Barème prud’homal : les partenaires sociaux partagés devant les avis de la Cour de cassation

La Cour de cassation a confirmé, par 2 avis rendus hier, la conformité du barème prud’homal aux textes internationaux signés par la France. Une position qui fait réagir aussi bien chez les organisations d’employeurs que chez les syndicats de salariés.

L’U2P salue la décision du juge :

La Cour de cassation a estimé mercredi 17 juillet que le plafonnement des indemnités prud’homales pour licenciement était “compatible” avec les textes internationaux ratifiés par la France.

C’est une satisfaction pour l’U2P et au-delà pour tous les employeurs de l’artisanat, du commerce de proximité et des professions libérales qui ont pu constater les bienfaits de cette mesure mise en place par les ordonnances travail de 2017.

Ainsi, l’instauration d’un plancher et d’un plafond (de 1 à 21 mois de salaire brut en fonction de l’ancienneté) d’indemnisation des licenciements, ont permis de lever un frein à l’embauche, les chefs d’entreprise ayant dorénavant connaissance du coût encouru en cas de licenciement d’un salarié.

Cet élément contribue à sécuriser les entreprises, en particulier les plus petites, qui pouvaient être mises en péril par des condamnations imprévisibles et trop lourdes par rapport à leurs capacités financières. En outre, la barémisation des indemnités prud’homales est de nature à réduire les inégalités de jugement d’une région à l’autre.

De la même façon, l’U2P avait salué la réduction du délai de recours devant la justice prud’homale et l’abandon des condamnations d’entreprises pour desimples questions de forme.

Le Président de l’U2P Alain Griset conclut : « Les entreprises de proximité ont clairement besoin de limiter les risques et les inconnues pour pouvoir se développer, et le plafonnement des indemnités prud’homales est donc essentiel pour elles. »

Pour la CPME, le bon sens l’emporte :

La Cour de Cassation vient de confirmer le barème permettant d’indemniser le préjudice en cas de licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse.Cette décision est une bonne nouvelle pour les entreprises.

Le barème permet en effet de limiter l’insécurité juridique et donne de la visibilité aux employeurs comme aux salariés. De plus, dans l’intérêt de tous, il assure une cohérence à travers l’ensemble du territoire national et favorise la conciliation.

Il est heureux de constater qu’une loi votée par la représentation nationale peut effectivement s’appliquer. Il conviendra maintenant que toutes les juridictions prud’homales appliquent la Loi.

La CFDT regrette la décision de la Cour de cassation :

La Cour de cassation a rendu aujourd’hui son avis sur la conformité aux normes européennes et internationales du barème prud’hommes instauré par lesordonnances travail de septembre 2017.

La Cour de cassation estime que le barème prud’hommes est conforme aux normes de l’OIT. Elle pointe le fait qu’en droit français, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration et que le barème ne s’applique pas en cas de licenciement nul. Selon la Cour de cassation, le barème applicable à la détermination par le juge du montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est donc compatible avec les dispositions de l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT.

Pour la CFDT, cette décision est fortement regrettable. La CFDT est intervenue volontairement devant la Cour de cassation dans ces deux demandes d’avis. La CFDT a toujours vivement combattu les barèmes, dès les premières tentatives d’introduction en 2015. Pour la CFDT, ces barèmes portent atteinte au principe de réparation intégrale du préjudice et tel qu’issus des ordonnances, sont contraires aux normes internationales et européennes.

Pour la CFDT, il ne s’agit néanmoins que d’un simple avis de la Cour de cassation qui n’a pas d’autorité de la chose jugée. Il ne lie donc ni les Conseils Prud’homaux, ni les cours d’appel, ni même la Cour de cassation elle-même.

Pour rappel, la CFDT est partie intervenante dans deux affaires pendantes devant les cours d’appel de Reims et de Paris, dont les décisions sont attendues avec impatience. Elle sera partie intervenante devant la Cour de cassation en cas de pourvoi pour faire valoir à nouveau sa position sur le sujet.

FO rappelle avoir engagé des recours au niveau international contre le barème prud’homal :

La Cour de cassation a fini par, ce 17 juillet, valider, tant bien que mal, le très contesté encadrement des indemnités prud’homales pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Mais FO compte bien sur ses recours devant le Comité européen des droits sociaux et le Bureau international du travail.

Des indemnités calibrées de manière à ne pas indisposer la partie patronale, bref, une justice revue et corrigée au marteau d’airain, telle était la conception de la mesure d’une des ordonnances dites Macron (celle du 22 septembre 2017). Modifiant le Code du travail, cette mesure a réduit les dommages et intérêts à un maximum de vingt mois de salaire brut, en fonction de l’ancienneté. Elle a été célébrée par certains milieux patronaux, allergiques au risque induit par la réparation d’un préjudice. Cette limitation des indemnités a visiblement tenu à cœur à l’exécutif puisque, dans une circulaire du 26 février 2019, le ministère de la Justice avait demandé aux présidents des cours d’appel et des TGI de lui communiquer toutes les décisions relatives à la conventionnalité (conformité aux textes internationaux) ou non du nouveau barème, écarté par plusieurs conseils de prud’hommes…

FO conteste le barème

C’est justement deux d’entre eux, à Toulouse (Haute-Garonne) et à Louviers (Eure), qui ont sollicité l’avis de la Cour de cassation, devant laquelle l’avocate générale (représentant le ministère public) a défendu mordicus la conventionnalité largement contestée de ce barème. Elle l’est notamment par plusieurs organisations syndicales, dont FO. L’avocat de cette dernière a souligné le fait que le barème ne respecte pas des conventions internationales auxquelles la France a adhéré : la Charte sociale européenne, affirmant le droit des travailleurs licenciés à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée, et la convention 158 de l’OIT (Organisation internationale du travail), qui précise que les juges ayant conclu à un licenciement injustifié et qui n’ont pas le pouvoir de l’annuler et/ou d’ordonner la réintégration du salarié, doivent être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée. Ce à quoi le « barème Macron » n’est ni adéquat ni approprié.

Arguments particuliers !

Pourtant ce 17 juillet la Cour de cassation n’en a pas moins validé ce barème mais en utilisant des arguments apparemment contradictoires pour justifier de la compatibilité du barème avec les conventions internationales signées par la France. Pour cela, elle estime qu’il n’y pas inconventionnalité avec la convention 158 de l’OIT parce qu’elle laisse une marge aux États pour restreindre l’appréciation du juge dans un conflit entre particuliers et en même temps elle pose que la Charte sociale européenne, en son article 24, ne peut s’appliquer en l’espèce car le barème relève d’un conflit entre particuliers…

Immédiatement FO, dans un communiqué du même jour, 17 juillet, a fait savoir qu’elle estime que sa position contraire demeure fondée et qu’elle a intenté parallèlement des actions en ce sens tant au niveau européen devant le Comité européen des droits sociaux (organe officiel chargé d’interpréter la Charte sociale européenne) qu’au niveau international devant le Bureau international du travail (s’agissant de la Convention 158 de l’OIT). Ainsi FO compte bien sur cette autre voie de recours pour faire valoir ses arguments et aboutir à la mise en cause du barème.

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