Réforme du droit du travail: un crachin de rapports à l’eau tiède

La remise du rapport Combrexelle, ce mercredi 9 septembre, occupe déjà tous les esprits. Il cristallise depuis plusieurs semaines une intense agitation intellectuelle, avec la publication de différents rapports préliminaires: l’un de l’Institut Montaigne, financé par Axa, et l’autre proposé par Terra Nova, officine bien connue du Parti Socialiste. Chacun de ces textes mérite d’ailleurs une lecture particulière pour comprendre les déceptions probables à venir à la lecture du rapport Combrexelle. 

Terra Nova et la prudence des évolutions

Le rapport de Gilbert Cette et de Jacques Barthélémy pour Terra Nova propose sans surprise de permettre des dérogations négatives à la loi par accord majoritaire de branche ou d’entreprise. Toutefois, les précautions qui entourent cette disposition sont nombreuses, et s’adressent essentiellement aux grandes entreprises. Dans la pratique, Cette et Barthélémy ont écarté de leurs préoccupations l’écrasante majorité des entreprises françaises: celles qui n’ont pas d’institutions représentatives du personnel. Leur proposition générale consiste d’ailleurs à transférer le pouvoir de négociation sur le comité d’entreprise. 

Cette et Barthélémy proposent en outre de confier aux partenaires sociaux le soin de définir les limites des règles du jeu qui doit se mettre en place, en fixant en particulier l’articulation entre accords d’entreprise et accords de branche. Autant dire qu’ils souhaitent mettre en exergue l’accord de branche… 

L’institut Montaigne et son juridisme

De son côté, la note de l’Institut Montaigne, majoritairement rédigée par des fonctionnaires, paraît obsédée par les questions juridiques, notamment sur la place de l’accord dans la hiérarchie des normes, et effleurer de façon très extérieure la question de l’accord d’entreprise. En particulier, elle aborde de façon très discrète la question d’un accord d’entreprise portant sur la rémunération, au détour de cette proposition qui aidera peu les chefs d’entreprise: 

“Formuler un principe général de primauté de l’accord collectif sur le contrat de travail, sauf exception précisément définie par la loi. Si le salarié refusait la modification d’un élément de son contrat par une disposition de l’accord, alors ce refus impliquerait un licenciement pour cause réelle et sérieuse avec des indemnités inférieures aux indemnités classiques.” 

On voit mal comment cette proposition sans autre argumentation pourrait passer. 

En outre, l’institut Montaigne apparaît d’un conservatisme étrange (proposer de renforcer la négociation interprofessionnelle), tourné vers les grandes entreprises et oublieux des entreprises qui n’ont pas d’institutions représentatives du personnel. 

La commission Combrexelle devrait être encore plus prudente

Le rapport Combrexelle, comme il se doit, devrait être encore plus en retrait, en proposant surtout de renforcer le rôle des accords de branche au détriment des accords d’entreprise, et sans véritable possibilité de déroger à la loi sur les clauses substantielles du contrat de travail, en particulier sur la rémunération. D’une certaine façon, la commission Combrexelle devrait accoucher d’une souris bâtarde, réalisant un mauvais compromis entre la frilosité des pouvoirs publics et le conservatisme des rapports Terra Nova et Montaigne essentiellement destinés aux grandes entreprises. 

La loi qui doit sortir en 2016 sur le sujet risque donc, une fois de plus, d’être une loi de window-dressing sans grand impact sur la réalité des entreprises. 

La réforme du droit du travail mise sous l’éteignoir par la technostructure

Dans les trois cas, les rapports sur la réforme du droit du travail ont été rédigés par des instances privilégiant la technostructure. Le fait mérite d’être relevé: cette réforme supposée servir les entreprises est mise sous contrôle par les hauts fonctionnaires effrayés à l’idée d’une décentralisation du droit. Dans la pratique, les dégâts causés par cette méthode sont déjà considérables: il est évident que la loi ne s’intéressera et ne servira que les grandes entreprises et devrait laisser de côté le Mittelstand français.  

 

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