Le discours d’Emmanuel Macron devant le congrès de la Mutualité était d’autant plus attendu qu’il avait été soigneusement mis en scène la veille par une vidéo montrant les coulisses de sa préparation, diffusée sur les réseaux sociaux. Le Président s’y plaignait du montant des aides sociales et promettait des mesures novatrices pour responsabiliser les Français… En dehors d’un rappel sur le “reste à charge zéro” rebaptisé “100% santé”, on n’a en réalité pas entendu grand chose de nouveau devant les mutualistes réunis à Montpellier. Le Président serait-il en panne d’idées?
La prise de parole d’un président de la République devant le congrès de la Mutualité est un exercice courant, et pour ainsi dire obligé. Le pouvoir exécutif exprime ainsi sa déférence (voire sa préférence…) pour l’une des familles de l’assurance santé, et rappelle au passage le rôle historique de la mutualité dans la vie quotidienne des Français. Les initiés les plus clairvoyants se souviennent d’ailleurs du combat mené sous Vichy par la FNMF pour empêcher l’émergence d’une sécurité sociale bismarckienne telle qu’elle naquit en 1945. C’est dire si l’histoire de la mutualité se confond avec celle de la protection sociale.
Les fausses promesses de Macron à l’approche de ce discours
Dans la vidéo diffusée mardi soir par Sibeth Ndiaye sur les comptes sociaux de l’Elysée, on entendait Emmanuel Macron se plaindre de la déresponsabilisation des assurés sociaux par un système d’intervention publique trop généreux. On l’entendait aussi annoncer des idées nouvelles pour la protection sociale.
Chic! pouvait-on se dire. Le Président de la République allait annoncer le passage de vie à trépas pour les mécanismes déresponsabilisants de notre protection sociale. Le monopole de l’assurance-maladie allait enfin être passé au grill… et cette perfusion à guichets ouverts de remboursements divers et variés qui dispensent les assurés de prendre soin de leur santé était promise à l’oubli. Peut-être même le Président annoncerait-il enfin le revenu universel maladie, permettant à chacun de se faire rembourser sa bobologie.
Finalement, le Président a préféré botter en touche en réservant ses annonces pour l’été. D’ici là, il a servi aux mutualistes réunis à ses pieds des plats réchauffés, vantant les bienfaits de son reste à charge zéro et promettant une loi en 2019 sur la dépendance. Pas de quoi fouetter un chat… On peut même se demander dans quelle mesure le Président n’est pas, désormais, en panne d’idées…
Les contradictions grandissantes de la macronie
Du même coup, les contradictions dont les macronomics sont porteuses soulèvent d’importantes questions sur la cohérence de la vision qui inspire la politique présidentielle. Il y a en effet un véritable paradoxe à plaider pour une responsabilisation des plus pauvres face à la misère, tout en généralisant des dispositifs sans avance de frais pour la santé. Qui plus est, les postes de dépenses où ces avances sont prévues relèvent tous de la prévoyance individuelle et non de l’assurance santé.
Ainsi, les prothèses dentaires ou auditives sont-elles étroitement liées à l’âge et au vieillissement. On voit mal quelle logique de responsabilité demeure lorsque l’Etat se substitue à la prudence individuelle dans la couverture complète de ces soins.
C’est sur ce genre d’exemple que l’expression “Protéger et libérer” montre son absurdité. En réalité, le discours de la protection au sens où il est entendu par le pouvoir exécutif, est d’abord un discours de la déresponsabilisation et de la mise sous dépendance, voire sous addiction, des dépenses publiques. Il serait plus correct de dire “protéger et asservir”.
Dans tous les cas, l’éloge par les pouvoirs publics d’un système de protection sociale où la prévention et la mitigation du risque sont de façon grandissante mis sous le boisseau au profit d’un transfert aveugle vers un opérateur qui rembourse sans limite est à l’opposé de la responsabilité.
La mutualité annonce des hausses de tarifs
Poussons même le bouchon plus loin. Il existe une forme de populisme officiel en France, consistant à faire croire qu’il est possible de prendre en charge complètement des dépenses d’optique ou de prothèses sans renchérir les coûts. L’Etat, dont les dépenses augmentent depuis deux ans de façon exponentielle, est en tout cas très mal placé pour donner des leçons de baisses de tarifs à des opérateurs privés par ailleurs soumis à des contraintes fiscales grandissantes.
Le président de la FNMF a courageusement rappelé ce point, en indiquant qu’il était difficile à ce stade de mesurer l’impact du “100% santé” sur les tarifs. Cette façon diplomatique d’annoncer des augmentations de prix remet les vaches dans leur pré: un Président de la République ne devrait pas annoncer des rodomontades pareilles.