Si le rapport publié jeudi dernier par les trois hauts conseils de la Sécurité sociale – haut conseil au financement de la protection sociale, HCFiPS, haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, HCAAM, et haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, HCFEA – a largement été commenté, y compris dans nos colonnes, sous l’angle de ses propositions portant sur le rééquilibrage des comptes de la santé, il comporte des développements relatifs à bien d’autres enjeux, comme par exemple celui des droits familiaux en matière de retraite.

Le rapport des hauts conseils de la Sécurité sociale juge nécessaire de “réexaminer” les droits familiaux concédés aux parents de familles nombreuses.
“10 % des dépenses de la branche famille”
Abordant la question des droits familiaux à pension, le HCFEA rappelle que les majorations de pensions de 10 % pour trois enfants et plus sont financées par la branche famille de la Sécurité sociale depuis près de quinze ans. Cette situation procède notamment du principe selon lequel ces majorations ont pour objectif de contribuer au dynamisme de la natalité française. Par ailleurs, le haut conseil de la famille objective le coût non négligeable de cette politique pour la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) : il s’élève à “près de 5,5 Md€ en 2023, soit près de 10 % des dépenses de la branche famille”.
Semblant juger trop important ce niveau de transferts, notamment au regard des “besoins importants en matière de politique familiale”, le HCFEA veut “repenser ce dispositif” des majorations de pension pour les familles nombreuses. A priori, un tel cadrage initial du problème peut laisser penser que le haut conseil de la famille entend revendiquer une remise en cause de la mise à la seule charge de la branche famille de la Sécurité sociale du financement des majorations de pension.
Une critique nourrie des majorations de pension
En réalité, la suite de son propos conduit à constater qu’il promeut une remise en cause bien plus structurelle de ce dispositif. Il insiste sur le fait qu’il ne serait pas adapté à une compensation des effets de la maternité sur la carrière. “En effet, le taux de ces majorations est le même pour l’ensemble des bénéficiaires, et donc les personnes dont les pensions sont les plus faibles, qui sont plus souvent des femmes ayant interrompu ou réduit leur carrière du fait de leurs enfants, en bénéficient moins” justifie-t-il.
Ceci signifie, au passage, que ce dispositif reproduit les inégalité sociales. “Selon les estimations de la Drees, les 1 % des retraités les plus aisés ont reçu environ 569 M€ en 2020 au titre de la majoration de pension pour enfants, dont 546 M€ pour les hommes et 22 M€ pour les femmes” lit-on ainsi dans le rapport. On le comprend alors : ce n’est pas seulement le financement des majorations de pension par la CNAF mais le fonctionnement même de ces majorations que les hauts conseils de la Sécurité sociale préconisent de revoir.
Pour une “forfaitisation” des droits familiaux
En lieu et place de leur fonctionnement actuel, ils reprennent une piste récemment étudiée par le conseil d’orientation des retraites (COR), consistant en une “forfaitisation” des droits familiaux : “le COR a récemment travaillé sur des simulations de réforme des avantages familiaux de retraite dont la majoration de pension de 10 %, avec notamment un scénario de forfaitisation”. Enfonçant le clou, le HCFEA appelle le COR à poursuivre ses réflexions en la matière : “le Conseil de la famille suivra avec attention les travaux du COR sur cette question et les conséquences que ses recommandations auront sur le montant du transfert à la charge de la branche famille”.
S’il n’est pas illégitime, étant donné l’état des finances publiques, que l’ensemble des dispositifs de protection sociale fassent l’objet d’un examen de leur légitimité, on constate que les technocrates du social opèrent des choix bien déterminés d’orientation du débat public en la matière. De fait, alors même qu’ils contribuent à l’équilibre global de la retraite par répartition, les droits afférents à la famille traditionnelle s’apparentent ici à une proie facile.