Les “obscurs”, c’est-à-dire les 4,5 millions de salariés des entreprises de moins de 10 personnes (les fameuses TPE), viennent de voter pour élire leurs représentants. Comme tout ce qui touche aux obscurs, personne ou presque ne s’en est rendu compte. Et très peu d’entre eux se sont déplacés: la participation s’est limitée à 7,35% des électeurs, soit un total de 330.000 bulletins de vote (3 points de moins qu’en 2012). Pas de quoi fouetter un chat!
Mais qui sont ces obscurs?
Qui sont-ils au juste tous ces électeurs qui, dans leur entreprise, sont privés de représentation syndicale, mais représentent tout de même un quart des salariés? Majoritairement, ce ne sont pas des cadres (ceux-ci représentent environ 11% du total). Ce sont donc les salariés de ces petits magasins, de ces entreprises artisanales (les coiffeurs, les boulangers, les bouchers…), jusqu’aux start-up, qui se tiennent généralement à part des grands débats syndicaux et pour qui les grandes réglementations ne sont généralement pas faites.
C’est en soi un vivier intéressant, puisqu’il témoigne de cette France où le salarié voit son patron tous les jours et où la pression sur le chiffre d’affaires est quotidiennne. On n’est pas ici dans la France de la rente, des grandes entreprises qui ont été, à un moment ou à un autre, nationalisées, et qui participent à la doctrine des protections qu’il faut toujours accorder en plus aux salariés. La France des TPE, c’est plutôt celle du combat quotidien pour défendre sa survie.
Une érosion continue de la CGT
Parmi les 300.000 qui se sont exprimés, il s’en est tout de même trouvé un quart pour donner un bulletin CGT dans l’urne. C’est un signal ambigu.
D’une part, la CGT reste de loin le premier syndicat dans ce segment d’entreprises. Ce chiffre illustre bien la permanence du combat dans ces entreprises où la lutte des classes a la peau dure. Que la contestation soit encore un mode de revendication quotidienne prouve que la TPE peut encore être un lieu d’affrontement.
Mais ce poids de la CGT s’érode. Elle avait remporté près de 30% des voix il y a quatre ans. Sa suprématie est donc de plus en plus remise en cause. On y verra en partie le résultat de la stratégie frontale contre une loi Travail qui n’est finalement pas désavouée par les salariés. FO a pour sa part perdu 2 points dans la même période. On y verra aussi, et même surtout, les effets d’une lente mutation de notre tissu de TPE, où les start-ups grignotent du terrain et où le petit commerce souffre le martyr. Progressivement, la population qui vote n’est plus la même.
Un échec de la CFDT
Curieusement, la CFDT n’a pas profité de cette érosion de la CGT. Certains, à la CFDT, imaginaient pourtant tirer leurs marrons du feu. Ils seront déçus. Leur syndicat n’a remporté que 15% des voix, soit 50.000 bulletins de vote, quand la CGT en a obtenu 81.000. Le différentiel entre les deux syndicats s’est certes réduit par rapport au précédent scrutin, mais la tendance n’en est pas moins illustrative.
On pourra épiloguer longuement sur cette contre-performance de la CFDT. Incontestablement, la stratégie de soutien au gouvernement finit par se payer dans les urnes, et c’est toute la logique du réformisme docile qui en prend un coup. La CFDT s’imaginait tutoyer la CGT à l’issue de ce scrutin. Rien n’exclut un retournement très défavorable. Son score est d’ailleurs d’autant moins rassurant qu’elle reste loin derrière la CGC (moins de 20% pour la CFDT, 28% pour la CGC) dans le collège cadres, qui a en revanche gagné 2 points.
La poussée des nouveaux
Ces mouvements se sont opérés au bénéfice des “nouveaux”, à savoir l’UNSA, qui court toujours après la reconnaissance de sa représentativité nationale, et les listes régionales, qui ont obtenu 10% des suffrages. Voilà un indice qui ne trompe pas: moins que jamais, les syndicats “représentatifs” nationaux ne représentent l’avenir du salariat (la CFTC a même réalisé le score de 7,44% dans les TPE). Plus que jamais, le paysage syndical est dans l’attente de son renouvellement.