Rappel des règles protectrices contre le licenciement d’une salariée enceinte

Cet article a éte intialement publié sur le site du syndicat CFDT.

La salariée enceinte est protégée contre le licenciement avant et même au-delà du congé maternité. Peu importe que la grossesse soit révélée après le licenciement. Faisons le point sur les contours de cette protection, les sanctions applicables et les dernières jurisprudence de la Cour de cassation en la matière.  

  • Une protection relative ou absolue selon la situation de la salariée

– Cas où l’employeur a connaissance de la grossesse et notifie le licenciement: 

L’article L. 1225-4 du Code du travail prévoit une protection spéciale de la salariée enceinte contre le licenciement qui couvre toute sa grossesse, la durée du congé maternité et jusqu’à quatre semaines après son retour de congé maternité. Encore faut-il que pour bénéficier de cette protection, l’employeur ait connaissance de l’état de grossesse de la salariée. Pour cela, elle doit envoyer un certificat médical par lettre recommandée avec avis de réception. L’information de l’employeur est réputée effective au jour de l’expédition du certificat, quelle que soit la date de réception (1).La salariée enceinte n’a toutefois aucune obligation de prévenir son employeur de son état de grossesse. Toutefois, elle ne pourra pas bénéficier de la protection. 

Durant la période du congé maternité, la protection est dite « absolue ». C’est à dire que toute prise d’effet ou notification de la rupture, et même la mise en œuvre de mesures préparatoires à une telle décision sont interdites et ce quel que soit le motif du licenciement. 

Durant la période pré et post congé maternité, la protection est dite « relative ». C’est à dire que l’interdiction de licencier n’est pas absolue, elle est admise en cas de licenciement pour faute grave de l’intéressé non liée avec son état de grossesse (2)ou encore en raison de l’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant (3). Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve des motifs de licenciement. 

La protection suivant le congé maternité (les 4 semaines) est reportée au moment de la reprise du travail en cas de congés payés pris immédiatement après le congé maternité (4). Ce report n’a toutefois pas lieu en cas d’arrêt de travail à la suite du congé maternité (5). 

– Cas où l’employeur n’a pas connaissance de la grossesse et notifie le licenciement: 

Si l’employeur a connaissance de la grossesse postérieurement au licenciement, la salariée peut bénéficier de la protection. Elle doit pour cela, envoyer à l’employeur dans un délai de 15 jours à compter de la notification du licenciement un certificat médical attestant de son état. Le licenciement est alors annulé, sauf s’il est prononcé pour une faute grave non liée à l’état de grossesse ou par impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant (6). 

Un arrêt de la Cour de cassation a élargi le champ de la protection de la femme enceinte contre le licenciement. Elle l’étend désormais à une femme qui apprend qu’elle est enceinte après avoir été licenciée, à la condition toutefois qu’elle puisse justifier de son état de grossesse dans le délai de 15 jours (7). 

  • Nullité du licenciement en cas de non respect des dispositions protectrices

En cas de manquement de l’employeur aux dispositions protectrices dont bénéficie la salariée enceinte, le licenciement est nul de plein droit. La salariée peut alors être réintégrée de plein droit si elle en fait la demande (dans son ancien emploi ou à défaut dans un emploi équivalent) (8) ou alors réclamer des indemnités. 

En cas de non demande de réintégration, la salariée peut réclamer des indemnités de rupture (indemnités de licenciement, de préavis…), des dommages et intérêts réparant intégralement le préjudice subi résultant du caractère illicite du licenciement (montant au moins égale aux 6 derniers mois de salaires) ou encore les salaires que la salariée aurait dû percevoir jusqu’à la fin de sa période de protection (soit 4 semaines après le retour du congé maternité) (9). 

Si la salariée demande sa réintégration, elle peut alors réclamer le paiement d’une somme correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre la rupture et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont elle a été privée. 

Dans l’hypothèse où l’employeur est informé de la grossesse de la salariée dans les 15 jours à compter de la notification du licenciement, la réintégration de celle-ci est alors obligatoire.L’employeur doit la réintégrer sans délai même si la salariée a saisi la justice afin d’obtenir l’annulation du licenciement et l’octroi de dommages et intérêts (10). La salariée quant à elle ne peut pas refuser la réintégration au bénéfice des indemnités. A défaut, la rupture du contrat de travail pourra lui être imputable (11) Toutefois, dans le cas où l’employeur tarde à réintégrer la salariée, elle pourra alors refuser la réintégration au profit des dommages et intérêts.  

Un arrêt récent de la Cour de cassation(Cass.soc.15.12.15, n°14-10522) vient de rappeler que dans cette hypothèse, la réintégration doit se faire dès la connaissance de l’employeur de l’état de grossesse, peu importe que la proposition de réintégration ait lieu avant la fin du délai de préavis. Dans cette affaire, il s’agit d’une salariée qui a été licenciée pour motif économique. L’employeur ne sachant pas qu’elle était enceinte, la salariée l’informe dans le délai de 15 jours et demande sa réintégration. L’employeur lui notifie sa réintégration 1 mois et demi après sa demande alors qu’elle venait de saisir le Conseil de prud’homme afin d’obtenir l’indemnisation pour licenciement nul. L’arrêt rappelle que c’est aux juges du fond d’apprécier souverainement si la réintégration est tardive ou non. En la matière, la jurisprudence est constante. La réintégration doit se faire sans délai, c’est-à-dire dès que l’employeur a connaissance de la grossesse dans le délai de 15 jours après la notification du licenciement. A déjà été reconnu le caractère tardif de la réintégration effectuée près d’un mois après la notification du licenciement(12). En l’espèce, pour échapper au caractère tardif de l’offre de réintégration, l’employeur avait fait jouer le fait que la salariée était en période de préavis de licenciement et donc elle continuait à percevoir ses salaires. Les juges du fond, ainsi que la Cour de cassation, ne l’ont pas entendu de la sorte en jugeant que la réintégration doit se faire sans délai, peu importe que la salariée soit au moment de la demande de réintégration encore en période de préavis de licenciement. C’est donc dès réception du certificat de grossesse que l’employeur doit annuler le licenciement et réintégrer la salariée. Concernant les indemnités, la réintégration tardive étant reconnue, la salariée était donc en droit de réclamer des indemnités et de refuser la réintégration. Elle peut donc notamment percevoir les salaires qu’elle aurait dû percevoir jusqu’à la fin de sa protection et non uniquement jusqu’à la demande de réintégration faite par l’employeur. Il s’agit d’une pure application de l’article L. 1225-71 du Code du travail.  

Par cet arrêt, la Cour de cassation fait un simple rappel de sa jurisprudence antérieure. La publication de l’arrêt s’explique sans doute par la volonté de la Haute juridiction de mettre en garde l’employeur des risques qu’il prend à réintégrer tardivement la salariée qui lui révèle sa grossesse. En l’espèce, l’employeur a été condamné à plus de 33 000 euros. 

Un autre arrêt récent vient de préciser que l’absence de visite de reprise n’a pas pour effet de différer la période de protection(13). 

 

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