Cet article provient du site du syndicat CFDT.
Derrière de sérieux manques ou inconnues, le document transmis par le gouvernement aux partenaires sociaux laisse des espaces de discussion. La CFDT entend s’en saisir.
C’est un « programme de travail pour rénover notre modèle social » que le gouvernement a transmis le 6 juin aux partenaires sociaux, avant de le communiquer à la presse. « Un programme de travail, donc pas un point d’arrivée, mais le début d’un processus, a insisté le Premier ministre, Edouard Philippe. C’est le cadre des discussions à venir. » Avant tout une méthode de travail, le document restant assez vague sur nombre de sujets. Plutôt une bonne nouvelle pour la CFDT, qui y voit l’occasion de porter ses propositions et note que le calendrier de travail s’est desserré : « On est passé d’ordonnances promulguées au cœur de l’été, à la mi-août, à une échéance à la fin septembre. Ça laisse le temps à la discussion », a relevé Laurent Berger.
Trois thèmes, une intense concertation
L’essentiel du document porte sur la « rénovation du droit du travail », qui va faire l’objet d’une « intense concertation » dans les prochaines semaines, à raison de deux réunions par organisation représentative pour chacun des trois grands thèmes identifiés. Le premier thème, qui sera discuté du 9 au 23 juin, porte sur l’articulation des niveaux de négociation avec l’objectif d’élargir le champ de la négociation collective « pour donner de la capacité d’initiative aux entreprises et aux salariés ». Concrètement, il s’agira de clarifier les missions respectives de l’entreprise et de la branche, « qui joue un rôle essentiel de régulation économique et sectorielle », a souligné la ministre du Travail Muriel Pénicaud. Mais aussi d’ouvrir de nouveaux champs à la négociation collective, de « mieux sécuriser les accords conclus et leurs modalités d’application et de validité » et de « fixer les règles d’ordre public, de manière accessible et simplifiée, auxquelles la négociation collective ne peut déroger, et les dispositions supplétives à défaut d’accord ». Un objectif général que la CFDT partage, mais le diable se niche dans les détails. « Pour la CFDT, il faut d’abord un socle de droits très solides dans le code du travail, prévient Laurent Berger. Pour inciter à la négociation mais aussi pour garantir aux travailleurs un haut niveau de protection en l’absence d’accord. Je pense notamment au salaire minimum, aux conditions de sécurité, etc. » Le secrétaire général a également réaffirmé le souhait « que la branche joue tout son rôle et le voit même renforcé, notamment sur les questions liées à la qualité de l’emploi ».
Des opportunités et des points de désaccords
Deuxième thème amené par le gouvernement, traité du 26 juin au 7 juillet, « la simplification et le renforcement du dialogue économique et social et de ses acteurs » : attention portée aux TPE-PME, renforcement de la légitimité des acteurs, reconnaissance des compétences acquises aux cours des mandats, mais aussi nombre des instances de représentation du personnel (IRP). En la matière, le document gouvernemental regrette le « morcellement » des IRP, jugeant que cela « ne favorise ni la qualité du dialogue social ni la capacité d’influence des représentants des salariés […] privés de vision d’ensemble ». La ministre s’est avancée davantage, évoquant la « fusion au moins des trois instances consultatives ». « Il faut que le gouvernement comme le patronat comprennent qu’il n’y a pas de renforcement du dialogue social dans l’entreprise s’il n’y a pas de moyens accrus pour les représentants syndicaux et pour les syndicats dans l’entreprise ! », a vivement réagi Laurent Berger, soulignant au passage que si fusion il devait y avoir, les « missions dévolues aujourd’hui au comité d’entreprise, au CHSCT, au délégué du personnel devraient être maintenues et même renforcées ».
« Sécuriser les relations de travail, tant pour les employeurs que pour les salariés », tel est le troisième thème mis au programme de la concertation, du 10 au 21 juillet. Certaines mesures comme l’égalité professionnelle, la sécurisation des nouveaux modes de travail dont le télétravail ou un meilleur accès aux normes applicables à chacun ne devraient pas faire polémique. Il n’en va pas de même « de certaines règles qui entourent le licenciement » que le gouvernement souhaite voir « interrogés lors de la concertation ». Ni de la barémisation des indemnités prud’hommes en cas de licenciement abusif, dont Emmanuel Macron a fait un marqueur. « Nous sommes opposés à un tel barème obligatoire, a rappelé Laurent Berger. Dans tous les cas, si plafond il devait y avoir, des dérogations seront nécessaires pour garantir l’intégrité physique et mentale des salariés. »
Peser pour la sécurisation des parcours professionnels
Au-delà de ces points, ce « programme de travail pour rénover notre modèle social » clarifie les « six grandes réformes complémentaires [qui] seront menées dans les 18 prochains mois ». Outre l’évolution du droit du travail, le transfert des cotisations salariales sur l’assurance-maladie et l’assurance-chômage sur la CSG au 1er janvier 2018, la réforme de la formation professionnelle, l’ouverture de l’assurance-chômage aux démissionnaires et aux indépendants, la refonte de l’apprentissage, la rénovation du système de retraites. Ce dernier point ne sera traité qu’en 2018. Le volet résumé en « sécurisation des parcours professionnelle » (assurance-chômage, apprentissage et formation professionnelle) sera examiné dès septembre 2017, avec un projet de loi au printemps 2018.
Pour Laurent Berger, il importe maintenant de peser pour rééquilibrer les réformes en faveur des salariés : « C’est dès maintenant que nous devons parler des nouveaux droits pour les salariés, de l’accompagnement des plus fragiles, du compte personnel d’activité et de droits renforcés pour les personnes les plus éloignées de l’emploi ! » Et là encore, si la CFDT se félicite de la place laissée à la concertation, elle jugera sur le fond. Le projet de loi d’habilitation, qui sera à l’ordre du jour du Conseil des ministres du 28 juin, donnera un premier aperçu. Mais, a promis le Premier ministre, « la concertation se poursuivra tout au long de l’été ». Les ordonnances sont annoncées d’ici le 21 septembre prochain.