Cet article provient du site du syndicat CFDT.
La Cour de cassation apporte des précisions quant à la nature du poste pouvant être proposé à un salarié déclaré inapte par le médecin du travail. La Haute Cour juge que ne constitue pas un poste “disponible” pour le reclassement, celui d’un stagiaire, qui n’est pas salarié de l’entreprise, mais suit une formation au sein de celle-ci. Aussi, le fait que l’employeur ne propose pas ces tâches, ne constitue pas une méconnaissance de son obligation de reclassement, peu importe qu’elles soient compatibles avec l’avis médical. Cass.soc.11.05.17, n°16-12.191.
- Rappel : quels sont les postes disponibles pour un reclassement ?
Lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur a une obligation de reclassement. Pour cela, il doit proposer au salarié un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin (par exemple lorsque le médecin l’a déclaré inapte à tout emploi dans l’entreprise) par la mise en œuvre de mesures telles que la mutation, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail (1).
En jurisprudence, l’employeur doit faire porter ses recherches sur l’ensemble des postes disponibles adaptés à l’état de santé du salarié inapte, y compris ceux pour une durée temporaire (par ex : le temps d’un congé maternité (2) ou encore en contrat à durée déterminée (3)).
En revanche, l’employeur n’a pas l’obligation de créer un poste pour permettre le reclassement d’un salarié (4), ni même d’imposer à un autre salarié une modification de son contrat de travail pour libérer un poste pour un salarié déclaré inapte.
Qu’en est-il des tâches confiées à des stagiaires ? Peuvent-elles constituer un poste disponible pour un reclassement ? C’est toute la question de notre arrêt.
- Faits, procédure
Dans cette affaire, un salarié, chauffeur poids lourds, est licencié pour inaptitude avec impossibilité de reclassement. Le salarié déclaré inapte reproche à son employeur de ne pas avoir effectué de recherches réelles de reclassement, en ne lui proposant pas l’ensemble des emplois disponibles, y compris ceux qui sont temporaires. Plus précisément, le salarié a considéré que l’employeur qui a eu recours, avant son licenciement, à des stagiaires pour des missions ponctuelles d’une semaine à un mois pour des tâches administratives, aurait dû lui proposer ce travail qui répondait aux exigences médicales.
Les juges du fond, donnant tort au salarié, un pourvoi est formé. La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel et valide le licenciement.
- Un stagiaire ayant un statut particulier, ses tâches ne constituent pas un «poste» de reclassement
Confirmant l’arrêt d’appel, la Cour de cassation pose le principe suivant : «ne constituent pas un poste disponible pour le reclassement d’un salarié déclaré inapte l’ensemble des tâches confiées à des stagiaires qui ne sont pas des salariés de l’entreprise, mais suivent une formation au sein de celle-ci».
Pour la Haute Cour, le stagiaire a un statut particulier, distinct de celui d’un salarié de l’entreprise. De ce fait, il n’est pas censé occuper un «vrai» poste, c’est-à-dire un poste permanent ni même temporaire. En outre, le travail d’un stagiaire doit s’inscrire dans un processus de formation, de mise en situation professionnelle pendant ses études. C’est pour ces raisons que le travail d’un stagiaire ne peut constituer un poste disponible pour reclasser un salarié déclaré inapte.
Les stagiaires ont un statut particulier : ils ne sont pas considérés comme des salariés de l’entreprise même si leurs droits ont vocation, sous certaines conditions, à se rapprocher de ces derniers (par ex : tickets restaurants, congés, durée maximum de travail…). À ce titre, la dernière grande réforme en la matière (5), avait précisément pour objectif de limiter les abus liés aux stagiaires et de renforcer l’encadrement des stages, en évitant notamment qu’ils puissent occuper des postes qui sont en réalité des postes permanents ou temporaires, réservés à des salariés. Dans la convention de stage signée entre l’entreprise, le stagiaire et le centre de formation, il est notamment imposé de désigner un tuteur, d’avoir un objet pédagogique, ou encore de limiter la période de travail dans l’entreprise à 6 mois maximum. Enfin, le stagiaire ne perçoit pas une rémunération à proprement parler mais une gratification. À défaut de respecter ces règles applicables au stagiaire, la convention de stage doit être requalifiée en contrat de travail.
- Solution logique mais gare à la fraude
Compte tenu du statut particulier du stagiaire, la solution semble logique. Toutefois, il faut veiller à ce que l’employeur ne recoure pas à des stagiaires dans le but d’éviter d’embaucher ou encore, comme en l’espèce, de reclasser un salarié déclaré inapte.
En l’espèce, la Haute Cour souligne qu’ «aucune fraude n’était invoquée» et que l’employeur avait rempli son obligation de recherche sérieuse et loyale de reclassement.
On peut imaginer que les juges de la Cour de cassation laissent ici sous-entendre, que si le salarié avait à l’inverse réussi à prouver que l’employeur avait en réalité confié un «vrai» poste aux stagiaires, l’issue de cette affaire aurait été différente.
(1) Art. L.1226-2 et -10 C. trav.(2) Cass.soc.05.03.14, n°12-24.456.(3) Cass.soc.10.02.16, n°14-16.156.(4) Cass.soc.21.03.12, n°10-30.895.(5) Loi n°2014-788 du 10.07.14 tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires.