La possibilité pour un avocat d’exercer sa profession en tant que salarié est un sujet d’actualité, le projet de loi Macron désirait à ce titre créer un statut d’avocat d’entreprise mais les avocats n’ont pas voulu de cette réforme. Ainsi, depuis 1992, l’avocat ne peut être salarié que pour le compte d’un autre avocat, ou d’une société d’avocat, il ne faut cependant pas confondre la profession d’avocat avec d’autres auxiliaires de justice dont les fonctions sont proches. La Cour de cassation dans un arrêt du 16 septembre 2015 vient clarifier cette situation.
L’avocat travaillait pour l’avoué
En l’espèce, Madame Y, avocat inscrite à l’Ordre des avocats depuis 1979 a été engagée en 1988 par Mme X qui exerçait la profession d’avoué. En 2012, Mme X rompt à ses torts le contrat liant les deux professionnelles. Madame Y saisi alors les prud’hommes de nombreuses demandes en conséquence de cette rupture.
Le conseil des prud’hommes et la cour d’appel, qui ont connaissance du litige, n’ont pas vu d’incompétence de la juridiction prud’homale. D’ailleurs, la cour d’appel a opéré une qualification en contrat de travail de la relation entre l’avocat et l’avoué, en raison de la preuve du lien de subordination est rapportée par la prétendue salariée et les conditions de l’activité qui montrent l’existence du contrat de travail. Ainsi, la juridiction prud’hommale est compétente puisqu’elle est spécialisée dans le contentieux individuel du contrat de travail.
Cependant, dans son premier attendu, la Cour de cassation éclaire le lecteur sur le régime juridique applicable en matière d’avocat salarié. Juge du droit, elle rend ici une décision fidèle au syllogisme juridique. Subséquemment, la loi du 31 décembre 1971, dans sa version antérieure au 1er janvier 1992, interdisait toute possibilité pour un avocat d’être salarié. Une modification importante est intervenue en 1992, la nouvelle rédaction de la loi a consacré, pour les avocats, le droit d’exercer leur profession en qualité de salarié mais seulement auprès d’un avocat, d’une association d’avocat ou d’une société d’avocat.
Dans l’affaire opposant ces deux professionnelles du droit, il était donc question de savoir si le contrat unissant les deux parties peut être qualifié de contrat de travail salarié ou si il s’agissait simplement d’une convention.
L’impossible requalification de cette relation en contrat de travail
Par un arrêt de cassation, la Cour rend une solution négative à cette question. Il n’y a pas de contrat de travail en l’espèce, puisque d’une part, avant 1992, aucun contrat de travail n’est possible pour l’avocat, le temps ou Madame Y a fourni ses services à Madame X depuis 1988 ne peut appartenir aux relations contractuelles entre employeur et salarié. D’autre part, concernant la période postérieure au 1er janvier 1992, les relations contractuelles ne peuvent pas non plus résulter d’un contrat de travail car Madame X était avoué et non avocat.
La cour d’appel a violé la loi précitée en requalifiant le contrat, l’affaire est renvoyée devant la cour d’appel. Il est étonnant que la cour d’appel ait perçu une telle approche alors qu’elle a constaté que la requérante ” cotisait au régime social des indépendants, à la CNBF, à l’URSSAF et à l’Ordre des avocats, s’acquittait de la taxe professionnelle et signait des notes mensuelles d’honoraires dont l’en-tête la désignait en qualité d’avocat à la cour”. Sans doute, la fusion entre les professions d’avocat et d’avoué survenue en 2012 a brouillé son raisonnement.
La Cour suprême fait une application fidèle du texte de loi, un avoué n’est pas avocat et il ne peut donc pas employer un avocat par le biais d’un contrat de travail de salarié.