Repoussée à cette semaine du fait de la mobilisation des “gilets jaunes” alors qu’elle devait initialement avoir lieu dès le début du mois de janvier, la reprise de la “concertation” sur la réforme des retraites – concertation organisée, rappelons-le, par Jean-Paul Delevoye – se fait sur le thème, sensible, de l’âge du départ à la retraite.
L’exécutif semble chercher à instituer un système de bonus-malus destiné à reculer l’âge effectif du départ à la retraite des salariés.
Une nouvelle phase pour la “concertation”
Après avoir acté que la réforme des retraites se traduirait par la fusion de tous les régimes existant en un régime unique par points s’appliquant à tous les actifs pour la part de leurs salaires allant jusqu’à 10 000 euros bruts mensuels, la “concertation” gouvernementale avec les partenaires sociaux aborde actuellement le thème des conditions d’ouverture des droits à la retraite. Dans un document de 14 pages qu’il a fait parvenir courant janvier aux responsables des organisations patronales et salariales, M. Delevoye a détaillé plusieurs scenarios d’évolution des conditions d’âge de départ à la retraite.
Un scenario incitatif…
L’un de ces scenarios se veut clairement incitatif. L’âge normal de départ à la retraite demeurerait fixé, comme aujourd’hui, à 62 ans. L’actif qui prendrait sa retraite à cet âge-là disposerait d’une pension reflétant strictement le nombre de points accumulés durant sa carrière – la valeur du point étant amenée, si l’on en croit la promesse de campagne d’Emmanuel Macron, à être la même pour tous les actifs. Afin d’encourager les actifs à partir à la retraite après 62 ans, il serait proposé à ceux qui décideraient de rester sur le marché du travail de continuer à cumuler des points dont la valeur serait majorée, de 3 % à 5 %.
Ce scenario peut être considéré comme essentiellement incitatif, dans la mesure où, en réalité, il n’institue qu’une possibilité de bonus. La CFDT et les syndicats modérés, qui ont accepté l’accord de 2015 sur les retraites complémentaires, instituant un dispositif plus restrictif de bonus-malus – sur lequel ils veulent, certes, revenir aujourd’hui… – ne devraient pas voir d’un trop mauvais oeil ce scenario.
… et un scenario plus rigoureux
Hélas pour la CFDT, ce scenario n’est pas le seul. L’exécutif juge utile d’en étudier un second, bien plus rigoureux. Le principe général semble simple : comme ceci existe aujourd’hui dans le régime général avec la décote et la surcote, un bonus-malus serait appliqué selon que l’actif aurait choisi de partir à la retraite après ou avant un certain âge. Quel âge ?
C’est bien là tout le problème. D’après le Parisien, cet âge pourrait être défini en fonction de la carrière de chaque actif. Une autre option est sur la table : cet âge serait commun à tous les membres d’une même génération. Si la première option pourrait présenter l’avantage, du point de vue des syndicats, de prendre en compte les spécificités de chaque assuré, la seconde en revanche apparaît si englobante qu’elle pourrait donner lieu à bien des inégalités : entre les classes sociales, les professions, les hommes et les femmes, notamment. Quoi qu’il en soit, dans tous les cas, le second scenario implique une remise en cause de l’âge de départ à la retraite à 62 ans – en contradiction avec la promesse de campagne de M. Macron.
La réforme des retraites aura bien lieu
Afin de ne pas agacer d’emblée les dirigeants des organisations salariales, Jean-Paul Delevoye leur a bien entendu promis que, pour l’heure, aucun scenario n’était privilégié par l’exécutif. Plus encore, interrogé ce matin sur Europe 1, il a garanti qu’aucune décote ne serait appliquée pour les salariés souhaitant prendre leur retraite à l’âge de 62 ans : ceci pourrait signifier que le premier scenario a tout de même plus la faveur du Président de la République, mais qu’il pourrait alors être complété par un malus appliqué aux actifs choisissant de partir avant l’âge de 62 ans.
Soulignons enfin que M. Delevoye a réaffirmé que la réforme des retraites serait bien menée cette année, à partir du mois de juin.