Après l’adoption du PLFSS 2025 au Sénat, le gouvernement toujours sans… PLFSS

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Si l’Assemblée Nationale a échoué, au début du mois de novembre, à mener à son terme l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, ne le votant d’ailleurs pas, le Sénat a, pour sa part, réussi à atteindre cet objectif et l’a adopté hier en première lecture.

Malgré cette issue favorable pour le PLFSS 2025, il apparaît, en l’état, que le gouvernement ne dispose pas vraiment d’un PLFSS pour l’an prochain.

Le PLFSS 2025 adopté au Sénat

C’est à une large majorité, de 202 voix pour contre 109 voix contre, que les sénateurs ont voté, hier après-midi, le PLFSS 2025. Dans le cadre de l’examen sénatorial de ce texte en première lecture, le gouvernement a pu compter sur la forte implantation de la droite et du centre au sein de la chambre haute. Après l’échec retentissant de l’examen du PLFSS 2025 par l’Assemblée Nationale, dont la composition politique est bien plus bigarrée, l’exécutif reprenait ainsi une bouffée d’oxygène sans nul doute salutaire pour lui dans la séquence pour le moins tendue et incertaine des débats budgétaires de la fin de l’année.

Encore faut-il, certes, préciser que, tel qu’il a été adopté par les sénateurs, le PLFSS 2025 n’est pas tout à fait le même que celui qui avait été présenté par le gouvernement. On relèvera, en particulier, qu’au chapitre des recettes, le Sénat a revu quelque peu à la baisse les remises en cause d’exonérations de cotisations sociales, en les rapportant de 4 à 3 milliards d’euros. A la place, il a rehaussé certaines taxes sur le tabac, les sodas et les jeux d’argent et, surtout, décision polémique, a créé une contribution de sept heures de “solidarité” par an travaillées sans rémunération par tous les salariés, afin de financer la dépendance. S’agissant des dépenses, les sénateurs ont notamment arrêté le principe d’une revalorisation des pensions de retraite à hauteur de moitié du niveau de l’inflation au 1er janvier prochain, puis, pour les pensions inférieures au SMIC, selon une modalité comparable au 1er juillet prochain.

Au total, le PLFSS 2025 voté par le Sénat est plus restrictif que celui porté par le gouvernement, puisqu’il ramène le déficit de la Sécurité sociale de 16 à 15 milliards d’euros.

Une politique sociale toujours pas clarifiée

Quelques heures seulement après l’adoption du texte, cette projection n’était, certes, peut-être plus tout à fait valable. Et les choses recommençaient déjà à se gâter pour le gouvernement. En effet, interrogé en fin d’après-midi sur BFM TV, Laurent Wauquiez, le président du groupe Droite Républicaine à l’Assemblée Nationale, a annoncé qu’un accord avait été trouvé entre députés et sénateurs de droite au sujet d’un remplacement des sept heures de travail non rémunérées par d’autres mesures. Si le patron des députés les Républicains (LR) a affirmé que le Premier ministre Michel Barnier était favorable à cette démarche, il n’en demeure pas moins tentant de s’interroger sur le niveau exact d’enthousiasme du principal intéressé à l’égard d’une décision aux implications budgétaires potentiellement problématiques.

Et puisque l’heure semblait être au desserrement des vannes du budget social de la nation, on apprenait hier que les motifs de fort probables hausses des dépenses de retraites et de santé se multipliaient. D’une part, la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet, le gouvernement a officiellement convié, lundi, les partenaires sociaux à engager des “discussions” visant à améliorer la réforme des retraites de 2023. Bien que le gouvernement entende respecter le cadre budgétaire global de cette réforme – et quoi que l’on pense, sur le fond, de celle-ci – on voit mal comment ces discussions pourraient ne pas emporter la création de dépenses sociales nouvelles. D’autre part, comme nous en faisons état aujourd’hui dans nos colonnes, la volonté du gouvernement d’améliorer la prise en charge des fauteuils roulants par la Sécurité sociale n’apparaît pas aller dans le sens de la modération budgétaire.

En somme, si un PLFSS a bien été voté par le Sénat pour 2025, la politique sociale de la France pour les prochains mois n’apparaît pas pour autant clarifiée – alors que c’est pourtant précisément là l’objet de ce texte.

Le précipice en approche

Ces incertitudes sur le fond de l’affaire ne contribuent pas à conforter les conditions politiques de l’élaboration et de l’adoption du prochain budget social de la France. Comme ceci a été souligné ici ou là, on constate d’abord que la plupart des sénateurs macronistes, rassemblés au sein du groupe Rassemblement des Démocrates, Progressistes et Indépendants (RDPI), n’a pas voté le PLFSS 2025. Les récalcitrants verraient d’un très mauvais œil le maintien des remises en causes, même amoindries, d’exonérations de cotisations sociales dans le texte finalement voté au Sénat. Si la tenue, à compter d’aujourd’hui, d’une commission mixte paritaire (CMP) réunissant 7 députés et autant de sénateurs, est censée permettre l’émergence d’un PLFSS de compromis, ces différends entre membres de la coalition de gouvernement laissent augurer des débats difficiles. A ce sujet, la manœuvre d’hier entre parlementaires LR ne devrait pas apaiser les esprits des députés et sénateurs non-LR pouvant potentiellement soutenir le gouvernement et son budget social.

Plus encore, quand bien même la CMP réussirait à s’entendre sur un PLFSS 2025 de compromis, les perspectives politiques de ce dernier demeureraient hypothétiques. Les mesures d’austérité qu’il devrait introduire ne conviennent ni à la gauche de l’échiquier politique ni au Rassemblement National (RN). Or, si les seconds faisaient jusqu’à présent preuve d’un certain attentisme à l’égard du gouvernement, les choses pourraient changer à l’occasion de l’adoption du PLFSS : le vote d’une motion de censure est envisageable – tellement envisageable que le Président de la République lui-même semble tenir cette hypothèse pour sérieuse. Dans cette éventualité, le gouvernement tomberait et ses projets de loi budgétaires avec lui. L’espace politico-institutionnel de nouveaux compromis en ces matières avant la fin de l’année apparaît très restreint, sinon existant. Les budgets de la France pour 2025 reprendraient alors, si l’on en croit diverses analyses sur le sujet, les dispositions de ceux mis en œuvre en 2024 – mais avec une véritable inconnue sur le financement des déficits et de la dette, inconnue renforcée dans un contexte, inévitable, de crise politique majeure.

On l’a bien compris : l’adoption par le Sénat d’un PLFSS pour 2025 est bien loin d’ouvrir sur la détermination du budget social de la France pour l’an prochain. Le risque demeure intact de la survenue d’une crise politique, institutionnelle, budgétaire, voire financière d’ampleur, dans le cadre de cette élaboration.

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