Le projet de loi Macron pour la croissance et l’activité est examinée pour la 2e semaine consécutive à l’Assemblée nationale. Les députés prennent soin de s’exprimer entièrement sur chacun des points qu’ils estiment importants, alors même qu’en vertu de la procédure accélérée, leur temps de parole est strictement limité.
Lors de la 1ère séance du vendredi 30 janvier 2015, les temps impartis étaient les suivants : treize heures et neuf minutes pour le groupe SRC ; seize heures et cinquante-quatre minutes pour le groupe UMP ; quatre heures et vingt-trois minutes pour le groupe UDI ; deux heures et vingt-deux minutes pour le groupe RRDP ; deux heures et douze minutes pour le groupe écologiste ; deux heures et vingt-huit minutes pour le groupe GDR et quarante-quatre minutes pour les députés non inscrits.
Les discussions du vendredi 30 janvier 2015 se sont d’abord portées sur l’article 9 de la Loi Macron relatif au permis de conduire.
M. François Brottes, président de la commission spéciale soutient l’amendement no 1329 qui fait l’objet de deux sous-amendements, nos 3217 et 3183. Il affirme la volonté du gouvernement de consacrer le fait que le permis de conduire est un service universel.
Ce service doit être ouvert aux candidats libres précise M. Gilles Savary.
M. Jean-Christophe Fromantin propose d’ailleurs de consolider cet amendement en mettant tous les moyens nécessaires pour régler la situation actuelle, mais pour lui, créer un comité d’apprentissage de la route ne résoudra rien. Il réclame alors une évaluation précise de la situation pour prendre tous les paramètres en compte dans la réforme envisagée du permis de conduire.
M. Philippe Vigier interpelle alors MS Savary et M. Brottes sur la portée des mots de l’amendement. Il redoute l’effet des mots “droit universel” associés au permis de conduire. Il dénonce le manque de reconnaissance accordée aux inspecteurs du permis de conduire et réclame de savoir combien de personnes attendent de passer le permis pour faire des calculs précis, ce qui lui est souvent reproché. Ce à quoi répondent en s’exclamant M. Brottes et M. Ferrand : “Cela suffit !” et “Quelle mauvaise foi !”.
M. Julien Aubert. compare même l’ordonnance précue par la loi pour répondre au diagnostic posé à un placebo. Il accuse la majorité de vouloir cliver le débat sur le permis de conduire.
M. Yves Jégo intervient lui aussi sous ces termes sentencieux : “Si c’est une loi de la gauche qui sait tout contre l’opposition qui ne sait rien, vous aurez raté votre effet psychologique et vous n’aurez pas su donner l’effet que vous souhaitiez à ce texte. Je vous incite vraiment, monsieur le ministre, à vous entretenir avec les rapporteurs et la majorité pour que l’on change de ton et que l’on en revienne à des échanges plus constructifs”.
M. Bruno Le Roux. se prononce sur l’externalisation de l’examen du permis B, appelée par d’autres “privatisation”. Il considère que la solution du gouvernement n’est pas la bonne et exprime sa révolte : “Ce que je ne peux pas accepter ici, c’est que l’on dise qu’il y a une solution, la vôtre, qui permet de régler le problème, et une autre, la nôtre, qui ne permettrait pas de le régler”.
M. Julien Aubert reprend la parole pour rappeler le manque de moyens qui ne permet pas de faire face au stock de candidats au permis de conduire, selon lui la privatisation de la gestion de l’examen n’est pas justifié, même par des raisons d’urgence. Deuxièmement, il est contre l’idée de service universel qui est différente de celle de service public. M. Jean-Frédéric Poisson approuve ce raisonnement.
M. Philippe Vigier dénonce vivement le manque d’informations quant aux moyens qui seront mis en œuvre pour la répartition des inspecteur du permis de conduire. Il dénonce l’incohérence qui règne au sein des rangs socialistes qui, de ce fait, ne peuvent pas répondre correctement aux questions posées.
Sa tirade est applaudie tant par l’UDI que par l’UMP.
L’amendement sous-amendé est ensuite adopté, mais le sous-amendement n°3183 ne l’est pas.
Trois amendements identiques sont ensuite abordés : nos 3223, 3219 et 3222.
M. Gilles Savary défend le n°3223 qui consiste à ouvrir aux organismes de formation professionnelle la possibilité de prendre en charge l’épreuve de conduite des titres de transport pour les transporteurs routiers : l’examen poids lourds. L’amendement prévoit un système de simple commande avec le ministère de l’intérieur (aujourd’hui c’est la double commande qui est mise en œuvre).
M. Jean-Yves Caullet défend le n°3219 qui supprime le seuil de 20 heures d’apprentissage de la conduite obligatoires.
M. Julien Aubert s’oppose à ces amendements en invoquant le rôle flou que l’Etat aurait : “Vous expliquez que le passage du permis de conduire est un service public, mais vous refusez d’inscrire ce principe dans la loi. Vous invoquez des problèmes temporaires de flux, mais vous introduisez dans la loi des solutions structurelles. On pourrait d’ailleurs se demander pourquoi il appartient au Parlement de gérer un problème de ce type, en quoi ces questions relèvent du domaine de la loi. Nous avons beaucoup de mal à comprendre quel est le rôle exact de l’État par rapport à celui des organismes de certification”.
L’intervention de M. Aubert est ponctuée des réactions de M. Brottes telles que “On vous sent gêné, là !“, “On voit que vous n’avez jamais fait l’armée ! ” ou encore “On vous a connu meilleur, monsieur Aubert !“.
Ce à quoi M. Aubert à répondu “Vous aussi, monsieur Brottes !“.
M. Jean-Frédéric Poisson. prend la parole pour s’interroger sur la présence d’un seul inspecteur dans le camion. Il veut savoir si le passage à un examen à simple commande n’est pas de nature à dégrader la sécurité routière. Il exige des informations nécessaires de la part des rédacteurs du texte. S’ensuite la joute verbale suivante :
“M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je suis un jeune parlementaire, dans le sens où c’est mon premier mandat à l’Assemblée nationale. Mais je suis aussi un vieux parlementaire, car j’ai siégé dix ans dans un autre Parlement. Pour moi, la délibération, ce n’est pas la validation des textes gouvernementaux.
M. Jean-Frédéric Poisson. Cela ne m’a pas échappé.
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Pour un Parlement, pour l’Assemblée nationale, délibérer, ce n’est pas valider en l’état le texte gouvernemental. Nous avons le droit, et même le devoir, de faire évoluer ce texte.
M. Jean-Frédéric Poisson. Nous sommes d’accord, évidemment !
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. C’est pour cela que, dans une démocratie, les représentants du peuple sont consultés. C’est pourquoi des amendements peuvent survenir…
M. Jean-Frédéric Poisson. Sans blague ?
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. …et être discutés en commission et en séance. Voilà la réponse au fond : nous avons le droit, et le devoir, d’amender les projets de loi.
M. Jean-Frédéric Poisson. Vous enfoncez des portes ouvertes ! Vous vous moquez du monde !
M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je suis très sérieux ! Permettez-moi de vous expliquer, au fond, les raisons de notre conduite. Il est dommage que M. Jégo soit parti : il est arrivé de façon inopinée, mais il n’était pas là quand nous avons commencé ce débat. Nous avons dit, à ce moment-là, que nous avons tenu compte des interpellations d’un certain nombre de députés UMP et UDI.
M. Patrick Hetzel. Savary d’un jour à l’autre !”
M. Gilles Savary continue en affirmant que les missions des personnels ne changeront pas.
Puis les amendements identiques n°3223, 3219 et 3222 sont adoptés.
Deux amendements identiques, nos 3218 et 3221 sont ensuite défendus, dont le premier par M. Emmanuel Macron. L’objectif est de passer le délai d’attente entre 2 examens du permis de conduire à 45 jours. Pour cela, de nombreux inspecteurs seront réorientés en dehors des jurys de passage de permis de poids lourds dans le cadre des titres professionnels pour faire passer des permis B. Mais leur compétence pour l’épreuve pratique du permis poids lourd demeurera effective.
Au cours de son intervention il propose même de recourir à des agents et des contractuels pour répondre aux problèmes de manque de personnel dans certaines zones : “Je demanderai solennellement, à l’issue de notre discussion, au directeur général de La Poste – et j’ai déjà commencé à discuter de ce sujet avec lui – de s’organiser en conséquence“.
Ce à quoi M. Jean-Frédéric Poisson demande “Ils n’ont pas de travail, les agents de La Poste ?“. Question légitime au demeurant !!
M. Julien Aubert ironise même : “C’est le service postal universel !“.
D’ici la fin du mois de mars, le directeur générale de La Poste devrait faire des propositions d’après Emmanuel Macron. Puis il propose de prévoir une révision du système si cela ne fonctionne pas :
“Je suis même prêt, si vous le voulez, à accepter un sous-amendement prévoyant de se donner un rendez-vous rapide,…
M. Jean-Frédéric Poisson. C’est gentil !
M. Emmanuel Macron, ministre.…afin que si, d’ici un an, la mise en place de cette organisation avait échoué, on puisse procéder à une évaluation et à une remise à plat du dispositif.
M. Julien Aubert. Si le Gouvernement est toujours là dans un an !
M. Emmanuel Macron, ministre. Je ne dis pas ici qu’il s’agit d’un cache-sexe ! Allons jusqu’au bout ! Si on pense collectivement que ce n’est pas suffisant, prévoyons collectivement d’évaluer ce dispositif dans un an !”.
M. Julien Aubert se prononce ensuite sur son opinion concernant les amendements défendus, il soupçonne Emmanuel Macron de vouloir à terme privatiser La Poste ce qui lui vaut des exclamations venant des bancs du groupe SRC.
M. Philippe Vigier fait part de son insatisfaction sur les réponses au fond qu’il attendait de la part d’Emmanuel Macron. Il déclare aussi que “ce que nous mettons en place, mes chères collègues, c’est l’échec annoncé d’une réforme et c’est cela qui nous fait mal. Et c’est pour cela, en particulier, qu’avec Jean-Christophe Fromantin nous avons mis autant d’énergie pour trouver les voies et moyens pour y arriver. En fait, c’est cela le vrai sujet : ces frustrations nouvelles, je répète ce que j’ai dit tout à l’heure, et l’incapacité de la classe politique à résoudre un certain nombre de problèmes centraux. Voilà une question centrale qui ne sera pas réglée. Je le regrette, mais c’est ainsi. C’est votre choix. Nous ne l’approuvons pas“.
Suite à ce discours, les amendements 3218 et 3221 sont adoptés.
M. Jean-Frédéric Poisson soutient ensuite son amendement n°3162 rectifié qui vise à revenir à la formulation initiale de l’article 9. “Il est proposé de substituer à la phrase « l’autorité administrative a accès aux locaux de l’organisateur agréé », qui s’entend sans aucune restriction ni limite – même si le décret ou la circulaire pourrait venir en atténuer la rudesse – une rédaction qui manifeste davantage l’engagement conjoint des autorités administratives et des organismes agréés accueillant l’organisation des examens”.
Cet amendement est adopté.
M. Patrick Hetzel. soutient alors son amendement n°515 destiné à retoucher l’alinéa 11 de l’article 9 pour prévoir des garanties identiques pour les examinateurs et les organismes agréés pour faire passer les épreuves du permis de conduire.
Cet amendement est adopté.
M. Gilles Savary soutient l’amendement n°1811 qui vise à détailler les types d’apprentissage de la conduite accompagnée, il enlève aussi les conditions de seuils kilométriques.
Sur cet amendement M. Jean-Yves Caullet soutient le sous-amendements n°3220 qui supprime la durée minimale de formation obligatoire avant de présenter un candidat. M. Alain Tourret présente un sous-amendement similaire (n°3226).
Les avis sont favorables et l’amendement n°1811 sous-amendé est adopté.
M. Gilles Savary défend l’amendement n°3018 rectifié qui demande à toutes les écoles de conduite d’alimenter le comité d’apprentissage de la route, le CAR, afin qu’il puisse établir un tableau de bord national.
L’amendement est adopté.
M. François Brottes se prononce ensuite sur l’amendement n°1550 qui permet d’organiser dans les locaux de l’éducation nationale l’examen théorique du code de la route au lycée et ailleurs.
L’amendement est adopté.
La discussion sur l’article 9 se termine par les propos suivants de M. Jean-Frédéric Poisson: “Je précise, monsieur le président, que sur cet article, le groupe UMP s’abstiendra. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)“.
L’article 9, relatif au permis de conduire, amendé est finalement adopté.
Les discussions s’ensuivent sur les amendements après l’article 9.
M. Gilles Savary défend l’amendement n°1836 qui vise à interdire aux auto-écoles de prélever des frais de présentation aux examens et qui vise à réglementer les tarifs d’accompagnement à l’examen du permis de conduire afin d’éviter toute dérive coûteuse.
L’amendement est adopté.
M. Frédéric Lefebvre soutient à son tour l’amendement n°8 qui concerne la question des français installés hors de France qui ont de nombreux problèmes pour renouveler leur permis de conduire français ou international. Il lit un courrier d’un français qui connait d’énormes difficultés pour récupérer son permis français après 3 ans passés aux Etats-Unis : “J’ai voulu me faire l’écho de cette situation dans l’hémicycle. Nous travaillons actuellement sur cette question avec le ministre de l’intérieur, mais je souhaite, monsieur le ministre, connaître votre sentiment et je vous demande d’intervenir auprès de votre collègue pour lui montrer les enjeux que représente le permis en conduire en matière d’économie et de croissance pour un pays comme la France, qui a doit avoir une ambition mondiale“.
M. Emmanuel Macron considère l’amendement d’un bon œil car “il vise à couvrir toutes les situations en permettant aux consulats de délivrer les titres”. Cependant il soulève le problème des coûts que cela peut engendrer.
M. Frédéric Lefebvre se dit prêt à retirer son amendement à deux conditions : les délais invoqués par Emmanuel Macron doivent être tenus, puis il doit accepter de recevoir les courriers des compatriotes qui ont connus et connaissent encore des soucis pour récupérer leur permis de conduire.
L’amendement n°8 est donc retiré.
Des amendements pour insérer un article après l’article 9 Bis sont discutés : M. Jean-Frédéric Poisson demande la suppression de l’article 9 bis.
M. Razzy Hammadi souhaiterait ne pas supprimer l’article 9 bis car l’un de ses amendements s’y trouve. Finalement l’amendement de suppression n°2681 est retiré par M. François Brottes.
M. Emmanuel Macron annonce être défavorable aux amendements de suppression et favorable à la correction proposée par la commission spéciale.
L’amendement n°914 n’est alors pas adopté et l’article 9 bis est adopté.
Ensuite, M. Daniel Gibbes propose d’insérer un article après l’article 9bis visant à introduire des tarifs minimums applicables aux prestations réglementées que sont les contrôles techniques automobiles afin de garantir leur qualité et une concurrence loyale.
Mais l’amendement n’est pas adopté.
Sur l’article 9 ter des amendements rédactionnels sont adoptés puis l’article est aussi adopté.