Congrès de la FILPAC : le discours de Marc Peyrade, secrétaire général

Retrouvez en intégralité le discours introductif prononcé le 23 novembre 2015, lors du congrès de la Fédération des travailleurs des industries du livre, du papier et de la communication CGT, par sont secrétaire général Marc Peyrade.

 

Mes camarades, le cours des choses emprunte de telles voies, pratique de telles bifurcations brusques et inopinées que notre congrès, déjà environné d’un lourd climat d’offensive patronale, subit de plein fouet, en ce moment même, les événements de guerre au cœur de nos villes. 

 

1. En effet, les leçons de Charlie n’ont pas été tirées. Nous n’avons pas encore séché nos larmes pour nos frères de Charlie que, déjà, à nos morts et nos blessés de janvier s’ajoutent nos morts et nos blessés de novembre. 

 

Avec quelle violence et à quelle échelle… Les rodomontades guerrières d’aujourd’hui masquent l’incompétence ou la manipulation. Ou bien les deux. Ces deux catastrophes nous rappellent que, dans la guerre, la seule victime c’est la population, c’est le peuple. Ce sont les nôtres, encore et toujours. Ça suffit, notre congrès adresse une immense protestation à tous les va-t-en guerre : nous, le peuple, sommes les seuls à ne jamais avoir aucun intérêt à faire la guerre. Jamais. 

Mais on nous la fait, cette guerre. Sous de multiples formes. C’est bien pour ça que nous sommes fondés, nous syndicalistes de la Filpac Cgt, de nous occuper de ce qui nous regarde, c’est-à-dire de tout ce qui touche à notre peuple, à notre camp, à notre classe. Et les brûlantes affaires de terrorisme sont en plein dedans. 

La peur qu’inspirent les assassinats du 13 novembre est d’autant plus forte qu’elle surgit alors que nous nous croyions à l’abri de la guerre. Et pourtant. Le climat s’est répandu, s’est incrusté même, d’une guerre sourde, rampante, omniprésente, sous la forme du management par la peur pratiquée à haute dose notamment depuis la crise de 2007-2008. Nous voyons, dans les entreprises comme à la ville nos collègues, les salariés, tous les travailleurs subir ce climat de menace, de chantage, d’intimidation, d’humiliation, de rabaissement de l’individu. Cette pénible atmosphère a été semée par la peur qu’inspire le maniement de l’arme du licenciement, de la dissuasion du chômage, de la chute dans la précarité, du déclassement social. 

La souffrance au travail s’est répandue parce que le prix de la vie humaine au travail a chuté vertigineusement. Au point que le suicide, la dépression, l’enfer au travail, expriment au quotidien l’intensification et la maltraitance généralisée du salariat. Les chômeurs seraient coupables de l’être, ils sont déclarés soit inemployables de leur fait soit suspectés d’abuser de la charité que pratiquerait l’Unedic à leur bénéfice. La Sécurité sociale est présentée comme un luxe d’un autre temps, où l’on consacrait des parts de PIB à la sureté de toutes et tous, les jeunes sont priés de faire leur deuil de tout bien être social. 

Cette peur sociale se cumule désormais à la peur de la guerre. Quand le prix de la vie humaine est déprécié à ce point sur le marché du travail et dans l’entreprise publique, il ne risque pas d’être enchéri sur le terrain de la guerre. 

C’est de ce point de vue que nous examinons la propagande actuelle pour l’unité nationale. Il faudrait par peur se blottir derrière un chef providentiel et lui aliéner nos libertés, pour qu’il nous débarrasse, cette fois c’est sûr, de la bête terroriste. Mais, demandons-nous, pourquoi l’unité nationale fonctionnerait pour l’intérêt général alors que sur le terrain social nous perdons jusqu’au droit élémentaire d’accès aux moyens de vie, le salaire ? Nous ne serions, à l’entreprise ou à l’embauche, pas bons à grand-chose mais bons à tout pour l’entreprise de guerre ? 

À quoi pensait donc Macron, à Versailles, qui, dans un haut lieu de la Révolution française, incarnait l’incendiaire du Code du Travail et du droit social ? À quoi rêvait donc Valls ce 16 novembre en plein congrès de la Nation, quand il incarnait le parti du patronat et la répression emblématique contre celles et ceux d’Air France, traités en terroristes ? À quoi pensait donc Hollande quand il parlait au peuple qu’il a tant et si rapidement trahi dès son accession à l’Elysée ? 

Peuvent-ils demander au peuple d’enfiler l’habit de l’Union nationale quand on lui refuse la moindre place dès qu’il s’agit de ses besoins sociaux élémentaires ? Chaque guerre entraîne son cortège de mensonges d’État, ce bourrage de crânes propre à chaque élan patriotique commandé d’en haut. Cette fois on nous assène : qu’importe votre statut de victimes sociales, embrassons-nous sous le drapeau tricolore, l’union est plus impérative et l’emporte en priorité sur votre chômage, votre précarité et celle de vos enfants. D’ailleurs, avec eux, il y a toujours une urgence supérieure à notre situation sociale. 

En juillet, en Grèce, c’était un peuple souverain et uni contre l’austérité qui était présenté comme un ramassis de feignasses qui devait renoncer à la souveraineté populaire pour obéir sans contrepartie aux ordres de la Troïka. La Banque centrale européenne et le FMI légitimaient qu’on passe par dessus la démocratie parce que l’urgence financière internationale commandait le tempo. Aujourd’hui, alors que le gouvernement poursuit la destruction d’un service public dont à l’évidence nous avons tant besoin, alors qu’il impose l’ordre austéritaire de l’Union européenne et qu’il appuie de mille façons la classe patronale, il faudrait lui aliéner nos intérêts sociaux pour grimper sans mot dire sur le grand porte-avions de la guerre ? 

Quelle guerre ? De quelle guerre s’agit-il ? Les terroristes du 13 novembre ou de janvier ne l’ont pas initiée, ils l’ont portée au cœur de nos quartiers. Elle existait bien avant, mais c’était loin, là-bas, en Syrie, en Irak, en Lybie, au Mali. Par un étrange rapport de perspectives, du fait que notre armée n’est plus constituée sur la base de la conscription mais de la professionnalisation, il nous semble que ses théâtres d’opération extérieure, comme ils disent, ne nous concernent pas. L’action de nos troupes appointées comme des fonctionnaires n’aurait aucune conséquence pour la population, quoi qu’ils fassent là-bas, ce dont d’ailleurs nous ne sommes pas informés. 

On nous dit c’est une guerre de la civilisation contre la barbarie, c’est une guerre du droit contre le terrorisme, lequel n’est qu’une expression bestiale et sans idéologie d’un banditisme international assoiffé de sang. Le fils Bush nous l’avait déjà dit après le 11 septembre. En réalité et au delà de l’émotion, nous constatons que l’état de guerre permanent a suivi la progression de la mondialisation du capital. Il suit la courbe des profits financiers et la guerre se répand au rythme du commerce des armes, de la protection des intérêts des grands groupes transnationaux. Superposons à la carte de la Lybie la carte du pétrole, la carte des ventes d’armes avec la savante géopolitique nationale, et nous serons éclairés. 

Oui, la guerre est une porte de sortie des contradictions actuelles du capitalisme, comme ce fut le cas lors des deux guerres mondiales du siècle dernier. Du point de vue du terrorisme, Daesh n’a pas le monopole du terrorisme, le terrorisme d’État en fait foi. Les assassinats « ciblés », les interventions militaires de guerre dite préventive, les bombardements sans déclaration de guerre, en tout point du globe, par des avions avec ou sans pilotes, relèvent-ils de la légitimité de l’ONU ou du pouvoir discrétionnaire des complexes militaro-industriels des états dominants ? 

Il y a bien longtemps que la guerre est totale. Qu’on se souvienne de ce village de Guernica, qui eut le triste honneur de connaître la technique du bombardement en tapis pratiqué par une unité militaire du IIIe Reich, la division Condor, qui a pesé très lourd au service du putsch du dictateur Franco. La seule population était visée. L’ère de la guerre moderne était ouverte, avec elle la terreur des peuples dont la seule culpabilité est de se trouver sur le périmètre bombardé. Depuis, combien y a-t-il eu de Guernica ? 

Un des moyens de lutte contre le caractère attractif des organisations de type Daesh – car elles attirent – consiste à saper le terrain au désespoir social, à la perte de sens d’une société à telle point inégale et inhumaine que quelques-uns regardent avec indifférence, du haut de tas d’or inouïs, l’immense majorité de la population subir la régression actuelle. L’égoïsme glacé des financiers et des rentiers pèse dans la déshumanisation de notre société de marché, réduite aux calculs économiques et spéculatifs. Que la réponse au terrorisme ignore la question sociale, le vivre ensemble et ses moyens, alors le militarisme policier emportera le pays vers un totalitarisme encore plus sûrement que le néofascisme du Font national. 

En lieu et place de la prise en compte de façon absolument prioritaire des questions sociales, Hollande se propose de faire de l’état d’exception la règle. Considérant avec commisération l’imposant arsenal législatif à sa disposition, Hollande à Versailles a déclaré qu’il voulait faire de l’état d’exception le moyen de gouvernement au service de l’exécutif. Ne lui suffisent pas les 8 lois anti-terroristes depuis 1986, non plus la dernière d’après Charlie, pas plus que la loi sur le renseignement de l’été. La loi de 1955 créant l’état d’exception lui semble obsolète, ainsi que les articles 16 et 36 de l’actuelle constitution. 

Hollande veut introduire au coeur de l’arsenal ordinaire de l’exécutif l’exception comme état particulier permanent. Se plaçant au centre du cercle vicieux constitutionnel, il prétend à l’inclusion de la suspension des droits au coeur de l’ordre légal dans la loi fondamentale de la République. Comment déroger à la loi sans l’anéantir, comment la nécessité d’agir sans loi peut-elle faire la loi, telles sont les questions auxquelles Hollande prétend répondre. Ainsi il invente un amendement à la constitution qui introduirait les conditions légales de sa propre suspension. Le terrorisme serait un phénomène aux événements à ce point imprévisibles que leur déroulement générerait automatiquement la possibilité pour l’exécutif d’agir sans droit… en toute constitutionnalité. 

La guerre justifierait la concentration des pouvoirs en temps de paix pour la mener. À l’intérieur comme à l’extérieur. L’exécutif s’émancipe ainsi de la souveraineté populaire, puisqu’il use de pouvoirs discrétionnaires commandés par l’événement. Il ne s’agit plus de durée de l’état d’exception, en l’occurrence trois mois, mais de faire de l’Etat français une exception permanente, qui inclurait toutes les possibilités de décisions en matière policière et militaire au sein de l’arsenal légal, autorisé en permanence de passer par dessus la loi. 

Au passage, Hollande intègre une moisson de propositions répressives jusqu’alors portées par la droite et l’extrême droite. Mais il en veut plus. La France est en guerre, répète à l’envi le premier magistrat et le chef des armées. De quoi parle-t-il ? Dans cette guerre, seront visés les territoires. Comme par définition elle n’est pas circonscrite à un champ de bataille, son extension va des faubourgs de la capitale jusqu’au reste du monde. Il entre en coalition avec Poutine et Obama dans une action qui, littéralement n’aura pas de fin. Chaque coalition de ce type crée de nouvelles générations de terroristes, car les buts de guerre ne sont pas l’exportation de la démocratie mais la volonté hégémonique des grandes puissances. 

De quoi définir une guerre de cent ans nouvelle mouture. Dès lors Hollande en tire les conclusions qui s’imposent : la paix n’est que la guerre continuée par d’autres moyens, “nous sommes en guerre” signifie que nous ne sommes plus en paix, donc toutes les mesures en temps de paix doivent devenir des mesures de guerre. Logique, donc je prends le pouvoir. Le Hollande de Versailles veut de créer une Ve république aggravée, celle-là même que François Mitterrand qualifiait de “Coup d’Etat permanent”. 

Il fallait bien s’étendre sur le sujet qui accapare nos esprits depuis le 13 novembre. Pour en tirer quelles conclusions ? Notre congrès devra décider si nous pratiquons une quelconque autocensure et nous mettons en veilleuse nos revendications au nom de l’union sacrée réclamée d’en haut pour faire une guerre sans fin. Ou bien, malgré et contre le renforcement de l’autorité de l’Etat autour du seul président, volontairement coupé de la souveraineté populaire, nous puisons de l’énergie dans la situation créée pour imposer l’État d’urgence sociale. Car ce slogan restera lettre morte dès la fin du congrès si nous ne lui donnons par corps au travers de notre engagement pour un syndicalisme de combat et d’émancipation sociale. Nous ne sommes pas venus à Montreuil pour pleurer, mais pour partager nos difficultés et sortir de notre congrès plus forts, plus soudés, plus solidaires. 

 

L’objet de notre Congrès est également de mieux cerner les éléments qui peuvent fonderla confiance. Non pas de manière volontariste mais à partir des contradictions que génère la brutalité du capital. Si notre expérience collective se heurte aujourd’hui à l’intransigeance patronale et aux menées du gouvernement, il s’agit de les analyser pour en tirer à la fois des pistes de luttes mais aussi peut-être leur apporter un éclairage nouveau, dicté par les enjeux les plus actuels, qui nous permette d’élargir le champ de nos possibilités. Car non, nous n’avons pas épuisé toutes nos capacités d’intervention et d’entrainement. 

 

Un tas d’or ? Jugez plutôt… 

L’année 2014 restera comme un grand millésime pour les 100 premières fortunes de France. Portées par la Bourse, elles ont vu leur patrimoine grimper de 20%. Les 100 familles les plus riches de notre pays pèsent 320 milliards d’euros, ce qui représente 25% de ce que détient en banque l’ensemble des Français. 

 

Depuis un an, l’indice CAC 40 a grimpé de plus de 10%, sous l’effet notamment de l’injection de liquidités sur les marchés par la Banque centrale européenne. Pour les sociétés cotées du palmarès des 100 les plus riches, la valeur de leurs actions a mécaniquement augmenté. Et pour les non cotées, leur valorisation s’est aussi améliorée. Cela peut sembler étonnant, au vu de la faiblesse de l’économie. Mais non c’est la simple démonstration que l’économie est tournée vers le service du capital financier, et que le gouvernement a agit en fonction de cet impératif. 

 

Depuis 30 ans, on retrouve les mêmes familles et aussi les secteurs économiques habituels, comme le luxe (LVMH, Hermès, Chanel, Kering), l’aéronautique (Dassault), mais aussi l’agroalimentaire (Castel, Lactalis, Pernod Ricard) ou la distribution (Auchan, Sonepar). Xavier Niel (Iliad), Patrick Drahi (Altice) et Pierre Omidyar (eBay), uniques représentants des nouvelles technologies, apparaissent de manière fulgurante. 

 

Classé 3e des cent plus grandes fortunes françaises 2015, Bernard Arnault, patron des Echos et du Parisien – Aujourd’hui en France, dispose d’une fortune totale estimée à 28,96 milliards d’euros. Il est l’homme dont la fortune a grossi en 2014 de 25 millions d’euros supplémentaires par jour. + 9,27 milliards en un an. 

 

Et c’est dans les Echos, le journal quotidien du libéralisme et du capital financier triomphant, qu’on trouve de façon la plus constante les articles les plus hostiles aux luttes des salariés, au syndicalisme en général et à la CGT en particulier. C’est dans ce journal, commandé par le président du syndicat patronal de la presse nationale, que la justification permanente de l’austérité s’oppose le plus à notre « archaïque point de vue de classe ». 

 

Devant autant de richesses accumulées à ce bout de la société française, nous devrions, à l’autre bout, baisser pavillon, arrêter de lutter et de revendiquer, parce que « nous vivons au dessus de nos moyens » et que « l’austérité est une cure inévitable » ? 

 

 

L’austérité à perpétuité pour nous, des fortunes pour eux ? Sans blague. Parlons des luttes car c’est ça notre richesse et que ça bouge de partout.  

L’épuisement au travail et le mépris de la hiérarchie d’entreprise pour cet épuisement sont à la base des luttes de plus en plus nombreuses sur les conditions de travail. Les revendications sont partout les mêmes ou semblables: sous-effectifs, surtravail, horaires déments… et mépris de la direction. Les patrons ou les directeurs licencient ou suppriment des postes et font faire un travail semblable ou plus important à des salariés moins nombreux. 

Les charges de travail sont trop importantes et une fatigue et un stress croissants vont jusqu’au «burn out». Ainsi 500 000 salariés se disent en dépression ou proches, un sur cinq dit l’avoir côtoyé un moment. 

Cette usure au travail n’est qu’un aspect du contenu revendicatif des luttes. Cela s’entend dans les témoignages; c’est d’abord une plainte. Mais il y a dans ces luttes sur les conditions de travail bien autre chose : une révolte adaptée aux conditions sociales et politiques générales, contre les DRH, les directeurs, la haute hiérarchie et son mépris. 

Avec l’augmentation de la charge de travail, l’ambiance au travail se dégrade proportionnellement. Pour faire accepter le surplus de travail, des méthodes de pressions, de harcèlement, sont utilisées, dégoûtant, divisant, brisant les salariés qui sont sous la menace d’être poussés vers la sortie et le chômage. 

En sachant que le chômage tue entre 10 000 et 20 000 personnes par an (14 000 en 2014 d’après une étude scientifique, alors que la route en a tué 3384 la même année), c’est d’un «management» par la peur qu’il s’agit. 

La mobilité géographique et professionnelle est forcée, le turn-over (rotation de l’emploi), l’absentéisme et les arrêts maladie se multiplient, des suicides surviennent. L’insécurité est constante, le mensonge, l’hypocrisie et la dissimulation au travail deviennent la règle. Le travail devient une souffrance. 

Or, pour licencier et faire appliquer les nouvelles règles d’un travail sans droit, les états-majors patronaux sélectionnent des hommes de main, des mercenaires en cravate et chemise, sans foi ni loi, adaptés à cette violence et cette dégradation des rapports humains, qui ne se sentent absolument pas responsables ou coupables des «saloperies» qu’ils commettent au quotidien. 

 

Sans scrupule, les plus haut placés se payent à millions d’euros pour licencier pendant que les subalternes abusent de leurs privilèges et de la corruption tout en demandant à ceux d’en dessous de se serrer la ceinture et de respecter les règlements les plus tatillons. 

 

Ils s’attaquent aux syndicalistes, à la CGT en particulier, renforcent les traitements de faveur ou à la tête du client, multiplient les abus de pouvoir, règnent en petits seigneurs. 

Hors de l’entreprise, et à une échelle plus générale, ils trichent avec le fisc, cachent leur argent à l’étranger ou dans des paradis fiscaux, s’assoient sur les lois pendant que le gouvernement de gauche légitime, légalise cette mentalité et cette manière de faire et l’aggrave même en démolissant les protections sociales et en augmentant les cadeaux au Medef. 

 

 

Alors du défensif à l’offensif ? 

Face à cela, au lieu de subir en silence, les grèves sur les conditions de travail dénoncent de plus en plus publiquement, explicitement, ouvertement cette souffrance au travail, cette maltraitance au travail. 

Parmi les secteurs les plus touchés par ces grèves et luttes, on trouve les employés du commerce, les hôpitaux et d’autres services de santé mais aussi de plus en plus de secteurs de la Filpac, et pas seulement les plus précarisés. 

Comme le disait un médecin urgentiste, responsable CGT, la situation dans les hôpitaux est très proche de celle d’Air France, avertissant les responsables hospitaliers que des chemises allaient voler. 

Un nombre suffisamment important pour être significatif de luttes, sont engagées. Des luttes sur les salaires et les conditions de travail avec, et cela est à noter, une volonté concrète de gagner. Et pour ce faire, elles se centrent sur des préoccupations très locales, ressenties comme plus à portée de main où des succès total ou partiels ont été suffisamment notables pour certainement donner le goût de recommencer ou de faire exemple. 

Cela d’autant plus que le conflit à Air France a encore plus libéré la parole et que la dénonciation du «management par la peur», du harcèlement au travail, a explosé après le 5 octobre. 

Dans les entreprises, plus grave encore pour le patronat, il s’est opéré une rupture entre le patron et la toute petite hiérarchie, des managers, des chefs d’équipe, traités comme de simples ouvriers. La chemise déchirée traduit aussi le rapprochement des catégories sociaux professionnelles confrontées à la prolétarisation de la société qui se traduit aussi au sein des rapports sociaux et dans ses effets politiques. 

La revendication de « dégager » tel ou tel directeur témoigne de quelque chose qu’on a beaucoup répété sans que cela n’ait vraiment été une réalité jusque-là, alors que c’est justement en train d’en devenir une : le fait que la peur est en train de changer de camp. Ou, plus précisément, si ceux du dessus n’ont peut-être pas encore totalement peur, ceux d’en bas commencent à ne plus avoir peur. Bien des interviewés dans les journaux le disent : cette fois, on ne se laissera plus faire, on se battra. 

La colère, la détermination, une volonté de ne plus s’en laisser compter ont remplacé la résignation. 

 

Regardons de près la lutte en cours d’ArjoWiggins Wizernes. Oui, les militants de la Filpac Cgt et avec eux les salariés, les élus et la population refusent d’obéir à l’ordre patronal et gouvernemental. Non, ont-ils décidé, nous n’allons pas disparaître parce qu’un état major lointain, fort du soutien du gouvernement et de la Banque publique, a décrété que les usines et les emplois devaient être rayés de la carte pour satisfaire ces messieurs, qui tournés vers leurs opérations boursières sur le marché financier, veulent investir dans la distribution et non plus dans la fabrication. C’est peut-être compétitif pour le marché et les actionnaires, mais pour les salariés et l’utilité sociale de leurs usines, c’est une condamnation à mort. Les intérêts des actionnaires ou les emplois directs et induits, ceux de Wizernes ont choisi leur camp. 

Cette lutte met en lumière combien la lutte devient porteuse d’un enjeu de pouvoir sur l’entreprise. 

 

Tout de suite, l’équipe syndicale ne s’est pas limitée à la protestation, elle a fait la démonstration que les salariés étaient capables de démontrer qu’un plan de survie était viable, que le tissu urbain local et régional en dépendait. De ce fait, elle fait, elle aussi, avancer dans les esprits qu’une question de course au pouvoir (au sens déterminer quelle orientation l’entreprise doit prendre) est entamée entre les salariés et la direction. Le directeur Lebard a été pris nominativement pour cible et dénoncé comme tel publiquement, les élus locaux et régionaux ont signé une pétition d’intention concernant la préemption de l’usine au nom de l’intérêt collectif, comme l’exemple de M Real l’indiquait. De ce fait, le mouvement s’est fait rassembleur au-delà des salariés de l’entreprise. Dans la presse régionale, la Voix du Nord et FR3, par de multiples tracts, meetings et manifestations, la réalité concrète des menaces a été exposée sur la place publique. Cette lutte, comme à M Real, comme celle de Paris Normandie, suppose l’extension locale et régionale pour exister et se faire entendre. La surdité des ministères et du gouvernement relève de leur soutien au patronat du groupe. Plus mal aisé est de comprendre le silence, le black out sur cette lutte dans bien d’autres organes de presse qui auraient dû en parler abondamment. 

 

C’est que cette lutte dérange ceux qui jouent perdantes et la CGT et l’action collective. Ceux qui lâchent la cause des salariés et des populations au profit d’intérêts d’appareils autonomes par rapport à l’intérêt général. Ceux qui croient dans cette illusion de l’avenir d’un syndicalisme institutionnalisé qui n’aurait comme fonction celle de figurants dociles dans le spectacle du dialogue social organisé pour l’ordre patronal. Berger est venu à Wizernes, encadré par un nombreux service de protection personnelle. C’est que défendre le PSE à Wizernes comportait en effet quelques risques syndicaux. 

 

La lutte de nos camarades d’ArjoWiggins, qui a débuté le 10 avril 2014 suite à la révélation du plan secret gouvernement-Banque publique d’investissement-Etat major du groupe ArjoWiggins, nous rappelle à quel point sont actuels le combat et l’engagement syndical. La détermination dont font preuve nos camarades de Wizernes est le drapeau de l’engagement de notre congrès. 

Ne doutons jamais de la détermination de ceux d’en face pour protéger leur tas d’or. Leur prétendue science économique et leur battage médiatique pro-libéral se résument à une autodéfense des fortunes volées aux travailleurs. Devant le danger, les patrons, ceux du Medef comme ceux de la CGPME et de l’UPA, sont prêts à tout, même à financer le nouveau fascisme d’extrême droite pour se débarrasser de résistances organisées, en particulier celles des syndicats de la Filpac cgt. Mais ne doutons pas non plus de ce que la lutte porte comme germes d’avenir. C’est là, pour aider mais aussi pour faire émerger ces potentialités comme des facteurs de convergences et de rassemblement que nous devons être. Là se trouve le syndicalisme que nous voulons forger, celui de la solidarité. Parlons-en 

 

 

2. « construire la solidarité » est l’un des mots d’ordre du congrès  

La pauvreté et les inégalités sont les fondements d’une société condamnée à la guerre économique perpétuelle. 

 

Dès lors, la solidarité entre travailleurs devient la première des expressions du refus d’être rabaissés à l’état de marchandise. Il ne s’agit pas pour nous d’une vague notion morale qui justifierait un discours culpabilisateur. A l’inverse, nous devons porter la solidarité comme le premier élément de la résistance à l’entreprise de déshumanisation opérée par le système capitaliste. 

L’affaire est de la plus haute importance, car notre conception de la solidarité est mise en danger par une prétendue solidarité nationale, une solidarité de la race. Chaque minute qui passe sans expression concrète et organisée de la solidarité à l’égard des immigrés, quelles que soient les raisons de leur arrivée, renforce la solidarité de barbelés et de camps « hot spot » de rétention et de sélection, ce que pratiquent les membres de l’Union européenne à l’égard de l’étranger. Les fermetures de frontières, l’expulsion manu militari des réfugiés hors de l’espace national et européen, la danse des matraques policières à Calais ou à la frontière du dictateur hongrois Orban, comme le coulage des barques surchargées au large de Lampedusa, de l’île grecque de Lesbos et de Gibraltar avalisent la racisme du FN dans sa guerre contre l’étranger. 

Il y aurait une seule France, pas celle des riches et celle des pauvres, non, une seule qui appellerait à taire les revendications et l’identité sociales au profit de mesures raciales et de l’appartenance nationale. Nous aurions partie liée avec Bolloré parce qu’il est breton de souche, Michel Lucas parce qu’il est alsacien, Baylet parce qu’il est toulousain, Bernard Tapie parce qu’il est un gangster bien français, contre l’étranger qui vient souiller de sa présence le sol français. Le Pen, comme les nazis hier, parle maintenant du « danger de l’immigration bactérienne », l’étranger étant porteur pour les néofascistes de germes destructeurs. 

L’antiracisme s’exprime sous forme de solidarité pratique à l’égard des immigrés. Soyons-en convaincus, les parents d’élèves à l’égard des enfants d’immigrés ou de Roms, les salariés dans les associations d’entraide comme le Secours Populaire, les organisations non gouvernementales comme Médecins du Monde recèlent des trésors de solidarité et une extraordinaire force d’action qui doivent être prises en charge par notre syndicalisme. 

C’est sur ce terrain que se développe le combat le plus efficace contre le FN et les groupuscules néonazis dans son sillage. 

Mais l’individualisme n’est pas qu’affaire de bataille des idées. L’individualisme s’enfonce dans le camp du Travail au moyen de la menace du chômage et de la répression anti-syndicale. Peur et mesures contre l’organisation solidaire, contre la représentation syndicale tel est le couple de forces à l’œuvre actuellement. Ainsi parmi tant d’autres exemples des dernières législations en la matière, la loi Rebsamen a réussi à mettre les TPE à l’abri de la présence de la CGT, puisqu’à la place du fait syndical, une structure dite « comité régional » a été créée de façon éloigner encore plus le syndicat de l’entreprise. Cette structure est composée à parité de patrons et de syndicalistes qui sont censés, le plus loin possible du milieu de travail, conseiller de façon commune le salarié. 

Dans la même veine, les efforts du gouvernement pour favoriser à outrance un syndicalisme d’experts économiques en libéralisme et de professionnels autonomes dans la négociation truquée procède de la même action : substituer à la solidarité entre membres de la classe du Travail la prétendue solidarité entre employeurs et employés. C’est d’autant plus une erreur magistrale de marcher dans la combine que les patrons, eux, ont mis en place une pratique où ils s’adressent directement aux salariés, de façon à obtenir d’eux, sous la menace de licenciements, une solidarité à l’égard de leur business plan et de leur management. Dès qu’ils peuvent se passer de tout syndicalisme, même et y compris le syndicalisme le plus domestiqué, ils le font comme en témoignent nombre d’accords de régression sociale soutirés aux salariés par référendum sous couvert de compétitivité et d’efforts partagés. 

La solidarité, ça s’organise. Disons-le franchement, ce n’était pas forcément et à tout coup mieux avant. Les luttes de notre patrimoine historique, celles du Parisien libéré et de Chapelle Darblay et tant d’autres, ont expérimenté une solidarité qui a toujours été conçue comme un combat quotidien de l’organisation syndicale. 

La solidarité c’est comme le feu de bois dans la cheminée, agréable au plus fort de la flambée, et fragile dès qu’on oublie de recharger le foyer en combustibles. La solidarité passe par mille canaux, dont celui de l’élémentaire fraternité qui fait la force d’une équipe syndicale et d’un groupe de militants. 

Mes camarades, prenons bien la mesure de ce que représente encore notre réseau de militants. Celui des élus, mandatés, militants et syndiqués Filpac. C’est le réseau social le plus actif, le plus influent qui soit quand il tourne à plein régime. Mais pour qu’il fonctionne à plein régime il faut que chaque groupe de ce réseau, que chaque syndicat, ait en permanence le souci de comprendre et de faire partager l’identité des situations subies par les salariés quelque soit leur secteur d’activité. 

Bien sûr ce n’est pas facile et nous devrons encore et toujours améliorer la prise en compte de la solidarité comme but premier de notre syndicalisme. 

 

C’est pourquoi notre congrès est l’occasion incontournable de renouveler le pacte qui nous lie : chaque syndiqué, chaque militant attaqué, réprimé, menacé, chaque lutte menée en quelque lieu que ce soit doivent pouvoir compter sur cette tâche absolument prioritaire qu’est l’expression concrète de la solidarité sous toutes ses formes. 

S’il est un terrain sur lequel doit se réduire l’écart entre le dire et le faire c’est bien celui-là. 

Dès lors, l’engagement devient beaucoup plus facile, attractif et enthousiasmant. Et d’engagement, mes camarades, nous allons en avoir besoin. 

 

3. L’ère du capitalisme numérique commande de nouvelles revendications, de nouvelles actions, et la refondation d’une perspective globale, la transformation sociale. Le parti pris de l’avenir que nous nous sommes engagés à prendre lors de notre dernier congrès nous permet aujourd’hui d’occuper le grand espace qui s’ouvre devant nous pour ce syndicalisme moderne de revendications, d’action de rassemblement solidaire et fraternel. 

 

La destruction du droit social est commandée par l’offensive qui se fixe comme but la dispersion du salariat, bien au delà du chômage et de la précarité. Le numérique de marché offre la possibilité aux patrons d’organiser la compétition entre ceux qui sont sous statut du travail salarié et ceux qui sont poussés hors du salariat pour devenir auto-entrepreneurs ou créateurs d’entreprise. La numérisation généralisée, dans le cadre des rapports sociaux du capitalisme, va détruire nombre d’emplois et de filières professionnelles entières. Les patrons estiment en conséquence que la possibilité d’une rupture historique avec le droit et la sécurité sociale, et avec le salariat tel qu’il s’est construit et reconstruit en 100 ans,  

 

Commençons par la loi et le droit. 

Le libéralisme, au pouvoir tant en France que dans l’Union européenne, s’en prend aux principes du droit du travail et au fondement de la sécurité sociale collective et solidaire. Au nom de quels arguments ? Jamais démontrés, toujours affirmés dans la négation totale de la réalité, ils peuvent se résumer de cette manière : 

« C’est le droit social et le Code du travail qui sont responsables du chômage. Leur épaisseur, leur poids, leur rigidité dissuadent les employeurs, publics comme privés, d’embaucher. C’est la sécurité sociale qui augmente le coût du travail, en particulier par les cotisations sociales patronales, et qui handicape la compétitivité dans la concurrence internationale face à une main d’œuvre moins chère. » 

Cette thèse libérale, issue du fond des origines mêmes du système capitaliste il y a deux cents ans, serait furieusement moderne. Pourquoi ? Parce que la crise ? Non, c’est l’offensive du système de marché mondialisé qui impose de balayer la moindre résistance à la liberté de circulation des capitaux, des marchandises et des directions d’entreprises. 

L’État obtempère puisqu’il tourne la puissance publique contre l’État de droit et la protection sociale. Dans quel but ? Substituer aux lois d’intérêt général des lois au service du commerce et de la finance de façon à leur assurer l’impunité totale. Les lois déjà adoptées ou en préparation ont une exigence commune : faire disparaître la moindre prétention sociale à opposer sa priorité par rapport à celle de la compétitivité dans le cadre de la concurrence mondialisée. 

C’est ainsi qu’au cours des années écoulées, notamment depuis notre congrès de 2011, les ANI transformés en loi et les lois émises par le gouvernement, appuyés sur la connivence du bloc CFDT CFTC CGC, drivé et supervisé par le Medef, ont toutes suivis le même objectif : réduire le droit social des salariés, c’est-à-dire faire reculer le niveau de vie global des travailleurs et rendre aléatoires les conditions sociales de travail et d’existence. 

Le droit de tirage des actionnaires sur les entreprises et le budget de l’État suppose donc que le droit des salariés soit amenuisé en conséquence et avec lui leur droit à la représentation syndicale et à la prise en compte de la question sociale. 

En quoi y a-t-il un danger imminent de rupture historique ? Quels principes fondamentaux sont immédiatement visés ? 

– Là où la Sécurité sociale repose sur la mutualisation des moyens du pays pour répondre aux besoins de vie de tous, le capital entend la ramener à une couverture universelle minimale de façon que chacun finance le reste, c’est-à-dire le principal, selon ses moyens. 

– Le droit social est la conséquence légale des conquêtes collectives contre l’exploitation capitaliste. C’est pour ces raisons que le libéralisme veut le ramener au droit le moins disant et le plus commun, l’égalité sociale serait assurée par le marché, le reste dépendant de la performance individuelle de chacun pour s’y faire une place. 

Quelles sont les échéances d’immédiat après congrès ? 

 

Après la loi Macron 1 d’août 2015 qui a ouvert la voie au contournement du Code du travail, la loi Macron 2 est annoncée pour janvier 2016 afin d’être votée le plus vite possible, avant fin juin. 

Sa vocation réelle est de déblayer tout obstacle au développement du capitalisme numérique. Présentée à la Sorbonne début novembre devant un parterre d’experts et de patrons, dont celui de Microsoft, elle postule la multiplication des auto-entrepreneurs, des créateurs d’entreprises numériques, des start up, comme alternative au statut du travail salarié et la sécurité sociale qui y est attachée. 

En quoi la destruction du Code du Travail, présentée comme une « réforme », est-elle nécessaire à la loi Macron sur le capitalisme numérique ? 

Le Code du Travail est l’expression d’un rapport des forces fondamental. Il a été imposé au législateur que, dans l’entreprise, les rapports sociaux sont surdéterminés par l’inégalité entre les employeurs, qui détiennent l’accès au travail, et les employés contraints de leur vendre leur force de travail comme seule ressource de subsistance. 

C’est ce qu’on appelle rapport de subordination, expression on ne peut plus exacte. 

Mais justement, avance Macron et son gouvernement, les rapports de subordination n’existeront plus dès lors que tous, grâce au capitalisme numérique et à l’encouragement à créer son entreprise, pourront sortir du salariat et opérer sous le statut minimal d’auto-entrepreneur. Voilà pourquoi, l’essaimage hors de l’entreprise traditionnelle est un mot d’ordre en cours d’application par nombre de DRH, et devra être stimulé. Telle est l’illumination qui guide Macon : nous sommes tous égaux devant le marché, à nous d’y faire nos preuves par notre performance individuelle. C’est de notre employabilité individuelle sur le marché global dont dépend notre revenu. Pas du salaire, qui suppose l’étouffement de l’individu dans des rapports subordonnés et contraints. 

Le Code du Travail est qualifié par Macron de « stratifié », « sa complexité contribue à éloigner les salariés de leurs droits et insécuriser juridiquement les entreprises ». De plus, sa complexité « décourage l’embauche des TPE ». Que ça… Alors Macron veut une loi qui se débarrasse d’un coup d’un seul et du Code et des salariés. 

 

Trois offensives simultanées sont menées autour de la loi Macron 2 pour en conforter l’importance. 

  • Si la réduction du Code du Travail est confiée à des experts pour 2018, en revanche des éléments essentiels doivent en être extirpés dès janvier 2016. Une négociation doit être menée sur le remplacement de la loi par le contrat d’entreprise. Pour y parvenir, la mesure du temps de travail doit sortir du cadre de la loi, de même la répartition des repos et des congés doit devenir du ressort de l’accord local.
  • De façon cohérente pour cette entreprise libérale, les conventions collectives, qui ont force de loi et qui encadrent tous les contrats de travail, doivent sauter. Si le principe de l’accord négocié à l’entreprise doit l’emporter, alors il faut au patronat et à son gouvernement se libérer d’un cadre qui garantit au contrat de travail un plancher social prénégocié et commun à toute une filière professionnelle. Tel est l’objet de l’accord de méthode présenté aux confédérations pour être réalisé fin décembre 2015.
  • Enfin, s’agissant de la Sécurité sociale et de sa carte vitale, il est prévu un traitement particulier. Valls a chargé l’un de ses services de donner une définition précise à la création du compte personnel d’activité (CPA) adopté par la loi Rebsamen, et créé au plus tard le 1er janvier 2017. L’auto entrepreneur, le créateur d’entreprise, et tout ce qui ne doit pas entrer sur le marché du travail ou qui s’y trouve, doivent ramener leurs droits sociaux à un socle minimal, réputé universel et pensé le plus bas possible, de façon que les autres droits soient liés à ses moyens. La supercherie consiste à faire croire à un transfert du droit lié à un emploi à un droit lié à la personne. Le CPA n’est pas un droit lié à la personne mais dépendant de l’employabilité et de la performance de l’individu sur le marché. Le marché de dupes CPA contre carte vitale est une arnaque en cours dans des négociations obscures.

 

Nous avons un intérêt immédiat et concret à participer dès la fin de notre congrès à la construction d’un vaste mouvement et une mobilisation contre la loi Macron 2, telle qu’elle résulterait des menées libérales du gouvernement et du patronat. 

Le verrou que le gouvernement et le patronat veulent faire sauter, c’est la faculté des travailleurs à être représentés par des syndicats indépendants qui inscrivent leurs actions au compte de survie prioritaire des emplois et des filières professionnelles. C’est la notion de convention collective couvrant le contrat de travail qui est en jeu, parce que la grande transformation libéralo-numérique réclame la destruction massive des emplois et la transformation des survivants en auto-entrepreneurs. 

Notre congrès qui doit conjuguer au présent le parti pris de l’avenir, doit contribuer à la mise en échec de l’offensive sur le droit du travail, le droit social en général, et la sécurité sociale. 

C’est possible, ça dépend en partie de notre unité, de notre cohésion, de notre détermination à ne pas se laisser dévier du but commun : établir la priorité du droit social sur l’entreprise libéralo-numérique. 

 

Mais eux, qu’entendent-ils par numérique et où veulent-il en venir ? Leur mot d’ordre est : « Promouvoir l’essaimage digital des salariés » 

 

Au service de la future loi Macron 2 de janvier 2016, le rapport Mettling, dont le titre officiel est « Transformation numérique et vie au travail », remis au gouvernement le 15 septembre, donne le sens réel de l’attaque contre le Code du Travail. L’enjeu de la numérisation généralisée concerne des millions d’emplois.  

 

La thèse servie par Mettling à Macron se résume ainsi : la révolution numérique implique « un changement de paradigme dans le monde du travail ». Loin de se résumer à l’usage d’outils numériques, elle marque l’arrivée, dans l’entreprise, de méthodes de conception, de production, de collaboration, qui sont aussi des méthodes de pensée, de travail, d’organisation. 

 

Des millions d’emplois ont été détruits par la robotisation et la numérisation du secteur industriel. Les emplois créés ont été infimes par rapport aux emplois détruits. Quant aux reconversions, elles existent à peine. 

A ce chômage technologique, frappant de plein fouet la classe ouvrière, s’est ajouté le chômage issu des politiques de destruction volontaire de postes du travail du fait de la concurrence mondialisée et du moins-disant social. 

 

Les licenciements qui frappent chaque jour ont transformé le chômage de masse en arme contre le droit du travail. Plus les licenciements se multiplient, plus le patronat use du nombre de chômeurs pour casser les droits des salariés licenciés, plus le coût du travail baisse, plus la précarité augmente. 

 

Mettling s’appuie délibérément sur le poids du chômage pour présenter le numérique comme une bonne aubaine pour disperser les citadelles salariales. 

 

Alors nouveaux emplois numériques ? Si oui lesquels ? Non, plus sûrement sortie du salariat et la Sécurité sociale ! 

 

Le cœur de la pensée des pouvoirs publics ? La préconisation n°12 du rapporteur Mettling : « Créer des dispositifs fiscaux incitatifs pour promouvoir l’essaimage digital des salariés. » 

Il s’agit d’encourager au moyen du numérique la dispersion des salariés hors des entreprises par des dispositifs incitatifs tant en termes de contrat de travail que d’incitations fiscales à destination des employeurs. Ainsi, les salariés seraient-ils poussés à devenir auto-entrepreneur, donc à se transformer en entreprise.. 

 

Conséquence de l’essaimage ? Préconisation n°15 : « Réinscrire les nouvelles formes de travail dans notre système de protection sociale. » 

La porosité entre l’auto entrepreneuriat, et une activité salariée classique devient de plus en plus importante. Un tiers des auto-entrepreneurs exercent également une activité salariée pour compléter leurs revenus. 

Au vu de ces « évolutions » des modes de travail, Mettling veut favoriser un développement de ces nouvelles formes d’emplois et d’activités, en construisant un socle de droits attachés à la personne, alternatif à la Sécurité sociale, afin de « lever les freins à la mobilité intra et inter entreprise ». 

 

La préconisation n°17 introduit la concurrence entre formes de ttravail : « Clarifier les situations respectives de salarié et de travailleur indépendant. » 

« Au-delà de la définition traditionnelle du travail salarié restant pertinente pour l’immense majorité d’entre eux, les nouvelles formes d’activité hors salariat conduisent à réfléchir à un élargissement de ce concept en s’appuyant sur de nouveaux indices, lesquels seraient issus d’une appréciation plus économique que juridique. » 

Mettling préconise de réactualiser la jurisprudence relative à la qualification de salarié. Cette évolution pourrait s’appuyer sur l’établissement d’un faisceau de critères élargi et permettra de qualifier un statut d’emploi comme relevant du salariat, ou, au contraire, du travail indépendant. 

 

Nomadisme et dématérialisation de l’entreprise… 

La définition très large du télétravail peut inclure les salariés nomades. 

« Le télétravail est une forme d’organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l’information dans le cadre d’un contrat de travail et dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière. Cette définition du télétravail inclut les salariés “nomades. » 

 

Toutes les nuances du télétravail sont bonnes pour Mettling : le télétravail à domicile, le « télé-local », c’est-à-dire dans un centre proche de son domicile et partagé avec d’autres, le travail nomade ou mobile, pour certains métiers prévoyant de nombreux déplacements (commerciaux en visite chez des clients, etc.), le« télémanagement », par lequel des salariés travaillent sur un site de l’entreprise, sans présence physique permanente d’un manager. 

 

Mettling considère le numérique comme un acide qui va dissoudre le « vieux droit social » pour lui substituer une définition minimale, celle du « compte personnel d’activité » à la place du compte de Sécurité sociale. Tel est l’enjeu réel de l’essaimage. 

 

Voilà pourquoi le congrès doit adopter une plate-forme revendicative qui combine la défense du droit et l’intégration des nouvelles formes de travail aux principes collectifs du droit précédent. 

 

La Filpac CGT 

  • rejette totalement la destruction du droit social actuel. S’il doit apparaître de nouvelles formes d’emplois, qu’elles s’intègrent dans la légalité du droit social actuel. C’est bien le statut du travail salarié qu’il faut étendre aux travailleurs précaires, et non précariser le Travail entier au nom de l’entrepreneur nomade.

 

  • combat la concurrence entre salariés et la disparition du cadre légal au profit de la précarité. La charge de travail, même numérique, doit être mesurée à l’entreprise et délimitée par un contrat de travail. Le forfait jours n’est qu’un autre nom de la disparition du temps de travail et de la quantification de la charge de travail.

 

  • s’oppose au mensonge d’État qui présente le Code du Travail comme fauteur de chômage, et l’ensemble des lois sociales commearchaïques, s’opposant à la modernité du numérique. Au contraire,le numérique est une formidable opportunité de rassemblement detous les salariés autour d’objectifs communs. L’un d’entre eux consisteà défendre et promouvoir la Sécurité sociale sous tous ses aspects, enl’étendant au revenu même du Travail.

 

La Filpac CGT, contre la réduction du salarié à son compte individuel d’activités, défend et la carte Vitale de la Sécurité sociale et le contrat de travail, générateur de cotisations sociales qui en assurent la pérennité. Elle considère qu’il n’y a aucune raison, aucun argument qui justifie la supériorité des impératifs du numérique sur la loi. 

 

C’est le Travail de celles et ceux qui en vivent qui doit être protégé contre la loi du marché, fût-il numérisé. 

 

De la même manière que nous avons à déterminer une orientation pour ou contre l‘union nationale pour la guerre dans le cadre de l’État d’exception permanente derrière Hollande, nous avons à confirmer ici, de la façon la plus explicite, que nous refusons l’union sacrée avec le patronat dans la guerre économique livrée sur le terrain de la concurrence mondialisée. 

A ce stade, il convient de rappeler l’intervention de la Filpac au Comité confédéral national de la Cgt du 24 septembre 2015. 

« L’instance statutaire de direction de la CGT, avons-nous dit, doit mettre un terme à la pratique de délégations confédérales agissant sans mandat des organisations de la CGT, alors qu’elles les impliquent dans des négociations, des commissions, des échanges par des prises de position publiques, souvent contradictoires avec les statuts, les orientations de la CGT adoptées en congrès et celles de chacune de ses organisations confédérées. 

  • C’est pourquoi nous avons demandé que le mandat impératif des délégations confédérales CGT, délivré par le CCN sur les sujets de fond évoqués et à venir, soit rétabli et respecté au plus vite. »

 

Personne ne nous a ni contredit ni désavoué ni par oral ni par écrit. Bien plus, l’approbation a été générale. Notre intervention a été enregistrée comme partie intégrante du fonctionnement de toute la Cgt, dans le journal statutaire de la CGT, Le Peuple. Son contenu est plus que jamais actuel. 

 

Il est du ressort de tous les syndicats représentés par les FD et les UD de définir le mandat précis des négociateurs et l’opportunité même de négocier. 

 

Mais notre congrès nous surtout l’occasion de faire le point sur nos propres pratiques tant les principes que nous demandons à la CGT de respecter nous devons nous même les appliquer. 

 

Le mandat général de tous nos négociateurs consiste à chercher les conditions de satisfaction des revendications selon le rapport des forces établi dans cet objectif. 

Au cours de notre congrès nous aurons à nous déterminer sur une orientation décidée, assumée et appliquée par tous, contraire à un syndicalisme institutionnalisé, tel que le pratique le bloc CFDT CFTC CGC. 

Adopter cela, c’est dire d’une autre manière qu’il n’y a pas de terrain de négociation au centre de laquelle se situe la compétitivité conçue comme la cause commune aux employeurs, aux employés et à leurs représentants. 

Adopter cela, c’est dire d’une autre façon encore qu’à l’heure de la mondialisation libérale qui impose la concurrence de tous contre tous, le capitalisme n’est pas amendable, et ce d’aucune manière. 

Pour dominer, il sape les fondements sociaux et politiques du système démocratique, à la ville comme à l’entreprise. 

Pour suivre ses intérêts exclusifs, il compromet jusqu’à la notion même de société dont la vocation est la cohésion autour du vivre ensemble. Pour lui, rien de plus sacré que la protection de ses propres intérêts. 

A ce titre le débat de mardi soir avec Edwy Plénel, Christian Chavanieux, Antoine Peillon et Charles Michaloux sur la dette et l’évasion fiscale nous éclairera. 

Notre congrès ne doit pas accepter d’adopter des formules telles que « syndicalisme de transformation sociale » sans lui donner vie et sens pratique, concret. 

Nous pensons cette société de marché comme invivable, pas même fréquentable ? Mais parallèlement, nous ne savons pas quel chemin emprunter pour sortir de ce système. Et nous n’avons pas la prétention d’élaborer, à nous seuls, les voies de l’émancipation. 

Mais nous pouvons y contribuer à la mesure de nos forces, de notre expérience, de la confiance que nous accordent les salariés. De plus, nous vivons encore sur le traumatisme de la chute du Mur de Berlin et l’épuisement de tout débouché politique en terme de majorité électorale qui satisferait par de bonnes lois les revendications essentielles du peuple. C’est dire si quelques abus de confiance et détournement de suffrages sont passés par là. 

Le premier devoir de notre congrès est d’affirmer tant par des orientations pratiques que par un positionnement général notre identité de syndicalisme de transformation sociale. 

Nous dénonçons toute menée visant à intégrer le syndicalisme dans une pratique permanente de concertations, de prétendues négociations comme une attaque contre notre propre existence et l’existence même de la Cgt. Nous devons défendre la Cgt attaquée de toute part qu’elle est pour qu’elle renonce à son identité constitutive. 

Pour ça, il est de notre devoir à la Filpac Cgt de contribuer à rassembler toutes et tous ceux qui pensent et agissent en terme d’alternative au capitalisme. Telle est la démarche entreprise tant avec d’autres fédérations syndicales de la Cgt, d’autres organisations syndicales hors Cgt, et avec des organismes de réflexion comme l’Observatoire des mouvements de la société, OMOS, avec lequel nous organisons un débat mercredi à 18 h 30. 

 

C’est que nous voulons être prêts à la fois pour transmettre les réflexions communes aux délégués et militants de la Fédération, prêts à participer à l’élaboration aujourd’hui éparse et dispersée, prêts, osons l’affirmer à nous comporter selon notre fonction syndicale dans les mouvements sociaux qui viennent. 

 

Il ne s’agit surtout pas d’exhumer et de réciter un bréviaire ancien des deux siècles passés. En revanche, tirant les expériences de l’histoire, nous pouvons écrire notre propre itinéraire. Non nous n’avons pas tout essayé. Nous n’avons pas épuisé toutes nos capacités d’intervention et d’entrainement pour sortir de l’ornière du capitalisme. 

 

Notre congrès tombe à point nommé. À nous d’en faire une plate-forme pour fortifier nos combats. 

Et ça commence maintenant. 

Vive la CGT, Vive la Filpac, Vive le 8e congrès. 

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