Hier, mardi 10 janvier, en fin d’après-midi, Elisabeth Borne, le Premier ministre, a présenté la réforme des retraites que le gouvernement entend faire adopter au cours du premier semestre de l’année – réforme qui emporte un durcissement des conditions d’accès à la retraite.
Dans la foulée de la prise de parole de l’exécutif, les dirigeants des confédérations syndicales de salariés ont annoncé une première journée unitaire de mobilisation contre ce projet de réforme des retraites.
Demain, la retraite à 64 ans
Sans que ceci soit réellement surprenant, Elisabeth Borne a expliqué hier aux Français qu’ils allaient devoir travailler plus longtemps afin de prendre leur retraite. L’âge légal du départ à la retraite augmentera en effet progressivement pour atteindre 64 ans en 2030 et la durée de cotisation permettant de prétendre à une pension à taux plein atteindra 172 trimestres, soit 43 annuités, dès 2027 – et non d’ici 2035 comme le prévoyait initialement la réforme Touraine. Le décalage de deux ans de l’âge légal de la retraite est par ailleurs mis en œuvre dans le cadre du dispositif des carrières longues, ses bénéficiaires devant donc attendre leurs 62 ans pour partir à la retraite. Relevons enfin que l’âge de départ à la retraite sans décote demeure fixé à 67 ans.
Si ces nouvelles règles doivent s’appliquer à la fois aux salariés du secteur privé et aux fonctionnaires, le Premier ministre n’a en revanche pas fait état de modifications à venir des règles de calcul des pensions. Elle a, certes, annoncé la disparition progressive, par application de la “clause du grand-père”, des régimes spéciaux de la RATP, des employés des industries électriques et gazières, des personnels de la Banque de France, du Conseil économique, social et environnemental, ainsi que des clercs et employés de notaires.
Comme contreparties à ces dispositions de dégradation des régimes de retraite, Elisabeth Borne n’avait, il faut bien le constater, pas grand-chose à proposer aux travailleurs français. Les petites retraites vont faire l’objet de mesures de soutien : hausse de 100 euros par mois du minimum contributif actuel, nouveau minimum contributif fixé à 85 % du SMIC – y compris pour les indépendants – et revalorisation des “petites retraites” en fonction de celle du SMIC. Pour faire face à la hausse de l’âge de la retraite, quelques mesures d’amélioration légère de la prise en compte de la pénibilité sont par ailleurs prévues, ainsi qu’un assouplissement et élargissement du dispositif de la retraite progressive. Le développement de l’emploi des seniors devrait, quant à lui, passer par la mise en place d’un “index”, qui paraît surtout incitatif.
Front syndical (puis social ?) contre la réforme des retraites
C’est peu dire que la réforme des retraites présentée par le gouvernement n’a guère convaincu les dirigeants des organisations syndicales de salariés. Il ne s’en est pas trouvé un seul, y compris du côté des plus modérés, qui n’ait pas fait le choix d’appeler à la mobilisation contre le projet de l’exécutif. Réunis à la Bourse du Travail à Paris afin de se positionner à son endroit, les responsables de la CFDT, de la CGT, de FO, de la CFTC, de la CFE-CGC, de l’UNSA, de Solidaires et de la FSU ont appelé les salariés à se mobiliser “fortement” et “dans la durée” contre la réforme des retraites promue par le gouvernement. C’est le 19 janvier prochain que les travailleurs sont appelés à se mobiliser pour une première journée d’action.
Commentant leur décision, les responsables syndicaux ont fait preuve d’une attitude d’unanimité. “C’était important que les organisations syndicales donnent le la” de la mobilisation a ainsi déclaré Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT. “Le fait que toutes les organisations syndicales soient d’accord […], ça permet des intersyndicales dans les entreprises, les professions, les établissements” s’est, pour sa part, félicité Philippe Martinez, le patron de la CGT. “L’unité syndicale, pas de recul de l’âge des départs, pas d’allongement de la durée de cotisation !” a, enfin, martelé sur Twitter Frédéric Souillot, le secrétaire général de FO.
S’il est, certes, impossible de prévoir le niveau de la participation à la journée de mobilisation, il convient toutefois de prendre au sérieux l’hypothèse de sa réussite. En effet, le moral des Français et, tout particulièrement, celui des travailleurs, est loin d’être au plus haut – citons par exemple l’inflation forte, l’explosion du coût de l’énergie, les hausses de la fiscalité locale, le système de santé et les services publics en voie de dépérissement, le sentiment massif de déclassement mais aussi celui, diffus, d’une perte généralisée des repères traditionnels. C’est dans une telle configuration que le gouvernement a fait le choix d’engager avec le peuple un bras de fer, en lui proposant de dégrader sensiblement ses régimes de retraite. Le risque d’un embrasement social, voire politique, est dès lors réel.