Remaniement : qui donc va (vraiment) tenir les affaires sociales ?

Annoncée hier, la composition du nouveau gouvernement suscite surtout, depuis, des commentaires relatifs à ses attendus purement politiques : le remaniement ministériel témoignerait – et l’entrée de Rachida Dati à la Culture le symboliserait notamment – d’une volonté du Président de la République de se tourner vers “la droite” afin de gouverner le pays.

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Quoi qu’il en soit de la pertinence ou non ces analyses, on s’intéressera plutôt aux effets du remaniement dans le domaine des politiques sociales – soit : les plus coûteuses pour le budget de la nation. Le profil des deux nouvelles ministres chargées des affaires sociales, dont l’expérience et l’expertise en la matière apparaissent limitées, invite à s’interroger sur l’identité des futurs vrais responsables des affaires sociales du gouvernement Attal.

Catherine Vautrin et Agnès Pannier-Runacher au social

S’il est bien un domaine dans lequel le gouvernement dirigé par Gabriel Attal est “resserré” – puisque c’est ainsi qu’il a été qualifié par l’exécutif – c’est bien celui des affaires sociales. En effet, les deux anciens portefeuilles des Solidarités et de la Santé d’une part et du Travail d’autre part ont été fusionnés pour ne donner qu’un seul grand ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités. Succédant à la fois à Olivier Dussopt et à Agnès Firmin le Bodo, Catherine Vautrin a été nommée à la tête de ce vaste ministère des questions sociales.

Ce matin, France Info a annoncé que, dans sa tâche, Catherine Vautrin allait être secondée par Agnès Pannier-Runacher, qui était jusqu’alors ministre de la Transition Energétique et qui va se voir confier la charge de ministre déléguée à la Santé. Sa nomination doit intervenir en début de semaine prochaine.

Un remaniement des affaires sociales qui interroge

S’il ne saurait être question de disserter ici de la légitimité générale des deux nouvelles ministres du social, il semble néanmoins pertinent d’interroger leur légitimité à tenir les postes qui leur ont été confiés. Or, à ce sujet, force est de constater que ni Catherine Vautrin ni Agnès Pannier-Runacher ne sont des responsables politiques à la trajectoire ancrée dans le domaine social.

Si, entre 2004 et 2007, la première s’est quelque peu occupée de questions sociales spécifiques au sein des gouvernements Raffarin III puis de Villepin, elle est surtout connue pour son travail parlementaire – membre de la commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale, elle a été vice-présidente de l’Assemblée Nationale de 2008 à 2017 – et pour son implication dans la gestion de la métropole puis de la communauté urbaine du Grand Reims, qu’elle préside depuis 2014. Pour Catherine Vautrin, la prise en charge d’un ministère aussi vaste et important que celui qu’elle va diriger ne saurait donc être qualifiée de tout à fait naturelle.

S’agissant d’Agnès Pannier-Runacher, comme le relèvent nos confrères de France Inter, son expérience du social consiste d’une part en un passage à l’APHP, comme directrice de cabinet de Rose-Marie van Lerberghe, qui fut la directrice de cette institution de 2002 à 2006, et en un pilotage, durant la crise sanitaire du Covid-19, de la commission destinée à relancer la production des masques et à discuter avec les industriels du prix des vaccins. Elle peut difficilement, en d’autres termes, être décrite comme une spécialiste des questions de santé.

L’exécutif, Bercy et les technocrates du social aux manettes

Dans une telle configuration, il est alors tentant de poser la question de la manière dont, à la faveur du dernier remaniement ministériel, les choses vont réellement fonctionner en matière sociale dans les mois qui viennent. Il apparaît d’abord assez peu risqué de formuler l’hypothèse selon laquelle, fidèle à sa méthode globale de gouvernement, Emmanuel Macron va suivre de très près les grands dossiers sociaux du moment et à venir : réforme du système de soins, mise en œuvre de la réforme des retraites, développement du travail des seniors, réorganisation de l’accompagnement des chômeurs, par exemple. Gabriel Attal devrait d’ailleurs moins encore qu’Elisabeth Borne se trouver en mesure de peser dans les choix présidentiels.

Au sein de l’appareil d’Etat, le Président de la République ne devrait pas seul tirer profit du remaniement pour avancer ses pions en matière sociale : Bercy devrait également faire partie des bénéficiaires de l’opération. L’absence d’une légitimité politique forte au sein du nouveau ministère du social va en effet favoriser le déploiement d’une gestion avant tout budgétaire des affaires sociales. Accessoirement, Bercy pourrait par ailleurs continuer à renforcer sa mainmise sur la gouvernance des systèmes de collecte des recettes non fiscales de la protection sociale – c’est-à-dire des cotisations sociales, qui constituent l’essentiel des recettes de la protection sociale.

L’importance accrue conférée à une approche non directement politique du social ne devrait, enfin, pas déplaire aux technocrates du social – et, en particulier, à ceux de la direction de la Sécurité sociale. Au contraire, selon toute hypothèse, ils vont eux aussi profiter des incertitudes prévisibles de leurs hiérarchies politiques pour faire valoir leur agenda et leurs propositions d’évolutions des politiques sociales. Quelques ajustements seront, certes, sans doute nécessaires entre les technocrates du social et Bercy quant à la définition globale de la voie à suivre pour la gestion des affaires sociales, les premiers étant réputés moins regardants à la dépense en la matière.

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