Face à la crise, un MEDEF taille poltron

Avec sa « rencontre des entrepreneurs de France 2022 », ou REF 2022, qui se tient depuis hier, et jusqu’à aujourd’hui en fin d’après-midi à l’hippodrome de Longchamp, le MEDEF fait sa rentrée et marque, après la pause estivale, son retour dans le débat public.

Dans l’ensemble, il ressort des échanges ayant eu lieu lors de la première journée que, dans la période pour le moins difficile que nous traversons, le MEDEF paraît moins décidé à tailler patron que poltron.

Une entame de journée plutôt offensive

La rentrée du président du MEDEF, Geoffroy Roux de Bézieux, avait pourtant débuté de manière particulièrement offensive. Interrogé hier matin sur France Inter, il s’était vivement opposé à l’éventualité d’une taxation spéciale des « super profits » de certains grands groupes – taxation évoquée par divers responsables politiques, jusqu’à Matignon, afin de financer les mesures gouvernementales de soutien au pouvoir d’achat des ménages. « Qui est le plus grand superprofiteur, si j’ose ? qui fait les plus grands superprofits ? C’est l’Etat », a affirmé le patron des patrons français, rapportant que « les recettes fiscales du premier semestre 2022 ont augmenté de 27 milliards d’euros […] grâce aux superprofits des entreprises ». « Donc, c’est une bonne nouvelle pour ces entreprises, pour leurs salariés, mais aussi pour les Français, pour l’Etat » a-t-il enfoncé le clou.

Elisabeth Borne, le Premier ministre, qui allait devoir prendre la parole en début d’après-midi devant la représentation du patronat français, était prévenue : l’heure n’était pas à la repentance entrepreneuriale mais à la proclamation des effets positifs, pour la recherche de l’intérêt général, de la prospérité des entreprises. Lors de son discours, Mme Borne jugeait d’ailleurs nécessaire de répondre à l’attaque du président du MEDEF, assurant que « non monsieur le président, il n’y a pas de surprofits du côté de l’État ». L’avenue Bosquet paraissait ainsi tenir l’exécutif en respect.

Un MEDEF déboussolé sur la question énergétique

Hélas pour les entrepreneurs de France, aussitôt après cette entame intéressante, le cours des choses s’est rapidement dégradé. En effet, sur la question énergétique – celle qui, justement, est l’une des principales causes de leurs tracas actuels et, sans doute, à venir – le MEDEF s’est montré tout à fait démuni. Les participants à la REF 2022 étaient d’abord sommés d’écouter sans broncher le plaidoyer pro domo de Volodymyr Zelensky, le président de l’Ukraine. S’il est entendu que les malheurs du peuple ukrainien peuvent légitimement susciter l’empathie commune, il est en revanche pour le moins surprenant que le MEDEF ait proposé une telle tribune à M. Zelensky. Ce dernier, en effet, est loin de se trouver sans responsabilité dans le déclenchement de la guerre qui ravage aujourd’hui l’Ukraine – et qui, au grand dam des entreprises françaises, met sens dessus dessous le marché mondial de l’énergie.

Puisqu’il s’agissait pour les patrons de France, sur cet enjeu fondamental du moment, de boire le calice jusqu’à la lie, Elisabeth Borne est allée jusqu’à menacer les entreprises de graves difficultés d’approvisionnement énergétique en cas de manquement au principe – désormais sacro-saint – de sobriété. Le Premier ministre a affirmé que les entreprises « seraient les premières touchées » dans l’éventualité de « rationnement » énergétique. « Nous devons malheureusement nous y préparer » a-t-elle martelé. Elle en a profité pour inviter les entreprises à élaborer dans les prochaines semaines des « plans de sobriété », estimant préférables « les économies choisies plutôt que les coupures subies ». Là encore, malgré la portée de ces propos, l’assistance n’avait qu’à bien se tenir et à encaisser.

Une présence de plus en plus effacée dans le domaine social

Abordant ainsi – de manière pas nécessairement convaincante du point de vue du patron lambda – l’un des principaux problèmes économiques actuels, le MEDEF ne s’est montré guère plus volontariste en matière sociale. Sur la question de l’assurance chômage, il a, sur le fond, et sans que ceci ne soit réellement étonnant, affiché son accord avec les orientations défendues par Elisabeth Borne, qui entend rendre le travail plus rémunérateur que l’indemnisation chômage – autrement dit : qui entend durcir les conditions d’accès aux allocations chômage. Afin d’aboutir à ce résultat, le président du MEDEF aurait pu revendiquer la tenue d’une négociation paritaire, qui aurait pu conduire les partenaires sociaux à reprendre le contrôle de l’assurance chômage. A la place, il a appelé l’Etat à agir par décret, légitimant par conséquent sa reprise en main étatique.

Dans le domaine des retraites, les responsables de la première confédération patronale française n’ont, certes, pas appelé les pouvoirs publics à étendre leur emprise sur l’organisation de cette politique sociale. Ils ont même, bien plutôt, fait part de leurs doutes quant à la pertinence de l’engagement d’une réforme dans le contexte qui est le nôtre. Ils ont notamment invoqué les risques de mouvements sociaux et la complexification de la gestion de la main d’œuvre âgée induite par la mutation accélérée du tissu économique – notamment due à la transition écologique. Si une telle analyse paraît raisonnable, encore faut-il pourtant préciser que le MEDEF pourrait justement tirer profit du fait que nous vivons une époque troublée pour relancer la dynamique paritaire sur certains enjeux sensibles – comme, en l’occurrence, la question de la main d’œuvre âgée. A l’évidence, ce n’est pas son choix.

En somme, non seulement le MEDEF de 2022 n’a plus grand chose à voir avec celui de la « refondation sociale » mais en outre, même sur les questions économiques, les représentants du patronat français sont loin de faire preuve de l’inspiration qu’exigeraient pourtant les circonstances actuelles.

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