Et oui, un accident du travail peut avoir lieu en discothèque

Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFDT.

Lors d’une mission, l’accident d’un salarié en discothèque à une heure tardive est présumé être un accident du travail, dès lors que l’employeur ne rapporte pas la preuve que l’intéressé avait interrompu sa mission pour un motif personnel. Pour la Cour de cassation, les circonstances de l’accident ne suffisent pas à démontrer qu’il n’existe pas de lien avec l’activité professionnelle du salarié. Cass.2civ.12.10.17, n°16-22.481. 

  • Rappel de la charge de la preuve en cas d’accident survenu au cours d’une mission

Le salarié en mission a droit à la protection prévue par l’article L.411-1 du Code de la Sécurité sociale pendant tout le temps de la mission qu’il accomplit pour son employeur. L’accident survenu sur ce temps est présumé être un accident du travail et doit être pris en charge à ce titre. Peu importe que l’accident survienne à l’occasion d’un acte professionnel ou d’un acte de la vie courante, l’intéressé continue de bénéficier de cette présomption. Pour renverser la charge de la preuve, l’employeur (ou la caisse de Sécurité sociale) doit rapporter la preuve que le salarié avait interrompu sa mission pour un motif personnel au moment de l’accident (1). L’accident ne sera alors pas pris en charge au titre de la législation des AT/MP. C’est sur ce dernier point que revient la Cour de cassation dans notre arrêt. 

  • Faits, procédure

Dans notre affaire, un salarié, parti en mission en Chine, déclare à son employeur s’être blessé à la main en dansant dans une discothèque à 3 h du matin. L’employeur adresse alors à la Caisse primaire d’assurance maladie la déclaration de l’accident en l’accompagnant de réserves. La Caisse reconnaît l’accident en accident du travail et permet sa prise en charge au titre des AT/MP. 

L’employeur décide alors d’agir en justice. Selon lui, l’heure et le lieu de survenance de l’accident prouvaient que le salarié avait interrompu sa mission pour un motif personnel. Il ne pouvait donc pas s’agir d’un accident du travail. 

De leur côté, les juges du fond et la Cour de cassation ne suivent pas son raisonnement et reconnaissent l’accident du travail. 

  • Les critères de lieu et d’heure ne suffisent pas à renverser la charge de la preuve

Le lieu (une discothèque) et l’heure tardive (3 h du matin) suffisent-ils à prouver que le salarié avait interrompu sa mission pour un motif personnel? 

Pour les juges du fond et la Cour de cassation, la réponse est négative. Les circonstances géographiques et temporelles de l’accident ne permettent pas à elles seules de prouver que la mission a été interrompue pour un motif personnel. Certes, la profession du salarié indiquait clairement qu’il s’agissait d’un acte non professionnel, mais fallait-il encore que l’employeur apporte la preuve de l’absence de lien avec son activité professionnelle. 

  • Obligation de prouver l’absence de lien avec l’activité professionnelle du salarié

Pour la Cour de cassation, « l’employeur ne rapportait pas la preuve que le salarié avait interrompu sa mission pour un motif personnel lors de la survenance de l’accident litigieux, ce dont il résultait que celui-ci bénéficiait de la présomption d’imputabilité au travail ». Il devait donc « être pris-en au titre de la législation professionnelle ». 

En d’autres termes, pour renverser cette présomption, l’employeur devait prouver que l’accident avait eu lieu pendant une suspension de la mission pour motif personnel et, pour cela, que la présence du salarié en discothèque à 3 h du matin n’avait aucun lien avec son travail. L’arrêt précise (à juste titre) que le salarié aurait tout à fait pu se trouver dans cette discothèque à une heure tardive afin d’accompagner des clients ou des collaborateurs, ou encore répondre à une invitation professionnelle. Or, aucune personne n’a été interrogée à ce sujet. Les réserves indiquant que le salarié s’y était rendu de sa propre initiative ne résultaient que d’une simple affirmation de l’employeur, comme le soulignent les juges du fond. 

Cette décision de la Cour de cassation est en somme assez logique. Dès lors que l’employeur ne rapporte pas la preuve de l’absence de lien avec l’activité professionnelle, l’accident doit être présumé être un accident du travail. Dans notre affaire, si l’employeur avait rapporté cette preuve, démontrant l’absence de lien entre la présence du salarié dans cette discothèque à 3h du matin et son travail, l’accident n’aurait pas pu être pris en charge au titre des AT/MP. 

Par ailleurs, il est important que la Cour de cassation ne permette pas de renverser la charge de la preuve en matière d’accident du travail, survenu au cours d’une mission, sur le simple fondement du lieu et de l’horaire. En effet, durant une mission, il est courant que le salarié soit en représentation professionnelle, y compris dans un lieu de divertissement et à une heure avancée de la journée (ou de la nuit). 

 

(1) Cass.soc.19.07.01, n°99-21.536 et 99-20.603. 

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