En s’exprimant “à titre personnel”, il y a une dizaine de jours, au sujet de l’âge du départ à la retraite qui sera mis en oeuvre dans le cadre de la future réforme des retraites, Agnès Buzyn a déclenché un débat public qui se trouve être alimenté chaque jour ou presque par de nouveaux contributeurs.
De facto, l’âge de départ à la retraite figure ainsi parmi les grands enjeux de la réforme des retraites.
Des incertitudes gouvernementales…
Pour rappel, la semaine dernière a été marquée par la multiplication de déclarations plus ou moins contradictoires de la part de représentants importants du gouvernement, au sujet de l’âge du départ à la retraite. En premier lieu – bien évidemment – Agnès Buzyn, a lancé le débat sur ce sujet, dimanche 17 mars, avant de rétropédaler mardi 19 mars.
Ne se préoccupant guère de ce revirement de position de Mme Buzyn, Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes Publics, ainsi que Benjamin Griveaux, le porte-parole du gouvernement, ont apporté leur soutien aux premières déclarations de la ministre des Solidarités et de la Santé. Une certaine impression de cacophonie commençait alors à se dégager de tout ceci.
Ceux qui – comme, probablement, Jean-Paul Delevoye – espéraient que le Premier ministre Edouard Philippe fît rapidement cesser cet étalage de sentiments personnels, ont vite été déçus. Mercredi dernier, devant l’Assemblée Nationale, ce dernier a réussi la prouesse de dire une chose et son contraire en l’espace de quelques minutes. “Dans le cadre de cette réforme, il n’est pas question de modifier l’âge de départ à la retraite” a-t-il en effet d’abord avancé, avant d’affirmer que “se poser la question de savoir s’il faut travailler plus longtemps pour que le fruit de ce travail plus long finance ces besoins considérables d’investissement et de prise en charge de la limitation du reste à charge est une question parfaitement valide. Ce qui m’inquiéterait, ça serait qu’on ne se la pose pas”.
… au débat politique…
S’engouffrant dans la brèche des états d’âme gouvernementaux, plusieurs personnalités politiques se sont saisies de la question de l’âge du départ à la retraite afin de faire valoir leur point de vue dans l’espace public. En particulier, les “Républicains” ont réaffirmé qu’ils étaient favorables à un recul de l’âge du départ à la retraite. Sur France Inter lundi dernier, Valérie Pécresse a ainsi déclaré que “les Français savent que nous allons tous vivre plus vieux, plus longtemps, que la population active sera moins nombreuse face à la population des retraités, et que pour maintenir les retraites, il va falloir à terme travailler plus longtemps”. Une prise de position que Laurent Wauquiez s’est bien gardé de démentir.
Si Olivier Faure, le chef de ce qu’il reste du Parti Socialiste ne s’est pas exprimé, ces derniers jours, sur la question de l’âge du départ à la retraite, il l’avait toutefois fait au début de l’année, en affirmant être opposé à ce qu’il fût reculé. Plus curieusement, c’est Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économies et ancien dirigeant du PS, qui a estimé, lundi sur RTL que le débat ouvert par Mme Buzyn était un débat potentiellement risqué et, surtout, globalement inutile. Il a en effet rappelé que “l’âge effectif” de départ à la retraite est “déjà supérieur à 62 ans en France”.
… et paritaire
Dans le même temps que le milieu politique se saisissait de la question de l’âge du départ à la retraite, le milieu paritaire en faisait autant. Unanimes, les dirigeants des principales confédérations salariales se sont prononcés contre son recul. Même la CFDT a été très claire sur le sujet : Laurent Berger, son secrétaire général, a interpelé le Président de la République en lui demandant à ce que “les engagements d’un jour ne deviennent pas les reniements du lendemain”.
Le patronat lui aussi s’est emparé du sujet. Geoffroy Roux de Bézieux a, d’abord, globalement soutenu l’idée d’un report de l’âge de départ à la retraite, sans donner plus de précisions. Cité par le Figaro, Claude Tendil, vice-président du MEDEF chargé des affaires sociales, issu du secteur de l’assurance, s’est prononcé pour un âge légal de départ à la retraite fixé à 64 ans.
L’âge de la retraite remis en cause
Ainsi donc, tous les acteurs concernés de près ou de loin par l’élaboration de la retraite, du gouvernement à l’opposition, en passant par les partenaires sociaux, se sont saisis en l’espace de dix jours du débat de l’âge du départ à la retraite. Alors que le Président de la République, puis Jean-Paul Delevoye, avaient promis de ne pas toucher à l’âge de départ actuellement en vigueur, ce débat est donc relancé. Tout en donnant le sentiment de sombrer dans l’amateurisme, le gouvernement a réussi à remettre ce sujet sensible au menu des discussions politico-paritaires.
Force est de reconnaître que cette affaire a été fort rondement menée par l’exécutif !