Cet article provient du site du syndicat CFDT.
La Cour de cassation vient de préciser que les astreintes, prévues uniquement dans le contrat de travail, ne s’imposent pas aux salariés. La Haute Cour rappelle ainsi les conditions légales de mise en place des astreintes, en vigueur avant la loi Travail. Pour rappel, la loi Travail a apporté, sans en bouleverser le régime général, quelques modifications au régime des astreintes. Profitons-en pour faire un point sur ce dispositif spécifique. Cass.soc.23.05.17, n°15-24.507.
- Les dispositions légales de mise en place, avant loi travail
Selon l’ancien article L.3121-7 du Code du travail, les astreintes sont mises en place de la manière suivante :
– par convention ou accord collectif de travail étendu ou par accord d’entreprise ou d’établissement;
– à défaut de conclusion d’une convention ou d’un accord, les astreintes peuvent être mises en place par l’employeur, sous certaines conditions toutefois: après information et consultation du comité d’entreprise ou, en l’absence de comité d’entreprise, des délégués du personnel (s’ils existent), et après information de l’inspecteur du travail.
- Faits, procédure
Dans cette affaire, un salarié engagé comme agent de surveillance est promu assistant de planning aux termes d’un avenant à son contrat de travail. Cet avenant prévoit en outre l’accomplissement d’une astreinte de fin de semaine et de 6 astreintes de nuit par mois.
Un an plus tard, le salarié est licencié pour faute grave pour avoir refusé d’effectuer des astreintes au cours du mois précédent.
Selon le salarié, ces astreintes ne pouvaient lui être imposées dès lors qu’elles ne respectaient pas les dispositions légales de mise en place, en vigueur à l’époque (avant la loi Travail). En effet, en l’espèce, elles n’avaient été mises en place ni par accord collectif, ni par une décision unilatérale de l’employeur. Seul un avenant au contrat de travail en prévoyait le recours. Le salarié décide donc de saisir la justice.
Les juges du fond donnent tort au salarié. Selon eux, les astreintes pouvaient «également être prévues dans le contrat de travail» et avaient «dès lors un caractère obligatoire pour le salarié». Aussi, «le salarié ne pouvait refuser d’accomplir des astreintes au prétexte qu’elles n’avaient été prévues ni par un accord collectif ni par une décision unilatérale de l’employeur après consultation des organes représentatifs du personnel». Elles étaient «obligatoires pour lui en vertu d’un engagement contractuel qu’il ne pouvait remettre en cause unilatéralement».
Un pourvoi est alors formé par le salarié. La Cour de cassation doit répondre à la question suivante : les astreintes peuvent-elles être mises en place exclusivement par le contrat de travail et ainsi s’imposer au salarié ?
- Les astreintes ne peuvent être mise en place par le seul contrat de travail
La Cour de cassation donne quant à elle raison au salarié sur ce point et rappelle les conditions de mise en œuvre de l’astreinte posées par l’ancien article L. 3121-7 du Code du travail (accord collectif de travail ou à défaut mise en place unilatérale de l’employeur après consultation des représentants du personnel et information de l’inspection du travail).
La Haute Cour en déduit que les juges du fond en relevant que les astreintes étaient uniquement prévues dans le contrat de travail, ne pouvaient considérer que l’employeur pouvait les imposer au salarié. Une disposition contractuelle prévoyant les astreintes ne peut se substituer, en aucune façon, aux modalités légales de mise en place.
- Les dispositions légales de mise en place, depuis la loi travail
Depuis la loi travail (3), quelques modifications ont été apportées au dispositif spécifique de l’astreinte.
Elles sont désormais mises en place prioritairement par accord d’entreprise ou d’établissement par rapport à la convention collective de branche. En outre, à défaut d’accord d’entreprise, l’accord de branche n’a plus à être étendu.
Par ailleurs, la loi Travail renforce le contenu des accords collectifs et ajoute la détermination des modalités d’information et des délais de prévenance des salariés concernés. Jusqu’ici, les salariés devaient être informés dans un délai de 15 jours à l’avance de la programmation individuelle des périodes d’astreinte, sauf circonstances exceptionnelles et sous réserve que le salarié en soit averti au moins 1 jour franc à l’avance. Désormais ils sont informés dans «un délai raisonnable», fixé par l’accord collectif. Ce n’est donc qu’à défaut d’accord que le délai de 15 jours s’applique.
A défaut d’accord collectif, les astreintes peuvent toujours être instaurées au sein de l’entreprise par décision unilatérale de l’employeur. Celui-ci en fixe alors le mode d’organisation et les compensations dues après avis du comité d’entreprise, ou à défaut des délégués du personnel (s’ils existent) et après information de l’agent de contrôle de l’inspection du travail. Dans ce cas les dispositions réglementaires prévoient les modalités d’information des salariés : la communication des programmations individuelles des astreintes peut se faire par tout moyen conférant date certaine. Comme avant, l’employeur doit informer les salariés 15 jours à l’avance, sauf circonstances exceptionnelles et sous réserve d’un jour franc à l’avance.
En fin de mois, l’employeur doit également remettre à chaque salarié un document récapitulant le nombre d’heures d’astreinte accomplies par celui-ci au cours du mois écoulé ainsi que la compensation correspondante.
Les nouvelles conditions de mise en place de l’astreinte ne modifient pas le fait que celles-ci ne peuvent être prévues uniquement dans le contrat de travail pour s’imposer au salarié. Aussi, sous l’égide des nouvelles dispositions, la solution de la Cour de cassation serait sans nul doute identique.