Cet article a été rédigé par Delphine Robinet avocate et initialement publié sur le site du syndicat FO.
Un accord collectif peut-il octroyer des avantages différents aux salariés selon leur statut professionnel ?
En matière de droit du travail, les tribunaux n’ont pas toujours à trancher un litige entre un salarié et un employeur. Exemple ce mois-ci : un syndicat demande à la justice d’invalider certaines dispositions de la convention collective du secteur de l’ingénierie et du conseil. Motif ? Elles ne prévoient pas les mêmes avantages sociaux pour l’ensemble des salariés. Saisie, la Cour de cassation n’y voit pourtant là rien à redire (Cass. soc. du 27 janvier 2015, n° 1322.179).
Voilà un arrêt qui devrait satisfaire bien des DRH. De quoi s’agit-il ? Dans chaque secteur d’activité, il existe des accords collectifs négociés entre les partenaires sociaux, qui viennent adapter les règles du droit du travail aux particularités d’une branche. Mais les salariés ne bénéficient pas tous des mêmes avantages selon leur catégorie professionnelle. Modalité d’embauche ou de licenciement, régime de prévoyance, calcul des primes et indemnités, des différences existent entre cadres et non-cadres.
Déjà saisie sur ce problème d’inégalité de traitement, la Cour de cassation avait adopté jusqu’ici la position suivante (Cass. soc. du 8 juin 2011, n° 10-14.725 et 10-11 .933/10-13.663) : des accords collectifs ne pouvaient pas prévoir des avantages spécifiques pour une catégorie de salariés, sauf si ces différences étaient justifiées par des raisons objectives et pertinentes dont le juge pouvait vérifier la réalité. Résultat : en cas de plainte, c’était à l’employeur de prouver qu’un avantage réservé à un cadre était bien légitime au vu de son travail par rapport à un non-cadre. Pas toujours commode.
D’où l’importance de cet arrêt, car la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence. Les avantages prévus dans un accord collectif sont aujourd’hui présumés justifiés. Ce sera désormais au plaignant de démontrer le contraire devant un tribunal. En adoptant ce principe, les juges reconnaissent finalement l’importance du dialogue social. Si les syndicats, garants de la défense des droits et des intérêts des salariés, signent avec les organisations patronales des accords prévoyant des différences de traitement, c’est que ces dernières leur paraissent fondées. Les tribunaux n’ont en principe pas à les remettre en cause.