Ehpad : la CFE-CGC partage le constat alarmant à la source du scandale Orpea

Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFE-CGC.

Manque de moyens et d’effectifs, soignants sous pression et épuisés… En écho au scandale Orpea dans les Ehpad privés, le syndicat Acteurs Santé CFE-CGC dresse un état des lieux édifiant de la situation dans les établissements publics.

Les Ehpad dans la tourmente. C’est peu dire que la publication, par le journaliste Victor Castanet, d’un livre-enquête (« Les Fossoyeurs ») accablant sur la gestion des établissements privés du groupe Orpea a ému l’opinion publique, suscitant par ailleurs de nombreuses réactions politiques et syndicales.

De son côté, cela fait bien longtemps que le syndicat Acteurs Santé CFE-CGC (fonction publique hospitalière) dénonce une situation à bien des égards alarmante dans les Ehpad publics. Son président, Jean-Marc Carneiro (cadre de santé et formateur au sein du CHU de Toulouse) et la secrétaire générale Audrey Forasacco (cadre de santé au centre hospitalier de Chalon-sur-Saône) nous livrent, ci-dessous, leurs analyses.

MANQUE D’EFFECTIFS ET PRISE EN CHARGE DÉGRADÉE
Jean-Marc Carneiro : « La prise en charge des personnes âgées dépendantes institutionnalisées dans les Ehpad publics s’est considérablement dégradée ces dernières années. Contrairement aux établissements privés, qui devraient plus facilement – et ce n’est malheureusement pas le cas, nous le voyons bien – garantir des soins adaptés de par la possibilité de sélectionner la personne admise en fonction de sa dépendance, les Ehpad publics, et notamment ceux rattachés à un centre hospitalier, n’ont aucune marge de manœuvre en la matière. Conséquence : la population accueillie est pour la majorité très fortement dépendante et nécessite une charge en soins énorme. Or, la gestion par les coûts et les politiques mises en œuvre depuis trop longtemps ont conduit à ce que les effectifs soignants ne soient plus suffisants pour répondre aux besoins et pour garantir la qualité et la sécurité des soins. »

SOIGNANTS SOUS PRESSION ET RISQUES PSYCHOSOCIAUX
Audrey Forasacco : « Insatisfaites, à juste titre, des prises en charge, les familles culpabilisent d’avoir institutionnalisé leur parent dans tel ou tel établissement public. Ils n’ont plus confiance et déversent leurs critiques sur les équipes soignantes qui font pourtant tout leur possible au quotidien avec les moyens dont elles disposent. Les soignants sont ainsi souvent contraints de piétiner leurs valeurs professionnelles et humaines, car l’institution les y oblige.

Ces conditions de travail dégradées (pénibilité, sous-effectifs) engendrent d’importants risques psychosociaux chez les personnels soignants : épuisement physique et psychologique, démotivation et burn-out. Les nombreux accidents de travail s’ajoutent à l’absentéisme déjà important. Sans possibilité de compenser en raison d’une pénurie de personnel qualifié et du manque d’attractivité du secteur de la gériatrie. En ce sens, le Ségur de la santé n’a répondu à rien. Quant à la mise en place de la prime grand âge, ce n’est suffisant pour retenir et attirer les professionnels en gériatrie. De plus, elle est inéquitable, car elle n’est pas versée aux infirmiers qui exercent en gériatrie. »

DES FINANCEMENTS INADAPTÉS À LA RÉALITÉ DU TERRAIN
Jean-Marc Carneiro :
« Le Contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) ne permet pas aux établissements publics de s’équiper en matériel de manutention adapté ni d’augmenter les effectifs en lien avec la charge de travail. Il y a aussi la problématique des moyens dédiés aux territoires puisque les frais liés à la dépendance sont financés par les départements en fonction du GIR (groupe iso-ressources pour l’évaluation de l’autonomie) de la personne âgée. Or, ce point GIR n’est pas valorisé de façon identique dans chaque département, avec tout ce que cela implique en termes de prise en charge. 

Il faut aussi savoir que les agences régionales de santé (ARS) financent les frais liés aux soins. Ces aides, calculées en fonction des GIR moyens pondérés (GMP) et des coupes PATHOS (identification des pathologies et des soins requis) renseignés chaque année par les Ehpad, doivent être réévaluées. Enfin, la création d’unités de soins de longue durée (USLD) n’est pas suffisante pour les établissements dans lesquels la quasi-totalité des résidents relèvent d’une USLD.

Plus largement, il s’agit, à l’échelle territoriale, de mobiliser divers leviers : décloisonnement des filières, renforcement du lien ville/hôpital, répartition plus équitable de l’offre de soins en faveur du maintien à domicile, prévention des fragilités et de la dépendance, etc.

Il est clair que si les financements ne permettent pas d’améliorer les conditions de travail, en adaptant les moyens humains et matériels, ce n’est pas la peine de repenser la politique d’attractivité et la formation car les professionnels continueront de les fuir. »

FORMATION D’AIDE-SOIGNANT : UN NIVELLEMENT PAR LE BAS
Audrey Forasacco : « Brader le diplôme d’aide-soignant, en rendant la formation accessible à des personnes en cursus partiel, en leur allégeant partiellement ou complètement certains modules de formation (arrêté du 10 juin 2021), va mettre sur le marché du travail des soignants qui n’auront pas toutes les compétences professionnelles requises pour exercer en gériatrie. On l’a constaté durant la pandémie avec de jeunes bacheliers ayant suivi une formation accélérée de 70h pour venir rapidement en renfort dans les Ehpad : cela fut catastrophique. Les soignants, déjà débordés, devaient travailler en binôme et encadrer ces jeunes. Confrontés à cette première expérience difficile, il est probable qu’ils ne confirmeront pas leur projet professionnel en gérontologie. »

ACTEURS SANTÉ, UN SYNDICAT EN PLEIN DÉVELOPPEMENT
Créé en 2017 dans le giron de la Fédération CFE-CGC des services publics, le syndicat Acteurs Santé regroupe tous les salariés, fonctionnaires et contractuels, toutes catégories et tous grades, exerçant dans le périmètre de la fonction publique hospitalière ou en lien avec le ministère chargé des Affaires sociales et/ou de la Santé. Acteurs Santé travaille en étroite collaboration avec le Syndicat national des scientifiques hospitaliers (SNSH CFE-CGC), récemment mis en lumière dans nos colonnes.

En plein développement, Acteurs Santé poursuit son implantation syndicale et compte aujourd’hui 18 sections dans les centres hospitaliers (CH) et dans les centres hospitaliers universitaires (CHU). Fortement mobilisées sur le terrain au service des personnels, les équipes militantes du syndicat préparent aussi activement les élections professionnelles dans la fonction publique, programmées fin 2022. « Nous portons au quotidien nos revendications avec détermination et courage, témoigne Jean-Marc Carneiro. Notre leitmotiv est qu’un hôpital où il fait bon travailler est un hôpital où il fait bon se faire soigner. » 

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