Après l’entrée en vigueur le 16 juin 2014 de la directive 2014/56/UE modifiant la directive 2006/43/CE s’appliquant à tous les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés, que l’entité auditée soit ou non dite « d’intérêt public » et du règlement UE 537/2014 relatif aux exigences spécifiques applicables au contrôle légal des comptes des entités dites « d’intérêt public », les travaux sur les textes règlementaires aboutiront le 17 juin 2016 à l’entrée en application, en France, de l’ensemble des textes.
Le marché européen n’était jusqu’alors pas unifié sur le domaine de l’audit contrairement aux Etats-Unis, à la Chine et l’Inde. Mais c’est avant tout pour rassurer les investisseurs au moyen d’une information financière sincère et contrôlée ainsi qu’assurer la concurrence que la réforme est née. BI&T propose un récapitulatif des nouveautés apportées par la réforme.
Les nouveautés de la directive transposée en droit français
La réforme européenne de l’audit, très attendue des entités, apporte quelques nouveautés à un régime anticipé par la France. En effet, la France dispose actuellement d’une législation assez proche de la réforme européenne, lui épargnant certaines difficultés d’adaptation.
Par exemple, la France a spontanément mis en place le Haut Conseil du Commissariat aux Comptes (H3C) depuis 2003 lui permettant d’acquérir une expérience de 13 ans avec le régulateur contrairement à ses voisins européens. Selon les experts, il n’y a pas de surtransposition. Le H3C aura dorénavant la responsabilité finale de la supervision en matière de sanctions, de contrôle qualité, de normalisation, de formation et d’inscription.
De plus, la rotation des cabinets d’audit sera désormais obligatoire pour les entités les plus importantes. Cette rotation ainsi que le niveau maximum des sanctions pécuniaires ont été imposé par l’Europe à la France.
L’ordonnance va aussi introduire pour la première fois une définition des EIP (entités d’intérêt public).
En ce qui concerne les dossiers “EIP”, la rotation des cabinets devra être effectuée au maximum tous les dix ans c’est-à-dire que les cabinets pourront se maintenir sur un même client durant dix années au maximum, sauf s’ils passent par un appel d’offre pour se faire renouveler, auquel cas ils pourront prolonger le délai à 16 ans.
Une autre exception s’ajoute si des cabinets exercent en co-commissariat au compte c’est-à-dire en cas de Joint-Audit avec deux cabinets qui réalisent en même temps la certification des comptes : dans ce cas ils pourront se maintenir jusqu’à 24 ans. La France choisira ces deux options, en privilégiant les situations de co-commissariat. Il sera possible d’organiser la rotation du co-commissariat au compte de façon à éviter les pertes de connaissances importantes du client et donc renforcer la compétence d’audit. Le co-commissariat sécurise l’ouverture du marché, l’indépendance, l’objectivité, la qualité sur la prestation d’audit et améliore la compétence technique sur le marché.
Puis, la réforme prévoit la limitation des SNA, c’est-à-dire des prestations de service que l’on peut réaliser en marge de la prestation principale de certification des comptes. Une limitation d’honoraires est toutefois fixée à 70% de la moyenne des honoraires facturés au titre de l’audit sur les trois années précédentes.
Enfin, les EIP et les sociétés de financement devront se doter d’un comité spécialisé dont le rôle sera accru par le suivi de la mission des commissaires aux comptes et du respect des points de réglementations des services non audit. Pour les non EIP, seules les sociétés de financement auront l’obligation de se doter d’un comité d’audit.
Des difficultés persistent avec la transposition de la directive européenne
L’adaptation du droit français au droit de l’Union européenne ne se fait pas sans heurts. Le débat autour de la suppression de l’audit légal dans un certain nombre de PME (à travers un relèvement des seuils) n’est pas totalement arrêté. Selon les experts, « cette suppression conduirait de nombreuses entreprises dans une zone à risques, à travers la disparition de tout contrôle financier ».
Ensuite, en plus de la rotation des auditeurs, la réforme amène la rotation des cabinets. Ce mécanisme fait craindre une concentration des acteurs du marché notamment par le système d’appel d’offre.
Enfin, l’application de la responsabilité finale du H3C lui conférant un large pouvoir de superviseur inquiète les spécialistes. Auparavant il y avait un autocontrôle de la profession : entre 2003 et 2015, ce contrôle était partagé entre la compagnie nationale et le H3C. Avec la réforme, le contrôle serait quasi exclusivement exercé par le H3C avec des délégations possibles auprès de la compagnie nationale.
Le risque, à terme, pourrait être une baisse du nombre de commissaires aux comptes dans les entreprises à cause des sanctions financières importantes qui sont mises en place.