Tiers-payant généralisé : les assureurs au secours du gouvernement

Dans le conflit qui oppose les médecins généralistes à Marisol Touraine, les organismes complémentaires viennent d’apporter un étrange coup de main à la ministre en annonçant une solution technique simple à la question de la généralisation du tiers payant. 

 

Un coup de bluff ?

On notera d’abord que cette solution est encore très… virtuelle. En réalité, elle est annoncée pour 2017, avec une première mise en œuvre fin 2015, sous un format simple. Elle a fait l’objet d’un communiqué laconique de la FNMF, de la FFSA et du CTIP : communiqué qui ne comporte aucun descriptif précis. 

 

Le communiqué se borne d’ailleurs à annoncer dans l’immédiat la « création d’une association destinée à piloter le dispositif de tiers payant des complémentaires santé ». On reconnaîtra que, jusque-là, l’engagement des complémentaires ne mange pas de pain et ressemble beaucoup à un coup politique. 

 

Allons plus loin : quelques jours après la conférence de presse de François Hollande subordonnant la mise en œuvre du tiers payant généralisé à l’invention d’un mécanisme simple, l’annonce très opportune, pendant le week-end, d’une solution miracle tombe à pic pour sortir Marisol Touraine du marécage dans lequel elle s’est enlisée. 

 

De là à penser que les acteurs de la complémentaire santé ont agi sur une incitation forte de l’Elysée, il n’y a évidemment qu’un pas que chacun reste libre de ne pas franchir. Néanmoins, on aurait préféré avoir le sentiment que l’annonce reposait sur des éléments un peu moins improvisés. 

Un calcul politique ?

Derrière cette affaire, on mesure évidemment tout l’intérêt que les acteurs du marché peuvent avoir à sauver le gouvernement d’une mauvaise passe. Tout l’intérêt, voire tous les intérêts ! 

 

En premier lieu, institutions de prévoyance, mutuelles et compagnies d’assurance ont une utilité objective à rendre un petit service à Marisol Touraine. Jamais à court d’une idée incongrue, la ministre perdra bien évidemment quelques marges de liberté vis-à-vis de ces interlocuteurs lorsqu’il s’agira de les imposer ou de les contraindre. De ce point de vue, la manœuvre opérée par les complémentaires apparaît comme un gage pris sur l’avenir qui ne peut pas faire de mal. 

 

Surtout, l’occasion d’enfermer les médecins libéraux dans la nasse était trop belle. Alors que ceux-ci résistent depuis des années de tout leur saoul contre une domination des assureurs sur la médecine de ville, la panne de Marisol en pleine campagne leur donne l’occasion de ferrer le poisson de façon probablement irréversible. 

 

On fermera néanmoins les yeux sur les dommages collatéraux de l’opération : il n’est pas sûr que la gestion du risque sorte gagnante de ce dispositif. La généralisation du tiers payant ne consiste ni plus ni moins à détricoter la logique vertueuse des contrats responsables. D’une certaine façon, les assureurs vendent la corde qui servira à la pendre, avec l’ivresse de ceux qui s’enrichissent en vendant leur âme. 

La rage des médecins libéraux

A ce stade, la CSMF n’a pas encore réagi, mais la mesure qui vient d’être annoncée correspond à l’un des cauchemars traditionnels des médecins. Ceux-ci craignent depuis longtemps d’être entravé dans un système dominé par les assureurs complémentaires. 

 

Dès début janvier, la CSMF écrivait : « Enfin, les complémentaires santé qui peu à peu vont prendre la place d’une assurance maladie, sous-financée et qui va continuer à se désengager en l’absence de toute réforme de son financement. Elles vont ainsi s’emparer du secret médical des patients, leurs clients, pour leur appliquer une tarification « sur-mesure » selon leur état de santé. Et ce jour-là, sans qu’aucun débat public n’ait jamais eu lieu et alors que le gouvernement s’évertue à stigmatiser le combat de la CSMF sous l’angle de l’accès aux soins, notre système aura basculé dans un système à l’américaine piloté par les complémentaires santé et donc le privé ! » 

 

La suite pourrait bien leur donner raison. 

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