Réforme des retraites : à la CNAV, la neutralité politique du directeur remise en question

Sécurité sociale

Si l’ampleur de la mobilisation des Français contre le projet de réforme des retraites promu par le Président de la République et son gouvernement pose la question de la légitimité de l’exécutif à maintenir son projet, les défenseurs de ce dernier n’en continuent pas moins à faire feu de tout bois pour promouvoir son bien-fondé.

Au sein de la caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), la caisse de retraite du régime général de Sécurité sociale, la question est ainsi posée de la neutralité politique du directeur de l’institution vis-à-vis du projet de réforme des retraites porté par le gouvernement.

Un “simulateur” sur le projet de réforme des retraites

D’après des sources syndicales concordantes, au milieu du mois de janvier, les personnels de la branche retraite ont, lors d’un webinaire, été informés par Renaud Villard, le directeur de la CNAV, de la mise en ligne, sur le site de “l’assurance retraite” – c’est-à-dire celui du régime général de retraite – d’un “simulateur” portant sur les effets, pour les salariés en activité, du projet de réforme des retraites. Il aurait, à cette occasion, précisé que cet outil informatique était appelé à évoluer au fur et à mesure des amendements apportés au projet de réforme – notamment concernant les “carrières longues”.

Cette communication orale s’accompagnait d’une autre, écrite celle-ci, visant non seulement à promouvoir l’usage de ce simulateur auprès des salariés de la branche retraite de la Sécurité sociale mais également à ce que ces salariés eux-mêmes promeuvent autour d’eux le recours à l’outil en question. Si l’on en croit la CGT, c’est l’intranet de la CNAV, le réseau “TAM-TAM”, qui a été le cadre de cette seconde communication du directeur.

La “neutralité” du directeur de la CNAV en cause selon la CGT

C’est peu dire que l’élaboration et la mise en ligne du simulateur sur le projet de réforme des retraites, ainsi que sa promotion par la direction de la CNAV, n’ont pas été du goût de tout le monde en interne. Ainsi, à la fin du mois de janvier, les “syndicats CGT de la CNAV” se sont adressés au directeur de la caisse par le moyen d’une lettre ouverte, dans laquelle ils lui ont fait savoir tout le mal qu’ils pensaient de cette affaire.

Ils estiment d’abord que la mise en ligne du simulateur était précipitée : “Ne trouvez-vous pas incohérente la mise en place d’un simulateur alors que le texte n’est qu’à l’état de projet ? Nous vous rappelons que celui-ci doit être prochainement soumis à débats, espérons-le démocratiques, à l’Assemblée Nationale et au Sénat”. La CGT de la CNAV insiste d’ailleurs sur ce point, en rapportant son étonnement de voir un projet informatique aboutir si rapidement alors que “depuis des années, les salariés demandent une modification de leurs outils informatiques”, décrits comme “peu ergonomiques et souvent obsolètes”.

En réalité, pour la CGT de la CNAV, la grande “réactivité” de Renaud Villard sur la mise en place du simulateur viendrait poser la question de sa “neutralité” vis-à-vis du gouvernement et de son projet de réforme. Rappelant en effet “qu’en décembre 2019, suite à la communication par voie de mail d’un tract de notre confédération concernant un précédent projet de réforme des retraites, [le directeur de la CNAV a] fait fermer notre messagerie syndicale en considérant que notre publication était politique”, la CGT l’invite dès lors à respecter “le même devoir de neutralité [qu’il impose] aux organisations syndicales en matière de communication au personnel de la CNAV”. Pour la CGT, autrement dit, c’est parce qu’il soutient le projet gouvernemental que Renaud Villard promeut tous azimuts le simulateur sur la réforme.

Une action sous contrainte gouvernementale ?

N’ayant pas, lui non plus, à l’évidence, apprécié la mise en ligne dudit simulateur sur le site de la CNAV, le syndicat national FO des cadres des organismes sociaux, le SNFOCOS, y voit une “méthode de propagande douteuse” – méthode qu’il dénonce en l’occurrence. A la différence, toutefois, de la CGT, le SNFOCOS ménage quelque peu le directeur de la caisse, affirmant qu’il agit sous la contrainte gouvernementale. “Le gouvernement a mis la main sur le site de la CNAV qui est contraint d’afficher une présentation « élogieuse » de cette réforme pourtant au stade de projet” déplore le SNFOCOS, qui enfonce le clou : “Au nom de quoi le gouvernement détourne-t-il les moyens de la CNAV pour la promotion de son projet […] ?”

S’il est vrai que la version des faits livrée par le SNFOCOS permet de ne pas mettre en cause la neutralité du directeur de la CNAV vis-à-vis d’un projet pas encore validé, il n’en demeure pas moins qu’elle vient confirmer l’enrôlement de la direction de la caisse dans la promotion du texte. Dans une telle configuration, il est assez peu probable que Renaud Villard en vienne à répondre favorablement à la revendication de la CGT de la CNAV d’un “rétabli[ssement] sans délai [du] site de l’assurance retraite dans sa version précédente conformément à la législation en vigueur à ce jour” – sauf, bien évidemment, et l’hypothèse doit être prise au sérieux, si le gouvernement devait finalement se trouver forcé, par la mobilisation populaire, de revenir sur son projet de réforme.

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