Il est des fins de règne qui se passent plus mal que d’autres : celle de Jean-Claude Mailly à la tête de Force Ouvrière en fait décidément partie. Après avoir dû subir de sévères critiques au sujet de son attitude pas précisément combative lors de l’adoption des ordonnances Travail, il doit aujourd’hui essuyer des critiques tout aussi vives au sujet de sa nouvelle carrière professionnelle auprès de Raymond Soubie, l’ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy.
Une mission patronale ?
Invité de l’émission “l’Epreuve de vérité”, co-organisée par Public Sénat, l’AFP, les Echos et Radio Classique, Pascal Pavageau, le successeur de Jean-Claude Mailly à la tête de la CGT-Force Ouvrière, n’a pas mâché ses mots pour commenter la nouvelle vie professionnelle de son prédécesseur. “J’ai beaucoup de réactions en interne à FO depuis sa désignation au cabinet de M. Soubie, surtout pour les missions qui vont être les siennes, qui s’inscrivent quand même dans une logique d’accompagner aussi des plans de restructurations patronaux et au niveau des entreprises” a-t-il d’abord affirmé. Autrement dit, si l’on en croit M. Pavageau, de nombreux militants et responsables FO considèreraient désormais que M. Mailly est passé de l’autre côté de la barrière. Reconnaissons que sa reconversion professionnelle peut étonner.
Un mélange des genres ?
Surtout, Pascal Pavageau estime que les nouvelles fonctions de conseiller de Jean-Claude Mailly sont tout à fait incompatibles avec le fait de détenir un mandat FO au conseil économique et sociale européen. “Il y a une vraie colère, une vraie grogne interne à FO, des militants qui me disent : “puisque Jean-Claude Mailly s’était auto-désigné au Cese européen, il y a une incompatibilité entre un tel choix professionnel […] et le fait de garder un mandat à Force Ouvrière”. Les choses sont donc clairement dites : Force Ouvrière n’est plus vraiment d’accord avec le fait de confier à M. Mailly sa représentation au CESE européen. Autant dire que le divorce est consommé entre les deux parties. Dans l’univers des confédérations syndicales, ce type d’éclats de voix est suffisamment rare pour être relevé.
La crédibilité syndicale
Comme nous l’avons dit pas plus tard que la semaine dernière, en annonçant la reconversion professionnelle de Jean-Claude Mailly, cette dernière pose fondamentalement la question de savoir si la volonté des anciens dirigeants de syndicats de salariés de s’engager dans une reconversion professionnelle “de luxe” ne risque pas de venir définitivement à bout du peu de crédit dont bénéficie encore le mouvement syndical. On conçoit en effet sans grande difficulté que le militant FO de base mais également, bien plus largement, les salariés français, éprouvent un certain malaise, sinon une forme d’écoeurement, en constatant que les anciens dirigeants confédéraux trouvent à se recaser à prix d’or auprès d’officines étatiques ou patronales de premier plan. Dans le cas de FO, ceci implique d’ailleurs une définition à géométrie variable de “l’indépendance syndicale”.