Le Premier ministre Edouard Philippe a beaucoup parlé de la réforme des retraites hier : d’abord au Conseil économique, social et environnemental (CESE) puis au journal télévisé de 20 heures de TF1.
Il ressort de ses annonces que, si l’exécutif veut mettre en avant son attitude d’écoute et d’ouverture, il n’en demeure pas moins bien décidé à mener à bien sa réforme d’ici à l’été prochain.
Une concertation et une date limite
En premier lieu, Edouard Philippe a précisé quelque peu la méthode qu’il entend mettre en oeuvre dans le cadre de cette réforme. Il a assuré que, durant les prochains mois, afin d’élaborer la réforme des retraites, le gouvernement allait être à l’écoute non seulement des partenaires sociaux, mais également des élus locaux, des représentants de diverses associations et même de l’ensemble des Français. Chacun de ces différents publics sera consulté par le moyen de dispositifs adaptés, de la concertation traditionnelle – notamment avec les partenaires sociaux – aux réunions publiques, en passant par le lancement d’une plateforme de libre expression sur internet.
Edouard Philippe l’a, certes, promis : ce temps et ces outils de débat public n’empêcheront pas l’adoption de la réforme des retraites à l’horizon de l’été prochain. “Le projet de loi devra être voté avant la fin de la session parlementaire de l’été prochain [soit avant juillet 2020, ndlr]”, a-t-il en effet indiqué au CESE. Avec un calendrier aussi serré, et étant donné le temps nécessaire à l’élaboration d’une réforme des retraites aussi importante que celle voulue par le Président de la République, on peut légitimement se demander dans quelle mesure le débat public va réellement pouvoir, matériellement, nourrir les propositions gouvernementales.
Ceci n’est (presque) pas une réforme des retraites
Bien lancé dans son entreprise de déminage, le Premier ministre s’est ensuite voulu rassurant quant aux principaux éléments fondamentaux de la réforme des retraites. Il a ainsi tenu à réaffirmer – afin de ménager l’électorat macroniste ? – qu’elle ne concernera “ni les retraités, ni les actifs proches de la retraite”, mais les actifs nés à partir de 1963 – soit, tout de même, une proportion non négligeable de la population française… A ceux, justement, des actifs qui, nés après 1963, s’inquièteraient des modalités de leur transfert au sein du futur régime universel, Edouard Philippe répond que leurs droits issus du système actuel seront “conservés à 100 %”, sans donner toutefois plus de précision au sujet de cette opération technique.
Le Premier ministre s’est même adressé aux plus réfractaires des Français, en leur expliquant que, si nécessaire, l’intégration de tous les régimes existants au sein du futur régime universel pourrait se faire sur le très long terme, d’ici à 2040. “Si, pour certaines professions, la période de transition doit être plus longue, nous l’allongerons” a-t-il déclaré, tout en fermant la porte au maintien de régimes spéciaux.
En somme, en écoutant la bonne parole du Premier ministre hier, on en finissait presque par se demander si la réforme des retraites allait vraiment réformer les retraites. “Nos convictions sont fortes et notre détermination est entière” rappelait alors à l’ordre M. Philippe. Retour brutal à la réalité : la réforme des retraites aura bien lieu, pour le meilleur et pour le pire !
Les sujets difficiles dans le flou
Au fil de sa démonstration que tout va aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, Edouard Philippe n’a pas pu éviter d’aborder certains sujets délicats. D’une part, le Premier ministre a dû s’exprimer sur la question de la manière de définir le moment du départ à la retraite au taux plein. Il a ici refusé de choisir entre fixation d’un âge pivot ou d’une durée de cotisation. “Il existe un certain nombre d’outils qui permettent de conjuguer durée et âge” s’est-il contenté d’affirmer, à la normande.
D’autre part, au sujet de l’état des finances des régimes de retraite à l’horizon 2025 de leur unification au sein du futur régime universel – sujet qui nourrit des interprétations très divergentes entre l’Etat et le patronat d’un côté et les syndicats, notamment la CFDT, de l’autre – le Premier ministre a convenu de demander de nouvelles projections au conseil d’orientation des retraites (COR). N’attendant pas d’en prendre connaissance, il a précisé son avis sur la question : “les départs à la retraite resteront très nombreux dans les années à venir et tout porte à croire que ce déficit va fortement se dégrader”.
Ainsi donc, afin de ne pas s’enliser dans des débats complexes, Edouard Philippe a préféré entretenir le flou le plus complet sur les sujets sensibles. La “concertation” – qui a décidément bon dos – permettra sans doute d’y voir plus clair…