Articulation entre la CC et le contrat de travail : rappels importants

Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat FO

Dans un arrêt du 10 février 2016 (Cass. soc., 10-2-16, n°14-26147), la Cour de cassation fait d’importants rappels en matière d’articulation entre la convention collective et le contrat de travail. 

En l’espèce, la convention collective (la Charte du football professionnel) prévoit qu’en cas de relégation en division inférieure, les clubs ont la faculté de diminuer la rémunération de leurs joueurs de 20 %. 

Au-delà de ce pourcentage, une proposition individuelle de diminution de la rémunération doit être présentée par écrit au joueur, celui-ci ayant huit jours pour s’y opposer. 

L’absence de réponse écrite dans ce délai vaut acceptation tacite de la diminution. 

Par application de ces dispositions conventionnelles, faute d’opposition d’un joueur dans les délais, un club a pratiqué une baisse de sa rémunération. 

Le joueur a saisi la juridiction prud’homale notamment d’une demande de rappel de salaire. 

La cour d’appel a débouté le salarié de ses demandes en donnant plein effet aux dispositions de la convention collective selon lesquelles l’absence de réponse de l’intéressé vaut acceptation. 

Le salarié a formé un pourvoi en cassation. La question se posait de savoir si une convention collective pouvait autoriser l’employeur à modifier unilatéralement le contrat de travail sans avoir besoin d’obtenir l’accord exprès du salarié. 

La Cour de cassation énonce que : « sauf disposition légale contraire, une convention collective ne peut permettre à un employeur de procéder à la modification du contrat de travail sans recueillir l’accord exprès du salarié ». 

En conséquence, le joueur n’ayant pas donné son accord exprès à la réduction de sa rémunération, celle-ci ne pouvait lui être imposée par le club. 

Cette solution est en conformité avec la jurisprudence existante en matière de modification du contrat de travail. 

En premier lieu, la Cour de cassation considère que le contrat de travail ne peut être modifié sans l’accord du salarié (Cass. soc., 8-10-87, n°84-41902)(1). 

Ledit accord ne peut découler de la seule poursuite de l’exécution du contrat de travail aux nouvelles conditions. La modification ne peut résulter que d’un consentement exprès de l’intéressé (Cass. soc., 9-11-11, n°09-73040). 

En second lieu, il ressort de la jurisprudence que la convention collective ne peut modifier le contrat de travail (Cass. soc., 25-2-03, n°01-40588 ; Cass. soc., 11-3-09, n°07-44051). 

Et pour cause, cela ressort de deux principes phare : la force obligatoire des contrats (art. 1134 du code civil) et le principe de faveur. 

Il découle, en effet, du principe de faveur que « lorsqu’un employeur est lié par les clauses d’une convention ou d’un accord, ces clauses s’appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables » (art. L 2254-1 du code du travail). 

Il découle du présent arrêt qu’une convention collective ne peut : 

ni autoriser l’employeur à modifier unilatéralement le contrat de travail en instaurant des cas spécifiques d’exonération ; ni revenir sur la nécessité d’obtenir l’accord exprès du salarié en prévoyant que le silence gardé par ce dernier dans un certain délai vaut acceptation tacite de la proposition de modification. 

La Haute Cour énonce une réserve : l’existence d’une « disposition légale contraire ». 

On pense bien évidemment aux accords de maintien de l’emploi et aux accords de mobilité (art. L 2242-19 et L 5125-2 du code du travail). 

En la matière, sauf dispositions spécifiques, si le salarié ne répond pas dans un délai d’un mois à la proposition de modification, il est réputé avoir accepté l’application de l’accord à son contrat de travail. 

Malheureusement, ces dernières années, le législateur intervient de plus en plus fréquemment pour limiter la capacité de résistance du contrat de travail. 

La prolifération de ces « dispositions légales contraires » est à craindre… 

(1) La loi a instauré une exception en matière de proposition de modification économique du contrat de travail. L’article L 1222-6 du code du travail instaure une acceptation tacite si le salarié n’y a pas répondu dans le délai d’un mois. 

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmarkClose
0 Shares:
Découvrez nos analyses et capsules vidéos
Lancer la vidéo

Le pouls des CCN #1 : le régime santé de la CCN Syntec

Lancer la vidéo

Le pouls des CCN #3 : les enjeux de la rentrée de septembre 2025

Lancer la vidéo

PLFSS 2026 : rejet du socle solidaire et responsable par la ministre Amélie de Montchalin

Lancer la vidéo

Le pouls des CCN #2 : le point sur la santé des HCR et la prévoyance des Services à la personne

You May Also Like
Lire plus

La double authentification arrive sur Tripalio le 5 janvier 2026 pour une sécurité renforcée

Pour protéger les données et sécuriser l'accès de tous nos utilisateurs à nos informations stratégiques, à notre base de données CCN et à nos outils de conformité juridique, nous faisons évoluer la connexion au site Tripalio à partir du 5 janvier 2026. Dès le début de l'année 2026, un mécanisme simple de double authentification par mail vous permettra de vous connecter à Tripalio. ...
Lire plus

Joyeuses fêtes avec Tripalio

L'ensemble de l’équipe Tripalio vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année. Ces prochains jours, retrouvez notre sélection des articles publiés en 2025. ...

Malakoff Humanis et Kerialis vers un rapprochement

En fin de semaine dernière, par le moyen d'un communiqué commun, Malakoff Humanis, assureur paritaire généraliste, et Kerialis, assureur lui aussi paritaire mais davantage centré sur les professions "du droit et du chiffre", ont annoncé avoir signé "un protocole d'accord en vue de leur projet de rapprochement". Faisant état d'une réflexion entamée depuis le printemps dernier dans ce domaine, les deux groupes paritaires se félicitent d'avoir identifié une...

Avis d’extension d’un avenant à l’accord collectif de prévoyance interbranches dans les exploitations de polyculture élevage maraîchage CUMA de Loire-Atlantique

La ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, envisage d’étendre, par avis publié le 19 décembre 2025 les dispositions de l’avenant n° 8 du 25 juin 2025 à l'accord collectif de prévoyance interbranches concernant les salariés non-cadres des exploitations de polyculture, de viticulture, d'élevage, de maraîchage, d'horticulture, de pépinières, des entreprises des territoires et des coopératives d'utilisation de...

Avis d’extension d’un avenant à l’accord sur une protection sociale complémentaire en santé dans certains départements des Pays de la Loire et de l’ouest de la France

La ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire, envisage d’étendre, par avis publié le 19 décembre 2025, les dispositions de l’avenant n° 9 du 27 janvier 2025 à l'accord sur une protection sociale complémentaire en santé dans certains départements des Pays de la Loire et de l'ouest de la France. Les organisations professionnelles et toutes personnes...