Quelles sont les caractéristiques de la CCN de l’aide à domicile ?

Au sein du secteur des “services à la personne”, qui fait travailler près de 1,8 millions de salariés en France, la branche de l’aide à domicile bénéficie depuis le 1er janvier 2012 d’une convention collective unique (IDCC 2941). La première difficulté consiste néanmoins à appréhender son champ d’application. 

 

Les services à la personne : trois conventions collectives potentiellement applicables

Les services à la personne, dont le point commun est l’exercice d’une activité au domicile d’un particulier, s’articulent autour de trois branches distinctes. Le champ d’application de la convention collective de « l’aide à domicile » peut donc être affiné par élimination. Tout d’abord, elle ne concerne pas les particuliers qui emploient à leur domicile du personnel “de maison”, pour effectuer des tâches ménagères, ou bien encore de jardinage, garde d’enfants … Ce personnel relèvera de la Convention Collective du particulier employeur (IDCC 2111). Le rapprochement envisagé dans les années 90 n’a pas eu lieu, du fait notamment des différences de statut juridique des employeurs. 

La difficulté est qu’un salarié travaillant pour le compte d’un particulier (baby-sitter, par exemple) ne relève pas nécessairement de la convention du particulier employeur. En effet, ce particulier peut avoir recours à un organisme prestataire qui lui fournit du personnel : il n’est pas directement l’employeur. Dans ce cas, le salarié relèvera soit de la Convention Collective de l’aide à domicile, soit de la Convention Collective nationale des entreprises de services à la personne (IDCC 3127). 

La distinction se fera selon le but lucratif ou non de la structure employeur : en clair, est-ce que l’objectif principal de l’organisme est la réalisation de bénéfices ? Il faudra donc se pencher sur ses statuts. Ainsi, la convention collective des entreprises de services à la personne s’appliquera « aux salariés des entreprises à but lucratif […], à l’exclusion des associations », qui réalisent des prestations de services “du quotidien” pour les particuliers, à leur domicile (ménage, soutien scolaire, préparation de repas …). On y intègre également des activités dans le prolongement d’une activité à domicile (faire les courses, par exemple). 

En écartant les particuliers-employeurs et les entreprises à but lucratif, notre champ d’application se resserre nettement. L’article 1er de la Convention Collective de l’aide à domicile rappelle ainsi qu’elle s’applique « à l’ensemble des entreprises et organismes employeurs privés à but non lucratif » dont l’activité principale est d’assurer aux personnes physiques des soins, aides, services, interventions ou accompagnements à leur domicile ou à proximité. Elle s’applique donc uniquement au secteur associatif (on visera les associations, les fondations, les réseaux de santé …): ayant été étendue, peu importe par contre que les associations aient adhéré ou non à une fédération employeur signataire du texte. Si l’article 1er précise également les codes NAF visés (853J, 853K, 851G), ce n’est qu’à titre indicatif (il ne s’agit que d’une présomption : on s’appuiera toujours sur l’activité principale de l’organisme, qui peut donc démontrer le contraire). 

Notons que des cas particuliers doivent être traités à part, dont les SSIAD (services de soins infirmiers à domicile). Depuis 2005, seuls ceux dont l’activité principale est le soin infirmier à domicile et qui ont adhéré à la FEHAP sont exclus du champ de la convention collective de l’aide à domicile. 

Finalement, en s’appuyant sur des caractéristiques communes (le domicile du particulier comme lieu de travail, par exemple), et au regard de la volonté de réduire considérablement le nombre de branches, on pourrait parvenir à terme à une convention collective unique commune aux prestataires de services à la personne (entreprises et associations). Cela réduirait notamment les risques de dumping social. Mais le secteur associatif n’y semble pas favorable. 

 

Les particularités de la Convention Collective de l’aide à domicile

Parmi les dispositions à retenir, on soulignera le régime dérogatoire en matière d’élection des délégués du personnel. Si en principe, cette obligation ne pèse que sur les entreprises de onze salariés et plus, l’article 26 abaisse ce seuil à sept salariés, dès lors que deux d’entre eux demandent par écrit l’organisation d’élections ! Par ailleurs, l’ensemble des salariés de la branche disposent d’un crédit de six heures par an (rémunérées), dédié à l’exercice de leur droit d’expression. Les modalités d’exercice de ce droit doivent évidemment faire l’objet d’une négociation avec l’employeur. 

La convention “aide à domicile” organise également la reprise totale d’ancienneté au moment de l’embauche, lorsque le salarié est issu d’une entreprise assujettie à cette même convention (art. 17). Cela peut être utile pour le calcul du coefficient d’embauche. 

En matière de congés payés, le régime est plutôt favorable aux salariés puisqu’ils bénéficient d’un jour de congé d’ancienneté par tranche de 5 ans de présence, plafonnés à cinq jours ouvrés (art. 24.4). Ils obtiennent également un jour de « fractionnement » supplémentaire par rapport à la loi s’il leur reste au moins six jours de congés (en dehors de la 5ème de semaine) au 1er novembre. La convention collective est venue fixer un calendrier précis pour les demandes de congés. S’agissant du congé principal, les salariés doivent effectuer leur demande au plus tard le 28 février. L’employeur fixera l’ordre des départs avant le 31 mars. Hors congé principal, la demande doit intervenir au moins six semaines avant, et l’employeur devra ensuite répondre un mois avant le départ. 

S’agissant parfois d’actes essentiels de la vie courante, le travail les dimanches et jours fériés est un thème essentiel. Il donnera lieu (hors 1er mai) soit à une majoration de salaire de 45%, soit à un repos compensateur de 45% du temps travaillé, à prendre dans les deux mois. La subtilité est que le salarié peut refuser, deux fois par an, de travailler un dimanche ou un jour férié sans que cela ne constitue une faute ou un motif de licenciement (art. 20), peu importe ce qui a été prévu dans son contrat de travail … 

En ce qui concerne l’aménagement du temps de travail, les plannings d’intervention doivent être communiqués mensuellement, au moins sept jours avant leur début d’exécution (art. 37). Le délai de prévenance pour modifier les horaires de travail est réduit à quatre jours, mais le salarié peut refuser une modification notifiée dans un délai inférieur à sept jours sans que cela ne constitue une faute (4 fois par an). Par contre, ce délai de quatre jours est paralysé en cas d’urgence, par exemple pour remplacer un collègue malade afin d’assurer un acte essentiel de la vie courante. Les salariés qui s’engagent à accepter par avance ces interventions d’urgence bénéficieront d’un jour de congé supplémentaire par an (et peuvent, en plus, en refuser jusqu’à quatre par an !). 

Afin d’éviter le paiement des heures supplémentaires, la convention collective permet par ailleurs de conserver une durée de travail hebdomadaire supérieure à 35 heures, en contrepartie de l’octroi de jours de repos (par exemple, 23 jours ouvrés par an pour 39 heures). A noter que l’accord de branche du 30 mars 2006 continue de s’appliquer et permet aux associations la mise en place d’une modulation sur l’année civile (pour les temps pleins comme les temps partiels) : elles peuvent ainsi faire varier les horaires hebdomadaires de travail (entre 28 et 40 heures pour un temps plein) afin d’aboutir à un horaire contractuel moyen de 35 heures. La rémunération au forfait (en heures ou en jours) est également prévue à destination des cadres par les articles 63 et suivants

Pour les temps partiels, le nombre d’heures complémentaires peut atteindre le tiers de la durée mensuelle ou hebdomadaire du contrat (art. 41), alors que la limite légale n’est que de 10%. Là encore, en contrepartie, le salarié pourra refuser d’en accomplir deux fois par an, sans être inquiété. 

En cas de maladie, tout salarié ayant au moins six mois d’ancienneté bénéficiera d’un maintien de salaire pendant 60 jours (après application d’un délai de carence de 3 jours, sauf en AT-MP), calculés sur douze mois consécutifs (cela passe à 90 jours si le salarié a plus de 20 ans d’ancienneté). Plus largement, la convention met en place un régime de prévoyance obligatoire (garanties incapacité temporaire / invalidité / décès / rente éducation) auprès d’organismes recommandés, ainsi qu’une complémentaire santé. 

Enfin, en cas de rupture du contrat de travail, l’indemnité conventionnelle de licenciement n’est pas plus favorable que la loi. Seule l’indemnité de départ volontaire à la retraite est légèrement plus élevée (par exemple, le salarié qui a dix ans d’ancienneté bénéficie d’un mois de salaire, au lieu d’un-demi mois). 

Destinée aux salariés du secteur associatif, la Convention Collective de l’aide à domicile (IDCC 2941) s’avère ainsi relativement souple pour ces structures (ce qui est indispensable pour ce type d’activités), mais également pour les salariés qui conservent la faculté de refuser certaines contraintes horaires. 

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