Validation d’une qualification professionnelle : quel rôle pour l’employeur ?

Le contrat de professionnalisation vise l’acquisition d’une qualification professionnelle au terme d’une formation à la fois théorique et pratique, en partie en entreprise. Le rôle de l’employeur est donc déterminant dans le processus de formation du candidat : pour autant, il ne bénéficie d’aucun droit de regard particulier sur la qualification attribuée. 

 

Une obligation de formation étendue et surveillée

La signature d’un contrat de professionnalisation engage une relation tripartite entre l’entreprise, le salarié, et l’organisme de formation. Combinée à une formation théorique, l’apprentissage directement sur poste de travail doit permettre l’obtention accélérée d’un diplôme ou d’une qualification reconnue par la branche ou au niveau national. 

Ainsi, l’employeur est tenu d’assurer une formation au salarié lui permettant d’acquérir cette qualification professionnelle(art. L. 6325-3, C. Trav.). Logiquement, l’autre obligation qui en découle est de lui « fournir un emploi en relation avec cet objectif ». Parallèlement, l’entreprise doit évidemment permettre au salarié de suivre les enseignements dispensés par l’organisme de formation ou l’université, selon un calendrier établi à l’avance. Ces enseignements doivent tout de même représenter entre 15% et 25% de la durée du contrat (art. L. 6325-13, C. Trav.)[1]. L’ensemble des parties est donc associé au processus de formation. 

Cela se matérialise avant tout par la nomination obligatoire d’un tuteur au sein de l’entreprise (art. D. 6325-6), avec une expérience minimale de deux ans en rapport avec la qualification visée. Il sera notamment chargé d’assurer une liaison avec l’organisme de formation et d’organiser l’activité du salarié dans l’entreprise, en contribuant à « l’acquisition des savoir-faire professionnels ». Cela se matérialise également par la signature d’une convention de formation entre l’organisme et l’entreprise, définissant l’objectif, le programme, l’organisation, l’évaluation et la sanction de celle-ci (art. D. 6325-12) ; même si, en réalité, les entreprises ne sont pas associées à la construction du programme de formation. 

 

La formation “pratique” : ni trop, ni pas assez ?

Le contrat de professionnalisation implique donc une obligation de formation particulière qui peut le cas échéant faire l’objet d’un contrôle de l’Inspection du Travail. L’employeur doit être particulièrement vigilent aux tâches confiées au salarié, qui doivent être « en relation » avec la qualification ou le diplôme préparé. 

Par exemple, les juges ont sanctionné le manquement d’un employeur qui affectait exclusivement une salariée à des tâches de secrétariat, alors qu’elle avait conclu un contrat de professionnalisation en vue de préparer un diplôme de clerc d’huissier[2]. La violation de l’obligation de formation justifiait, selon la Cour, la résiliation judiciaire du contrat de travail. 

Tout est évidemment question de mesure, car le lien de subordination commande logiquement de se conformer aux directives de l’employeur. Néanmoins, cette jurisprudence rend dangereuse toute « mise au placard », quelles que soit les insuffisances du salarié, ou le fait que des arrêts maladies successifs aient rendu tout apprentissage sérieux quasiment impossible (comme en l’espèce). 

A l’inverse, l’employeur pourrait se voir reprocher de traiter un contrat de professionnalisation comme un salarié à part entière. Une jurisprudence concernant un apprenti appelle en effet à la prudence. La Cour avait considéré que le contrat d’apprentissage, détourné de son objet, devait être requalifié en CDI de droit commun dès lors que l’apprenti réalisait exactement le même travail que les salariés de l’entreprise, ce qui rendait impossible toute « formation professionnelle sérieuse »[3]. 

Situation délicate pour l’employeur, censé confier des tâches d’un niveau de qualification suffisant tout en veillant à jauger la charge de travail et le niveau d’autonomie accordé. A défaut, dans les deux cas, le contrat pourrait être requalifié : l’employeur devrait alors verser le salaire de droit commun rétroactivement, rembourser la prise en charge des frais par l’OPCA, ainsi que les autres aides financières éventuellement accordées. 

 

Validation de la qualification : Un employeur mis à l’écart

Il est clair que l’employeur est au cœur du processus de formation qui permet de préparer la validation de la qualification ou du diplôme. C’est même la raison d’être du contrat de professionnalisation. Le Code du Travail va jusqu’à lui permettre, avec l’accord du salarié et de l’OPCA, de modifier le programme initial de formation s’il s’avère qu’il est inadapté au regard des acquis du salarié, dans les deux mois qui suivent la signature du contrat[4]. 

Pourtant, l’employeur est ensuite écarté des délibérations finales et de la décision d’attribution ou non de la qualification. En vertu de l’art. D. 6325-7, seul le tuteur (qui peut néanmoins être l’employeur) participe « à l’évaluation du suivi de la formation » et sera généralement présent lors de l’examen final ou de la soutenance. Et si la plupart des conventions de formation intègrent « l’avis de l’entreprise » parmi les modalités d’évaluation finale, cela reste bien souvent une déclaration d’intention en l’absence de plus de précisions. 

Généralement, ce seront davantage les enseignants (sous l’appellation de « jury » ou encore de « commission d’évaluation ») qui valideront l’acquisition finale des capacités professionnelles, que ce soit à travers une évaluation en situation professionnelle, la présentation d’un projet d’entreprise, ou d’un dossier technique. L’employeur aura du mal à peser dans la décision, puisqu’aucun rôle ne lui est clairement et précisément attribué. En clair, s’il est appelé à participer activement et sérieusement à la formation et donc à la préparation du diplôme, il doit ensuite laisser la place aux enseignants lorsqu’il s’agit de se prononcer sur l’acquisition des savoir-faire et des compétences nécessaires à la validation du titre. 

 

 

[1] Un accord de branche peut permettre d’aller au-delà de 25% de la durée du contrat. 

[2] Cour de Cassation, Chambre sociale, 12 avril 2012, n° 11-13.182. 

[3] Cour de Cassation, Chambre sociale, 12 février 2013, n° 11-27.525. 

[4] Art. D. 6325-13 du Code du Travail. 

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