La Cour des comptes a rendu public, le 25 mai 2016, son rapport sur le budget de l’Etat en 2015. L’exécution du budget de l’État se caractérise par une amélioration du solde budgétaire. Néanmoins, la maîtrise des dépenses en 2015 demeure incomplète. L’évolution des recettes fiscales a été conforme aux prévisions. Les dépenses de personnel ont augmenté pour la deuxième année consécutive et l’État a créé des emplois publics supplémentaires pour la première fois depuis 2002.
Le déficit de l’Etat toujours élevé mais inférieur aux prévisions
Le rapport énonce que le déficit budgétaire 2015 (- 70,5 Md€) est inférieur de près de 4 Md€ à celui prévu en loi de finances initiale (LFI). C’est le deuxième programme d’investissements d’avenir (PIA) lancé en 2014 ainsi que le versement au mécanisme européen de stabilité (MES) qui a permis l’amélioration du déficit budgétaire (15,1 Md€) par rapport à 2014.
C’est principalement sous l’effet de la politique d’émission que le rythme de progression de la dette de l’État (+ 48 Md€ en 2015) s’est réduit. Cette politique a permis d’enregistrer d’importantes primes à l’émission, utilisées pour réduire la dette à court terme.
Il précise que l’État a fait le choix de mettre à profit ces ressources de trésorerie pour diminuer la dette à court terme, dont l’encours a baissé de 22,6 Md€. Malgré des taux d’intérêt à court terme aujourd’hui négatifs, ce choix justifié par l’Agence France Trésor (AFT), témoigne de la volonté de limiter le risque de taux sur la dette de l’État, la dette à court terme étant la plus sensible à une remontée des taux.
Nota : Les résultats par type d’impôts ont été proches de la valeur initiale : les recettes de l’impôt sur le revenu (69,3 Md€), l’impôt sur les sociétés (33,5 Md€), la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (13,8 Md€) et la TVA (141,8 Md€).
Des recettes fragiles
Le rapport affirme tout d’abord que les recettes ont été proches des prévisions, mais leur dynamisme a reposé en partie sur des éléments non reconductibles. En 2015, les recettes fiscales de l’Etat se sont élevées à 294,5 Md€, dont 280,1 Md€ pour les recettes fiscales nettes (5,8 Md€ de plus qu’en 2014 et 1,0 Md€ de mieux que les prévisions de la LFI) et 14,4 Md€ pour les recettes non fiscales. Ces dernières (14,4 Md€) augmentent de 0,4 M€ par rapport à 2014 et dépassent la LFI de 0,2 Md€ grâce au niveau très élevé des amendes de l’Autorité de la concurrence.
Ensuite, il précise que les dividendes versés par les entreprises non financières s’élèvent à 3,0 Md€ en 2015, en baisse de près de 0,7 Md€ par rapport à la LFI 2015, et 1,1 Md€ par rapport à l’exercice 2014
Est constaté une maîtrise des dépenses fiscales reposant sur la fixation d’un plafond dans les LPFP, ainsi que sur l’organisation depuis 2013 de conférences fiscales qui visent à rationaliser et réduire le nombre de ces mesures dérogatoires. Les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales ont diminué de 3,9 Md€ en 2015, conformément à ce qui était prévu en LFI. Cependant, les autres transferts financiers aux collectivités progressent.
Enfin, la Cour des comptes estime que l’évolution des recettes fiscales en 2016 et les années suivantes dépendra notamment de la poursuite de la montée en charge du CICE et de la capacité de l’État à contrôler le montant total des dépenses fiscales.
Nota : Une recommandation nouvelle a été faite par la Cour. Celle de formaliser des règles précises de définition et de modification du périmètre des dépenses fiscales et des crédits d’impôts soumis au plafond de la LPFP
Des dépenses supérieures aux prévisions
Selon le rapport de la Cour des comptes, la maîtrise des dépenses est partielle et ses résultats restent fragiles. En effet, en 2015, les dépenses nettes du budget général hors fonds de concours et attributions de produits se sont élevées à 296,5 Md€, soit 0,4 Md€ de plus que la LFI et 3,7 Md€ de plus qu’en 2014, hors dépenses exceptionnelles et à périmètre constant. Les dépenses nettes du budget général, quant à elles, sont restées proches du niveau prévu, mais les « économies », définies sur un périmètre qui n’inclut pas la charge de la dette, sont plus faibles.
Une modification de la répartition des crédits a été opérée à l’aide de trois décrets d’avance (des 9 avril, 23 octobre et 29 novembre 2015), un décret d’annulation (du 9 juin 2015) et une LFR. Effectivement, hors remboursements et dégrèvements, 7,0 Md€ ont été ouverts et 5,5 Md€ ont été annulés sur le budget général. L’effet cumulé de ces textes est donc une ouverture nette de 1,5 Md€.
Puis, la Cour informe qu’après les attentats du 7 janvier 2015, un premier plan de lutte anti-terroriste (PLAT 1) a été décidé. Prévu pour trois ans, il s’est traduit en 2015 par l’ouverture de 247 M€ par un décret d’avance le 9 avril 2015, une levée de réserve de 80 M€ sur la mission Sécurités et le redéploiement de 150 M€ à titre provisoire sur la mission Défense dans l’attente d’une actualisation de la loi de programmation militaire (LPM) présentée en juin 2015.
L’accroissement des dépenses s’expliquent notamment par l’augmentation du nombre de contrats aidés décidée en juin 2015. Les dépenses de la mission Travail et emploi qui ont été supérieures à la LFI de 536 M€.
Les dépenses nettes de la mission Défense dépassent la LFI de 2 467 M€. A l’inverse, les dépenses de la mission Engagements financiers de l’État ont été nettement inférieures à la LFI (- 2 495 M€).
Finalement, la Cour constate la présence d’économies dites faibles : Les dépenses et taxes affectées plafonnées ont été supérieures de 2,5 Md€ aux prévisions de la LFI. Les « économies » initialement estimées à 7,3 Md€, n’auraient donc été que de 4,8 Md€.
Un budget à l’évolution peu prévisible pour la Cour des comptes
D’après la Cour des comptes, la gestion 2015 ne fournit pas d’assurance sur les perspectives de maîtrise des dépenses de l’État au cours des années suivantes. Dans le secteur social, les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, précédemment compensées par l’affectation d’une fraction de TVA, font l’objet de transferts budgétaires à partir de 2015.
Puis, les dépassements de crédits sont essentiellement imputables à la mission Défense : ils ont représenté 317 M€, correspondant pour plus de la moitié à des dépenses qui pouvaient être anticipée.
Ensuite, le surcoût par rapport à la LFI est également dû, à une sous budgétisation du glissement vieillesse technicité (GVT) au ministère de l’éducation nationale.
En outre, le rapport ajoute que des lacunes persistent en ce qui concerne la représentativité financière des indicateurs. Dans certaines missions, les indicateurs rendent mal compte des masses de crédits les plus significatives mais illustrent des politiques faiblement consommatrices de crédits.
Par ailleurs, l’utilisation de manière abusive de certaines exceptions prévues par la LOLF au principe d’universalité continuent d’exister. Un budget annexe et certains comptes spéciaux se voient imputer des dépenses non conformes à leur objet. Certains fonds de concours sont alimentés par des prélèvements obligatoires. La comptabilité analytique et les revues de dépenses ne jouent pour l’instant qu’un rôle mineur dans la démarche de performance et la recherche d‘économies
Enfin, la Cour des comptes vient préciser que le CICE a conduit à une accumulation de droits à remboursement et à déduction d’IS par les entreprises. La compensation de la montée en charge du Pacte de responsabilité et de solidarité devra aussi être assurée dans la durée.
Les nouvelles recommandations de la Cour
La Cour des comptes est venue apporter de nouvelles recommandations s’agissant de la norme globale, de la norme de gestion et du suivi de cette norme :
– S’agissant de la norme globale (ancienne norme « en volume »), ajuster son périmètre en incluant au sein de cette dernière, au-delà des éléments de la norme de gestion, la charge de la dette, les contributions de l’État et des opérateurs au CAS Pensions, les crédits d’impôts d’État et le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne.
– s’agissant de la norme de gestion (ancienne norme « en valeur »), ajuster son périmètre sur celui des dépenses maîtrisables annuellement par l’administration en retirant le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne et en intégrant les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux, les décaissements des PIA, les dépenses des comptes d’affectation spéciale (hors pensions et opérations financières), la totalité des impôts et taxes affectées aux administrations publiques hors collectivités territoriales et leurs groupements et organismes de sécurité sociale, sans en soustraire les prélèvements effectués par l’État sur les fonds de roulement de ces organismes
– Mettre en place un dispositif de suivi infra-annuel de la norme en rendant publique une prévision d’exécution de celle-ci à trois reprises en cours de gestion (présentation du programme de stabilité, débat d’orientation budgétaire et présentation du PLF de l’année suivante)