Par ailleurs, leur mode de financement et de gestion mériterait des modifications tout comme l’étendue de leurs missions. In fine, si la Cour trouve une oreille attentive au gouvernement, les URPS se dirigent vers une réduction de leur nombre.
Bon à savoir : pas moins de 10 professions de santé libérales sont représentées dans ces structures. Ce sont les médecins, les pharmaciens, les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, les chirurgiens-dentistes, les orthophonistes, les pédicures podologues, les biologistes, les sages-femmes et les orthoptistes.
Le financement et l’activité des URPS dans le viseur de la Cour des comptes
La Cour des comptes constate que le financement des URPS, s’il est stable entre 2018 et 2022, varie énormément d’une union à l’autre. Tout dépend en réalité de la profession libérale représentée. Les URPS de pédicures-podologues, de sages-femmes et d’orthoptistes sont clairement derrière les URPS représentant les autres professions. Celles des médecins libéraux sont, quant à elles, largement devant.
Par ailleurs, pour aider les URPS les plus petites (notamment en outre-mer et en Corse), un système de péréquation a été mis en place entre URPS représentant les mêmes professions. Mais ce mécanisme, s’il devrait être amélioré car les disparités régionales ne sont pas effacées, n’est pas de nature à débloquer les projets pour lesquels les URPS ont été créées comme le déplore la Cour :
les URPS disposant des budgets les moins élevés n’ont pas mis en place les actions pour lesquelles elles ont été créées. Même lorsqu’elles disposent de réserves ou de disponibilités bancaires suffisantes, représentant plusieurs années de Curps reversée, certaines d’entre elles ne mènent aucune action. La situation des URPS corses est anormalement confortable
Rapport de la Cour des comptes sur les URPS, paragraphe 2 de la partie 3.1.1.2.
Le rapport note une situation financière bien trop confortable au sein des URPS. Selon la Cour, cette thésaurisation anormale est la conséquence d’une trop grande prudence des unions et, surtout d’une trop faible activité en comparaison avec leur niveau réel de ressources. Les URPS ont d’ailleurs conscience de la manne financière sur laquelle elles sont assises et se considèrent parfois comme les « gardiens du trésor » (la Cour cite à ce sujet un P.V. d’assemblée générale de l’URPS des médecins libéraux de Cors de 2019). La Cour reproche aussi à certaines URPS d’avoir été trop imprudentes dans les placements financiers réalisés avec leurs fonds, occasionnant une perte de près de 200 000 € en 5 ans pour l’URPS des médecins libéraux de PACA.
La Cour des comptes appelle donc à corriger tout cela en faisant respecter les obligations réglementaires de gestion et d’information, les règles relatives à la commande publique et en renforçant les contrôles financiers notamment par les ARS et le ministère de la santé. Elle demande aussi le recadrage des missions dévolues aux URPS car c’est le périmètre exact de ces missions qui permet de délimiter l’étendue des financements possibles.
L’activité des URPS doit dicter leur financement par les ARS selon la Cour
La Cour des comptes constate que certaines URPS sont très investies dans leur mission de développement de la participation des professionnels qu’elles représentent au système de santé. Ce sont particulièrement les URPS de médecins libéraux, d’infirmiers et de pharmaciens. L’implication des autres URPS est donc à améliorer et certaines missions doivent aussi être reformulées, voire clarifiées, pour être appliquées de façon plus universelle. La Cour évoque notamment les missions de développement professionnel continu et la création de nouveaux systèmes d’information partagés et de communication entre les professionnels.
Au-delà ce l’activité théorique des URPS, c’est bel et bien le volume d’activité véritable des unions qui est au cœur du rapport. La Cour des comptes reproche à certaines URPS de ne mener strictement aucune action malgré les fonds dont elles disposent. Pour illustrer cela, le rapport cite les URPS des biologistes, des pédicures-podologues et des orthoptistes de Franche-Comté ou encore 2 URPS de chirurgiens-dentistes. A l’opposé, d’autres URPS, pourtant plus limitées dans leurs moyens, ont lancé des projets qui se sont concrétisés. C’est le cas de plusieurs URPS de sages-femmes et d’orthophonistes.
On le comprend vite, c’est la faible activité de certaines URPS qui leur permet d’avoir des fonds très importants. D’où la volonté de la Cour des comptes de tenir compte de l’activité des unions lors du calcul des financements qui peuvent leur être versés par les ARS.
En complément des réflexions de la Cour sur le financement et l’activité des URPS, le document comporte une partie plutôt critique sur la gouvernance des unions (partie 2 du rapport). Nos lecteurs peuvent retrouver l’intégralité des éléments ci-dessous :