Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat : CFDT
Le point de départ du délai de 12 mois dont dispose le salarié pour contester la validité de sa rupture conventionnelle est reporté en cas de fraude de l’employeur au jour où le salarié en a pris connaissance. Cass. Soc., 22.06.16, n°15-16.994
- Rappel : qu’est-ce qu’une rupture conventionnelle ?
Régie par les articles L.1237-11 et suivants du Code du travail, la rupture conventionnelle est une procédure qui permet au salarié et à l’employeur de convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. Elle n’est possible que pour les contrats de travail à durée indéterminée (CDI).
Cette rupture du contrat est strictement encadrée par les dispositions du Code du travail ainsi que par la jurisprudence pour éviter tout abus ou dérives.
En cas de litige concernant la convention, l’homologation ou le refus d’homologation d’une rupture conventionnelle, l’article L. 1237-14 du Code du travail prévoit que le recours juridictionnel doit être formé, à peine d’irrecevabilité, avant l’expiration d’un délai de 12 mois à compter de la date d’homologation de la convention.
Mais qu’advient-il en cas de fraude de l’employeur ? C’est là, tout l’objet d’une récente décision de la Chambre sociale de la Cour de cassation.
- Les faits, la procédure et la problématique
Dans cette affaire, un licenciement économique concernant 9 salariés avait été prononcé et s’en était suivi un nombre important de départs volontaires, prenant notamment la forme de ruptures conventionnelles dans plusieurs sociétés de l’unité économique et sociale.
Une unité économique et sociale correspond à un ensemble de sociétés distinctes qui entretiennent des liens si étroits qu’elles peuvent être considérées comme une entreprise unique. La reconnaissance d’une unité économique et sociale peut entraîner, en fonction du nombre de salariés, la mise en place d’institutions représentatives du personnel.
L’effectif de l’UES était ainsi passé de 577 à 530 salariés. La baisse d’effectif estimé insuffisante, deux nouveaux projets de licenciement économique portant chacun sur 9 salariés avaient été envisagés dans des sociétés appartenant à l’UES. Le comité d’entreprise a refusé de donner un avis et a alors saisi le tribunal de grande instance dans le but d’obtenir l’annulation de la procédure d’information et consultation, celle du plan de sauvegarde de l’emploi et celle des ruptures conventionnelles.
L’affaire a été portée jusqu’à la Cour de cassation puis renvoyée devant la cour d’appel de Lyon qui avait condamné de manière définitive l’employeur.
Peu de temps après l’arrêt de la cour d’appel, un salarié a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande en nullité de sa rupture conventionnelle, rupture qui avait eu lieu près de 3 ans plus tôt. Le salarié a estimé qu’en raison de la fraude commise par l’employeur, le délai de prescription de 12 mois ne lui était pas applicable.
Pour le salarié, le fait que l’employeur n’ait pas pris en compte sa rupture conventionnelle dans la détermination de la procédure d’information consultation des représentants du personnel applicable au regard des obligations de l’employeur en matière de plan de sauvegarde de l’emploi, constitue une fraude.
Les juges du fond n’ont pas fait droit à la demande du salarié. Ce dernier s’estimant lésé a décidé de porter l’affaire devant la Cour de cassation.
La question posée aux hauts magistrats était donc la suivante : la fraude de l’employeur est-elle de nature à reporter le délai de prescription ?
- La fraude reporte le délai de prescription
La chambre sociale de la Cour de cassation confirme la décision des juges du fond et ne fait pas droit à la demande du salarié mais apporte deux précisions essentielles.
- La fraude de l’employeur peut conduire à écarter la prescription de 12 mois prévue par l’article L. 1237-14 du Code du travail, seulement lorsque cette fraude a eu “pour finalité de permettre l’accomplissement de la prescription“. Autrement dit, la fraude doit avoir eu pour objectif d’empêcher le salarié d’intenter une action dans le délai requis. Or dans en l’espèce ce n’était pas le cas.
• Les Hauts magistrats précisent également qu’une fraude dans le recours à la rupture conventionnelle a pour effet de reporter le point de départ de ce délai de prescription au jour où celui qui l’invoque en a eu connaissance.
En l’espèce, les juges du fond avaient estimé que “la fraude que le salarié prêtait à son employeur était connue au plus tard le 16 juillet 2009”, date du jugement de première instance rendu dans l’affaire précitée. La demande de nullité introduite par le salarié le 28 décembre 2011 était donc bien trop tardive.
Bien que dans cette affaire le salarié n’ait pas eu gain de cause, la Cour de cassation précise les conséquences de la fraude sur une rupture conventionnelle, afin de préserver le droit de recours des justiciables plus longtemps.