C’est hier que le projet de loi relatif à la santé a commencé à être discuté par les députés réunis à l’Assemblée nationale.
Alors que BI&T publiait hier le texte modifié lors de son passage en commission des affaires sociales, il est intéressant de savoir si les objectifs visés par le projet de loi sont atteignables, notamment en ce qui concerne l’ouverture des données détenues par l’administration.
La loi donne-t-elle vraiment les moyens de ses ambitions ? Ou n’est-ce qu’un subterfuge destiné à repousser encore de quelques années un véritable open data ?
L’ambition louable d’un projet de loi en retard sur son temps
L’article 47 du projet de loi, intitulé “Créer les conditions d’un accès ouvert aux données de santé”, a pour objectif de rendre publiques des données susceptibles d’être réutilisées par tous pour établir, entre autres, des statistiques, participer à la démocratie sanitaire, connaître les enjeux des politiques de santé. Si cette mesure est réellement mise en œuvre et devient efficiente, bon nombre d’associations, d’entreprises, de citoyens, en seront heureux : en effet nombreux sont partisans de l’open data en France, or jusqu’à aujourd’hui, les gouvernements successifs se sont montrés durs d’oreille à leur égard.
Cette disposition du projet de loi semble figurer comme une avancée majeure en France. Cependant, il ne faut pas oublier que le 17 novembre 2003, il y a presque 12 ans déjà, la directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil demandait aux Etats membres de tout mettre en œuvre pour rendre réutilisables les données détenues par le secteur public. Ainsi, si le gouvernement semble se satisfaire de son projet, celui-ci arrive avec plusieurs années de retard.
La mise à disposition de données de santé doit bien entendu préserver le droit à la vie privée des individus, seules des données anonymes et non réidentifiantes devront donc être librement accessibles. Le dispositif prévu par le gouvernement se conforme en partie à cette nécessité sans toutefois garantir de délai d’application.
L’application de la mesure incertaine dans le temps
Le projet de loi porté par la ministre Marisol Touraine a pour ambition de créer le groupement d’intérêt public “Système national des données de santé” (SNDS) qui rassemblerait toutes les données détenues par les différentes bases. Ce système serait géré par la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés qui est désignée comme responsable du traitement.
Le projet de loi assure, par de multiples dispositions, que l’accès aux données s’effectuera dans le respect de la confidentialité et de l’intégrité des données.
Il est précisé que “les données du système national des données de santé qui font l’objet d’une mise à la disposition du public sont traitées pour prendre la forme de statistiques agrégées ou de données individuelles constituées de telle sorte que l’identification, directe ou indirecte, des personnes concernées y est impossible. Ces données sont mises à disposition gratuitement“. L’esprit de la loi est donc de rendre disponibles, gratuitement, toutes les données de santé qui ne comportent pas de risques de réidentification. Mais si l’intention est bonne, elle soulève plusieurs interrogations : combien de temps cela prendra-t-il de manipuler les données pour les rendre accessibles en assurant un risque zéro de réidentification ? Qui se chargera de modifier les données pour qu’elles ne comportent pas de risque pour la vie privée ? Combien cela coûtera-t-il ?
La loi santé répond partiellement en envisageant d’inclure à l’article L. 1461-7 du Code de la santé publique des dispositions relatives à la mise en application de cette ouverture des données de santé : c’est un décret pris en Conseil d’Etat après avis de la CNIL qui désignera les organismes chargés de gérer la mise à disposition des données et qui dressera la liste des données à inclure dans le SNDS. L’avenir de l’ambition affichée du gouvernement repose donc sur un futur décret.
Ainsi, aucune vision claire de l’avenir de l’open data en matière sanitaire n’est discernable. Le gouvernement fait part de son ambition, qui simplement de rattraper le retard de la France en matière d’ouverture des données que l’administration détient, mais refuse de s’engager clairement en évitant de fixer une date d’ouverture effective des bases de données.