Les annonces faites, hier, par Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, au sujet des contours de la réforme de la formation professionnelle, n’ont guère plu aux dirigeants des organisations patronales et salariales. Les seconds craignent avant tout que le gouvernement ait fait le choix d’une diminution des droits des salariés, tandis que les premiers déplorent vivement l’étatisation totale du système.
Des droits en baisse ?
Du point de vue des responsables des confédérations salariales, la nouvelle manière de formuler les droits des salariés à la formation professionnelle n’augure rien qui vaille. Si, jusqu’alors, le compte personnel de formation se présentait sous la forme d’un droit à un certain nombre d’heures de formation, il se présentera désormais sous une forme monétaire. La CFDT prend les devants et met en garde : cette monétisation “ne doit pas être un affaiblissement des droits des salariés”. Plus explicite, Michel Beaugas a expliqué ses doute à l’AFP : “Aujourd’hui, quand vous disposez de 100 heures de formation sur votre CPF, vous faites vos 100 heures quel que soit le prix. Demain, si vous avez besoin de 100 heures de formation, qui coûtent 4 000 euros, et que vous avez 500 euros sur votre CPF, qui paie ?”
Pour la CGT, la monétisation du CPF signifie l’individualisation du droit à la formation professionnelle. Ceci conduit à faire porter aux seuls salariés la responsabilité de leur “employabilité”. Ainsi, la CGT estime que la réforme “fragilise encore le monde du travail en érigeant une individualisation totale des travailleurs, désormais seuls responsables de leur employabilité”. A l’inverse, les “trop nombreux organismes de formation” auront “les mains libres pour marchandiser la formation”. Au final, pour la CGT, le gouvernement fait un pas de plus vers la dérégulation du marché du travail : “À l’instar de la politique destructrice du droit du travail, c’est de nouveau un tournant libéral indéniable. Et le big bang risque bien de produire le néant !” dénonce-t-elle.
L’étatisation en marche
A ces critiques, les représentants des salariés en ajoutent d’autres, relatives à l’organisation de la formation professionnelle retenue par l’exécutif. Michel Beaugas relève que la création de l’agence France compétences, qui remplacera les trois instances paritaires nationales actuelles : Copanef, Cnefop et FPSPP et sera gérée par l’État, les régions, les syndicats et le patronat, revient à “retirer la gestion paritaire de la formation professionnelle au niveau national”. Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, s’est inquiété d’une telle “transformation du mode de gouvernance”, tandis que Jean-François Foucard, de la CFE-CGC n’hésite pas à “s’interroger” sur ses conséquences : “Est-ce que l’Etat fera mieux ? Quand on voit que sur la formation initiale, dont il est responsable, 20 % d’une classe d’âge sort du système sans diplôme, on peut s’interroger.”
Dans le concert de réactions produit par les annonces de Muriel Pénicaud, ce sont toutefois les dirigeants patronaux qui ont le plus vilipendé l’étatisation de la formation professionnelle qui devrait avoir lieu. En particulier, le transfert à l’Urssaf de la collecte de la cotisation de la formation professionnelle, jusqu’à présent réalisée par les OPCA, déplaît fortement au patronat. S’alarmant de “bouleversements annoncés sans concertation”, Pierre Gattaz, le président du Medef, a déploré que l’exécutif “confonde ambition et bouleversement, big bang et nationalisation”. Pour la CPME, l’étatisation du système devrait favoriser l’émergence d’une “usine à gaz avec l’Urssaf d’un côté et les acteurs de la formation de l’autre”. La CPME l’assure : “le risque est de revivre ce que l’on a pu connaître lors de la mise en place du RSI”.
En somme : chacun à sa manière, les dirigeants des organisations patronales et salariales sont très irrités de perdre le contrôle de l’importante politique de la formation professionnelle et des intéressantes institutions paritaires qui l’organisaient jusqu’à présent.