Lundi 9 février 2015, les débats relatifs à la loi pour la croissance et l’activité, ou loi Macron, se sont poursuivis. Ils ont eu trait notamment aux dispositions liées à l’innovation et à l’activité de l’Etat français en tant qu’actionnaire.
Sur le premier sujet, les discussions se sont ouvertes avec les dispositions précédant l’article 41 de la loi Macron.
Plusieurs députés souhaitent ajouter un article avant l’article 41. Anne-Yvonne Le Dain souhaite “que le Conseil d’État soit compétent pour connaître, en premier et dernier ressort, des litiges fondés sur l’article 5 de la Charte de l’environnement mettant en jeu une innovation, à savoir une activité visant à développer des produits, des procédés, des modes d’organisation, des usages ou des services nouveaux”.
M. Christophe Castaner répond aimablement que cela serait inopportun de créer une procédure spécifique pour ces contentieux particuliers, qui seraient par ailleurs assez difficiles à identifier et à définir, s’agissant des questions ayant trait à l’innovation.
L’amendement est retiré.
Mme Anne-Yvonne Le Dain continue dans ses propositions et propose d’inscrire dans l’article L. 111-6 du code de la recherche qu’il est nécessaire veiller à ce qu’une information soit apportée aux membres de la communauté scientifique dans les domaines qui touchent au monde de l’entreprise et de l’administration.
L’amendement est adopté.
Mme Anne-Yvonne Le Dain continue avec l’amendement 808 qui introduit le principe d’innovation dans un titre III nouveau du livre Ier du code de la recherche, en le définissant simplement : “Dans l’exercice de leurs attributions respectives et, en particulier, par la définition de leur politique d’achat, les personnes publiques et les personnes privées chargées d’une mission de service public promeuvent, mettent en œuvre pour l’exercice de leurs missions et appuient toute forme d’innovation, entendue comme l’ensemble des solutions nouvelles en termes de fourniture de biens, services ou de travaux propres à répondre à des besoins auxquelles ne peuvent répondre des solutions déjà disponibles sur le marché. Elles s’attachent, à ce titre, à exercer une veille sur les formes contemporaines d’innovation, y compris celles émanant des petites et moyennes entreprises”.
L’amendement est adopté.
L’article 41 de la loi Macron relatif aux conseils en propriété industrielle (notamment à leur publicité) est ensuite adopté sans autre discussion.
Après l’article 41, des amendements sont proposés.
Mme Karine Berger soutient l’amendement 2561 qui demande un rapport d’évaluation sur la réassurance-crédit de court terme de la COFACE.
L’amendement est adopté.
Mme Karine Berger continue avec l’amendement 2780. Elle souhaite obliger les conseils en propriété intellectuelle à accompagner les entreprises, surtout les PME, sur l’ensemble du territoire, pour assurer l’égalité des territoires.
M. Christophe Castaner soutient le sous-amendement 3231 qui apporte une clarification rédactionnelle.
L’amendement et le sous-amendement sont adoptés.
Mme Karine Berger soutient de nouveau un amendement qui demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur le fonctionnement de la profession de conseil en propriété intellectuelle.
Il est adopté.
Mme Karine Berger toujours, propose par l’amendement 2786 que le gouvernement remette un rapport au Parlement qui analyse la possibilité de créer un pool de magistrats spécialisés en propriété intellectuelle.
L’amendement est adopté.
Les articles 41 bis et 41 ter de la loi Macron sont ensuite adoptés.
L’article 42 (qui autorise certains hôpitaux à créer des filiales pour mieux valoriser leur expertise à l’international et dans le champ de l’innovation) est alors discuté.
M. André Chassaigne souhaite la suppression de l’article car il considère comme dangereux le fait de mettre “les hôpitaux en situation de se comporter comme des entreprises produisant du soin et devant cherche des capitaux étrangers pour générer de nouvelles recettes”.
M. Emmanuel Macron répond que l’idée est de permettre à l’expertise française de valoriser tous ses rapports sur le plan international.
L’amendement est maintenu et n’est pas adopté.
M. Christophe Castaner présente alors l’amendement 799 par lequel il veut supprimer la référence au renvoi à un décret en Conseil d’Etat.
M. Emmanuel Macron explique que le gouvernement s’engage à prendre rapidement les dispositions nécessaires.
L’amendement est retiré.
L’article 42 de la loi Macron est adopté ainsi que l’article 43 A.
L’article 43 B est alors abordé.
Mme Clotilde Valter propose par l’amendement 1780 “de compléter l’ordonnance du 20 août 2014, afin de préciser que les participations détenues par un établissement public de l’État ayant pour objet principal la détention de titres sont assimilées à des participations détenues directement par l’État pour l’application des règles relatives aux transferts au secteur privé”.
L’amendement est adopté et l’article 43B est adopté.
Après l’article 43 B, Mme Clotilde Valter, propose de généraliser le principe selon lequel la protection des intérêts essentiels de la nation est une condition majeure à toute opération de privatisation.
Cet amendement est adopté.
Puis l’article 43 C de la loi Macron est adopté.
Après l’article 43, de nouveaux amendements sont proposés.
Mme Clotilde Valter souhaite que la Caisse des dépôts et consignations bénéficie d’un statut particulier par rapport aux établissements publics de l’Etat.
L’amendement est adopté, puis l’article 43 amendé est adopté.
Les articles 43 bis et 43 ter sont ensuite adoptés.
Puis les débats se portent aux dispositions postérieures à l’article 43 ter de la loi Macron.
Mme Corinne Erhel. soutient notamment l’amendement 2575 qui propose d’introduire “un représentant au fait des problématiques d’innovation et de développement d’entreprises innovantes au sein des conseils d’administration, des conseils de surveillance ou des autres organes délibérants des établissements publics régis par la loi du 25 juillet 1983”.
L’amendement est adopté.
Puis l’article 44 est adopté.
L’article 45 de la loi Macron relatif à la composition de la Commission des participations et des transferts (CPT) est alors abordé.
M. André Chassaigne propose de diversifier la composition de la CPT.
M. Emmanuel Macron met en garde sur la réalité du rôle de la CPT qui ne fait que donnée un avis en matière patrimoniale. L’amendement sera satisfait à travers l’adoption de l’article 45 qui renouvellera la composition de la CPT.
L’amendement n’est pas adopté.
L’article 45 est alors adopté, tout comme l’article 46 qui concerne les holdings de l’Etat.
C’est au tour de l’article 47 de la loi Macron d’être discuté à l’Assemblée nationale, cet article vise la création d’un “champion européen de l’armement terrestre”. Cette structure serait détenue à parts égales par la France (via GIAT Industries) et par la famille Wegmann (via sa société de participations).Certains députés dont Mme Véronique Louwagie sont inquiets de ce projet et craignent pour la souveraineté de la France.
3 amendements de suppression sont discutés, ils sont soutenus par Mme Marie-Jo Zimmermann, M. François de Rugy, et M. André Chassaigne.
M. Nicolas Dhuicq va jusqu’à interpeler en ces termes les députés : “mes chers collègues, de grâce, écoutez vos collègues quand ils vous rappellent, en dépit de vos quolibets, qu’il existe un pays qui s’appelle la France, qu’il y a des soldats en ce moment qui se font trouer la peau pour vous… (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR), pour que vous soyez ici, assis tranquillement, à vendre aux Allemands notre industrie de défense ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP. – « Quel mépris ! » sur les bancs du groupe SRC.)
C’est une forfaiture et une trahison de la nation ! (Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes SRC., écologiste et GDR.).
M. Bruno Le Roux. Enfermez-le !
M. Jean Launay. Cela relève de la psychiatrie !
Mme Marie-Jo Zimmermann. Ces propos sont intolérables ! Chacun a le droit de s’exprimer ici !
Mme la présidente. Calmez-vous, mes chers collègues !”
Au final les amendements de suppression ne sont pas adoptés.
M. Jean-Frédéric Poisson. soutient alors l’amendement 457 qui est sous-amendé et l’amendement 455. Il fait part de ses doutes sur la capacité de la France de préserver sa position sur la scène internationale dans le secteur de l’armement.
Mme Véronique Louwagie apporte le sous-amendement 3215 qui propose que les modalités de consolidation européenne de l’industrie d’armement terrestre fassent l’objet d’un rapport préalable au gouvernement.
Les avis sur les amendements et le sous-amendement sont défavorables. Ils ne sont pas adoptés.
Puis l’article 47 de la loi Macron est adopté.
L’article 48 de la loi Macron relatif au reclassement au sein du secteur public, des titres du LFB (laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies) ou de ses filiales est ensuite mis en discussion.
Mme Jacqueline Fraysse. accuse les rédacteurs du projet de tromper les députés en supprimant les références à un détenteur public du capital du LFB. Elle demande, par son amendement, la suppression de l’article.
Mme Marie-Jo Zimmermann est d’accord avec cela et se dit “surprise de voir une question éthique abordée dans un projet de loi relatif à la croissance et à l’activité”. Elle en demande la suppression.
Mme Karine Berger. demande également la suppression de l’article, tout comme Mme Michèle Bonneton.
M. Christian Paul ajoute qu’il s’agit là d’une privatisation du LFB qui concerne un secteur ultra-sensible.
M. Emmanuel Macron répond à tous les inquiets que le seul changement est d’accorder à la BPI la possibilité d’investir en dans le domaine et non d’une privatisation.
Les amendements de suppression ne sont pas adoptés.
M. Richard Ferrand soutient ensuite l’amendement 1790 qui “a pour objectif de renforcer le pouvoir du Parlement, en précisant qu’une habilitation législative serait nécessaire pour toute privatisation du LFB – nous venons de voir que cela aurait été de toute façon nécessaire –, même dans l’hypothèse, qui n’est pas envisagée pour l’instant par le Gouvernement où la BPI ou un autre acquéreur public serait, en lieu et place de l’État, devenu l’actionnaire majoritaire du LFB“.
L’avis du gouvernement est favorable.
Mme Karine Berger souligne que l’amendement ne prévoit cette possibilité qu’à partir du moment où 50% des parts du capital du LFB basculent dans le secteur privé. Elle remarque que jusqu’à 49% des parts, rien ne s’oppose à ce qu’elles relèvent du secteur privé.
M. Pierre Lellouche dénonce la volonté de faire une industrie du sang, d’un business technologique pour la France. Il déclare à Emmanuel Macron : “vous vous trouvez en contradiction absolue avec l’un des principes fondamentaux de notre République : la non-marchandisation du corps. Il va donc falloir que vous choisissiez ; c’est ce que vous demandent vos députés – Mme Berger et Mme Fraysse, ainsi que d’autres“.
M. Emmanuel Macron, essaye de rassurer en martelant que “ce texte ne permet aucune privatisation du LFB” et que “l’APE et la BPI continueront à avoir la même politique”.
Mais les députés lui opposent le fait qu’il ne peut pas prendre d’engagements de cette manière.
Mais M. Emmanuel Macron répète : “ce texte ne change rien quant à la possibilité pour un actionnaire privé de rentrer au capital de LFB, mais ce n’est pas le souhait de l’État en tant qu’actionnaire et de la BPI. C’est précisément parce que nous ne le voulons pas et que nous voulons le développement que nous souhaitons que la BPI puisse investir à nos côtés et à ceux de l’APE, je vous le dis solennellement”.
L’amendement 1790 est adopté, puis l’article 48 de la loi Macron est adopté.
C’est à l’article 49 de la loi Macron sur la privatisation des sociétés Aéroport de la Côte d’Azur et Aéroports de Lyon d’être débattu.
3 amendements de suppression de l’article 49 sont déposés et soutenus par : M. Christian Estrosi, M. Patrice Carvalho, Mme Nathalie Chabanne.
Les craintes sont liées aux aménagements du territoire.
M. Emmanuel Macron répond que l’article s’inscrit dans la volonté de l’Etat de gérer activement son portefeuille en libérant de l’argent pour que l’Etat actionniaire se désendette et réinvestisse dans d’autres domaines prioritaires.
M. Bruno Le Roux. estime que l’article permet une ouverture mesurée du capital des sociétés. Selon lui, l’article va dans le bon sens, toutefois il ne souhaite pas que l’Etat perde le contrôle de ces infrastructures de transport et de communication.
M. Christian Estrosi. se plaint de la manière dont Emmanuel Macron a mis en œuvre les discussions : “le maire de Nice, président de la première métropole créée en France, et qui regroupe 49 communes, s’est vu donner un coup de fil par le ministre de l’économie et de l’industrie, M. Macron, un samedi soir à dix-huit heures quinze, pour lui dire de manière lapidaire, en trois minutes : « Je vous informe que mercredi matin prochain, je mettrai en vente, sans discussions ni négociations possibles, votre plate-forme aéroportuaire. » Voilà le sens du dialogue et de la concertation dont fait preuve le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.Oserez-vous, monsieur le ministre, dire le contraire ? Regardez-moi dans les yeux : oserez-vous dire le contraire ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)“.
M. Rudy Salles. demande aux députés de se calmer lorsque les autres s’expriment : “Chacun ici a le droit de s’exprimer, et ce n’est pas parce que l’on est président du groupe socialiste que l’on doit avoir une plus grande gueule que les autres.
M. Bruno Le Roux. La grande gueule, c’est la tienne ! Et on peut rester poli !
M. Rudy Salles. Je vous demande d’abord simplement, monsieur Le Roux, d’être correct, parce que vous avez été incorrect vis-à-vis du député-maire de Nice,…
M. Bruno Le Roux. Tu vas arrêter ? On peut s’exprimer comme on veut !
M. Rudy Salles. …et je vous demande de bien vouloir nous autoriser à nous exprimer dans le Parlement de la France.
M. Bruno Le Roux. Exprime-toi alors, et contrôle ton langage !”
Finalement les amendements sont mis aux voix et ne sont pas adoptés.
Puis plusieurs amendements rédactionnels sont adoptés.
M. Christian Estrosi. revient à la charge avec l’amendement 1163 qui propose un modèle de cession de parts du capital de l’aéroport de Nice qui rassemble le privé, les collectivités locales et l’Etat.
M. Emmanuel Macron y est défavorable et rappelle M. Estrosi quelques précisions : “permettez-moi de vous dire que je vous ai toujours répondu avec courtoisie. Je vous ai ainsi répondu tout à l’heure parce que vous aviez dit lors de la dernière séance une contrevérité en indiquant que je n’avais pas eu la courtoisie de prendre contact : j’ai donc rappelé que c’était faux. Vous m’avez ensuite pris à partie d’une manière insultante, une première fois, en me demandant de vous regarder dans les yeux pour que nous puissions commenter nos perceptions respectives d’une conversation. Ce n’est pas à la hauteur de nos débats. De fait, je n’ai pas eu la même perception que vous de cette conversation et il me semble que, depuis le début de nos échanges, vous avez montré de manière constante que le manque de courtoisie était plutôt dans votre camp.Deuxièmement, je ne peux pas accepter que vous laissiez entendre qu’il y aurait eu une quelconque magouille ou combine, ou que quelqu’un serait passé dans mon bureau.Permettez-moi de vous dire deux choses. Tout d’abord, je veux saluer votre passion naissante pour l’aéroport de Nice : nommé en juin 2014 à son conseil de surveillance, vous n’êtes pas venu à la réunion de juillet de ce conseil, ni à celle de septembre et, à celle de décembre, vous êtes venu quinze minutes pour prononcer un discours qui ne concernait pas l’ordre du jour. Sans doute avez-vous besoin de montrer ici à vos concitoyens que le sujet vous préoccupe car, au quotidien, il vous a moins préoccupé.Le second point est le suivant : peut-être avez-vous été habitué, en d’autres temps, à certaines pratiques au sommet de l’État, mais elles n’ont plus cours. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)“.
M. Estrosi lui répond finalement que “avec cet amendement, je vous tends la main en vous disant tout simplement que c’est l’intérêt de l’État, qui a tout à y gagner“.
L’amendement n’est pas adopté.
Puis l’article 49 de la loi Macron est adopté.