Cet article provient du site du syndicat de salariés CFDT
La représentativité des organisations syndicales est établie pour toute la durée du cycle électoral. En conséquence, un syndicat qui n’a pas participé aux dernières élections professionnelles ne peut pas se prévaloir de son affiliation confédérale intervenue après les élections pour désigner des délégués syndicaux, quand bien même la confédération aurait obtenu plus de 10 % des suffrages dans l’entreprise. C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt récent, publié au bulletin. Cass.soc. 04.07.18, n°17-20710.
- Faits et procédure
Des élections professionnelles se sont déroulées dans une unité économique et sociale (UES) en novembre 2012. Les listes déposées sous le sigle CGT ont obtenu 19,08 % des suffrages au premier tour. La CGT était ainsi reconnue représentative au sein de l’UES. Au cours du cycle électoral, en septembre 2014, un nouveau syndicat s’est créé dans l’UES et s’est affilié à la confédération CGT. En septembre 2016, une fois l’ancienneté de 2 ans acquise, il a désigné deux salariés en qualité de délégués syndicaux.
Chaque syndicat représentatif dans une entreprise ou un établissement d’au moins 50 salariés qui constitue une section syndicale peut désigner un ou plusieurs délégués syndicaux (1). Pour être reconnu représentatif, le syndicat doit remplir les 7 critères cumulatifs suivants : (2) – le respect des valeurs républicaines ;- l’indépendance ;- la transparence financière ;- une ancienneté minimale de 2 ans (à compter de la date de dépôt des statuts) ;- une audience minimale (10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique) (3) ;- l’influence (prioritairement caractérisée par l’activité et l’expérience) ;- les effectifs d’adhérents et les cotisations.A noter que dans les établissements de moins de 50 salariés, les syndicats représentatifs dans l’établissement peuvent désigner un membre du CSE comme délégué syndical pour la durée de son mandat (4).
Les 8 sociétés composant l’UES ont alors saisi le tribunal d’instance en annulation de ces désignations, considérant que le syndicat CGT n’était pas représentatif. Les juges du fond ont fait droit à leur demande. Ils ont annulé les deux désignations au motif que le syndicat n’a pas participé aux dernières élections professionnelles.
C’est ainsi que le syndicat CGT a formé un pourvoi en cassation. Selon lui, « un syndicat peut se prévaloir des votes obtenus lors du premier tour des élections professionnelles sous le sigle d’une confédération à laquelle il s’est affilié après les élections pour se prétendre représentatif dans l’entreprise et y désigner un délégué syndical ». Il avance à l’appui de sa démonstration le fait que la confédération ne s’était pas opposé aux désignations et qu’il était le seul syndicat à disposer d’une section syndicale sous ce sigle dans l’entreprise.
- Le sigle confédéral, un élément essentiel du vote des électeurs…
Le syndicat CGT estimait pouvoir se prévaloir des suffrages recueillis sous le sigle CGT de par son affiliation confédérale. Il semblait ainsi s’appuyer sur la jurisprudence de la Cour de cassation applicable dans le cas d’une désaffiliation. En effet, pour la chambre sociale, l’affiliation confédérale sous laquelle un syndicat a présenté des candidats au premier tour des élections professionnelles constitue « un élément essentiel du vote des électeurs » (5). Ainsi, en cas de désaffiliation après ces élections, le syndicat ne peut plus se prévaloir des résultats obtenus pour se prétendre représentatif et désigner un délégué syndical. Le syndicat CGT semblait vouloir en déduire, a contrario, que son affiliation à la confédération CGT pouvait lui permettre d’exercer les prérogatives liées à la représentativité syndicale.
- … mais insuffisant : la représentativité s’acquiert par les élections !
La Cour de cassation censure le raisonnement du syndicat. Elle confirme sa jurisprudence constante (6)rappelant que « la représentativité des organisations syndicales est établie pour toute la durée du cycle électoral ».
Il en résulte par exemple que les résultats obtenus lors d’élections partielles ne peuvent avoir pour effet de modifier la mesure de la représentativité calculée lors des dernières élections générales (6).
La Haute juridiction en déduit qu’elle ne peut être reconnue en cours de cycle lorsque le syndicat n’a pas participé aux dernières élections. Elle approuve en conséquence les juges du fond d’avoir jugé que :
“LE SYNDICAT N’AYANT PAS PARTICIPÉ À CES ÉLECTIONS NE POUVAIT ÊTRE REPRÉSENTATIF AU SEIN DE L’UES NI PROCÉDER AUX DÉSIGNATIONS DE DÉLÉGUÉS SYNDICAUX”
Une fois fixée, la représentativité syndicale reste « figée » pendant toute la durée du cycle électoral. De ce fait, un syndicat nouvellement créé en cours de cycle ne peut être reconnu représentatif qu’à l’issue de ce cycle, lors des nouvelles élections professionnelles.
Cet arrêt constitue une nouvelle illustration de l’évolution majeure du droit syndical issue de la loi du 20 août 2008 (7). A présent, la représentativité ne s’acquière plus de manière descendante de par l’affiliation syndicale, mais de manière ascendante, en fonction notamment de l’audience mesurée lors des élections professionnelles.
(1) Art L.2143-3 C.trav.
(2) Art L.2121-1 C.trav.
(3) Art L.2122-1 C.trav.
(4) Art L.2143-6 C.trav.
(5) Cass.soc. 18.05.11, n°10-60069 et n°10-21705.
(6) Cass.soc. 13.02.13, n°12-18098.
(7) Loi n° 2008-789 du 20.08.08 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.