Que retenir du travail de la mission d’information sur le paritarisme ?

La mission sur le paritarisme a tenu deux réunions les 8 et 22 octobre 2015. Les prochaines auditions devraient se tenir le 18 et le 19 novembre. L’objectif de la mission d’information est d’évaluer, si cela est toutefois possible, l’intérêt du paritarisme ainsi que son sens et son rôle, vaste programme ! Voici un petit récapitulatif des principales interventions lors des deux premières réunions. 

 

Le point de la Direction générale du travail sur le paritarisme

M. Jean-Henri Pyronnet, sous-directeur des relations individuelles et collectives du travail à la direction générale du travail, a été le premier auditionné. Il a commencé par donner quelques informations utiles : une dizaine d’accords nationaux interprofessionnels sont signés chaque année. Entre 950 et 1 000 accords de branche sont conclus par an. Les branches sont aujourd’hui au nombre de 750 et toutes les branches ne négocient pas : les accords sont le fait d’à peine 150 branches chaque année. C’est la raison pour laquelle une restructuration du secteur est en cours. 

Il affirme que le succès de la négociation collective tient au paritarisme de gestion mais aussi à l’intervention du législateur : “Celui-ci invite régulièrement les partenaires sociaux à négocier avec plus ou moins de « carotte » ou de « bâton »” d’après lui. 

 

L’état du paysage conventionnel français

M. Pyronnet rappelle que les commissions mixtes paritaires ont pour objectif de réunir les partenaires sociaux sans intermédiation de l’Etat. Il y en aurait 90 aujourd’hui. 

Un processus de restructuration des branches a été entamé : 179 branches sont concernées. Mais en octobre 2015, seulement 37 branches avaient été examinées. M. Pyronnet explique cette lenteur par le respect de la volonté des partenaires sociaux qui expriment leurs inquiétudes. Les organisations syndicales “craignent que le rapprochement avec d’autres branches ne conduise à un alignement par le bas”. Les organisations patronales “redoutent de perdre la maîtrise de la régulation économique que leur confère l’existence de la branche et d’être avalées par des opérateurs plus importants”. 

 

Comment est financé le paritarisme

M. Pyronnet explique que le paritarisme est financé de 3 manières : 

– par la formation professionnelle : le « préciput OPCA » – un prélèvement de 0,75 % sur la collecte des organismes paritaires collecteurs agréés – et de lui substituer une contribution des entreprises de 0,016 % de la masse salariale totale du secteur privé, recouvrée par les URSSAF et versée au fonds paritaire de financement. Cela représente 73 millions d’euros. 

– par une subvention de 29,6 millions d’euros de l’Etat allouée aux organisations syndicales pour la formation des militants par des organismes agréés par le ministère chargé du travail. 

– par l’attribution, par l’Etat, de 3 millions d’euros aux organisations professionnelles et syndicales pour assurer la rétribution de leur participation à l’élaboration des politiques publiques. 

 

L’impact de la loi du 4 mai 2004

M. Pyronnet explique que “la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social a ouvert la possibilité pour l’accord d’entreprise de contenir des clauses moins favorables que l’accord de branche en fixant deux limites : d’une part, quatre domaines sont exclus, à savoir les classifications, les salaires minimaux, la mutualisation de la formation professionnelle, la prévoyance ; d’autre part, la branche ne doit pas s’y opposer en interdisant à l’accord d’entreprise de contenir des dispositions différentes”. Il précise que le “rapport récemment remis par Jean-Denis Combrexelle propose, dans le champ des accords relatifs aux conditions de travail, à l’emploi et aux salaires, de poser le principe général de la loi de 2004 comme étant la règle de droit commun, en maintenant la possibilité pour la branche de verrouiller”. 

 

Le paritarisme comme moyen de communication entre partenaires sociaux

M. Henri Rouilleault, ancien conseiller du Premier ministre et ancien directeur général de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, a été entendu le 22 octobre 2015. Il a apporté plusieurs éléments d’information sur la définition et l’utilité du paritarisme. 

Selon lui, “le paritarisme et les sujets qui s’y rattachent relèvent du droit du travail, lequel a une spécificité, par rapport au droit commun des contrats. En effet, la relation entre l’employeur et le salarié a pour particularité d’être inégale. Historiquement, c’est à la loi et à la négociation collective qu’il revient de corriger cette inégalité, dans des proportions et selon des méthodes qui peuvent varier d’un pays à l’autre. De ce point de vue, le contrat de travail ne peut être considéré comme un simple contrat élaboré entre deux parties”. 

M. Rouilleault part du constat que “notre système de relations professionnelles est entré dans une période de vaste mutation”. Selon lui, 3 objectifs doivent être poursuivis : “rendre le droit du travail plus lisible pour les différents acteurs, plus efficace pour les entreprises, ce qui implique qu’il prenne mieux en compte la diversité des situations de travail, tout en restant aussi protecteur pour les salariés”. 

Pour M. Rouilleault, le paritarisme oblige les partenaires à s’interroger sur les “contraintes et les marges de manoeuvre de chacun”. Se rapportant au projet du Gouvernement de réformer le Code du travail, il avance que “en voulant simplifier le droit du travail et accroître le rôle de la négociation collective, nous poursuivons deux objectifs pour partie compatibles mais pour partie contradictoires, car le droit conventionnel peut lui aussi être d’une extrême complexité. La lisibilité du droit est un objectif à valeur constitutionnelle, et tout doit être fait pour que salariés et petits patrons ne s’égarent pas dans un maquis de règles et sachent identifier le droit applicable”. 

 

La distinction entre le vrai et le faux paritarisme

Le professeur Freyssinet, professeur à l’Université de Paris I et président du conseil scientifique du Centre d’études sur l’emploi, entre dans le vif du sujet en présentant la distinction entre le “vrai paritarisme” et le “pseudo-paritarisme”. 

Selon lui, le paritarisme véritable ne concerne que les institutions créées par la négociation collective : les régimes nationaux de retraites complémentaires, l’assurance chômage, les fonds de formation professionnelle continue, ou encore l’APEC ainsi que d’autres instances au niveau des branches professionnelles. 

En revanche, il précise que le paritarisme au sens large va couvrir les instances de gestion de la sécurité sociale par exemple, alors qu’elles ont été créées par l’Etat. 

Il fait état des critiques dont fait objet le paritarisme du fait de l’opacité récurrente de sa gestion et de son rôle dans le financement des organisations patronales et syndicales. 

M. Freyssinet souligne l’extrême difficulté de conduire un débat d’ensemble sur le paritarisme alors que chacune de ses composantes est confrontée à des problèmes très différents. En effet, retraites complémentaires, assurance chômage et formation professionnelle continue ne répondent pas aux mêmes exigences de gestion ou aux mêmes enjeux. 

Il affirme finalement que la stratégie à long terme des acteurs du paritarisme est la survie des institutions : mais il rappelle que les stratégies sont très contrastées selon les acteurs. 

L’avenir du paritarisme en danger selon Jean-François Herlem

Le groupe de travail dont font partie Jean-Paul Guillot, président de Réalités du dialogue social (RDS), Mme Lydia Zumelli-Brovelli et M. Jean-François Herlem a créé le Dictionnaire des instances d’exercice des mandats, ou DIEM. Il a été mis en ligne en 2010. 

Le développement du DIEM s’est accompagné du développement du Mandascop qui recense 31 mandats types qui ont été validés par l’ensemble des partenaires du projet. 

Mme Zumelli-Brovelli affirme que les organisations salariales et patronales éprouvent les plus grandes difficultés à recenser les lieux dans lesquels elles désignaient des mandataires et qu’aucune ne possédait une liste globale de ces lieux. Le nombre de mandats en France se situerait entre 100 000 et 200 000, ce qui est une fourchette assez large. Le DIEM et le Mandascop sont notamment là pour aider les partenaires sociaux à gérer leurs mandataires mais M. Guillot regrette l’usage limité de ces outils par les premiers concernés : “il faut désormais franchir une nouvelle étape et accepter de remettre en cause le fonctionnement interne des organisations, et notamment l’articulation entre les élus responsables et les personnels permanents”. 

M. Herlem termine l’audition par un constat fatidique : “si rien n’est fait, le paritarisme aura de plus en plus recours soit aux retraités soit aux techniciens des structures patronales ou salariales, avec le risque, dans ce dernier cas, d’une « fonctionnarisation » du système fatalement génératrice de blocages et remettant en cause la nature même du paritarisme”. 

 

L’Unédic sur la défensive concernant le paritarisme

Les responsables de gestion de l’Unédic ont été reçus par la mission d’information : Mme Patricia Ferrand, présidente, M. Jean-François Pilliard, vice-président, M. Vincent Destival, directeur général. 

Mme Ferrand commence par avancer que la mission de l’Unédic est de mettre en œuvre les accords issus de la négociation collective et précise que “l’Unédic, institution paritaire de gestion, n’existerait pas sans la négociation de l’assurance chômage”. 

Elle décrit les modalités d’intervention : 

– L’Unédic intervient en amont, pendant et après la négociation, aussi bien dans la mise en œuvre que dans l’évaluation. 

– L’Unédic intervient également en appui de chacune des organisations qui la composent et prennent part à la négociation. 

– L’Unédic tente d’intervenir en respectant le principe de transparence en matière d’évaluation et de gouvernance. 

 

Conséquences de l’arrêt du Conseil d’Etat

Les partenaires sociaux n’ont pas été jugés compétents en matière de recouvrement d’indus et de périodes d’emploi non déclaré rappelle Mme Ferrand. D’après elle c’est à l’Etat de prendre des décisions. L’Unédic estime que “mille dossiers sont concernés annuellement par un trop-perçu lié à des indemnités prud’homales pour des ex-salariés issus d’entreprises de moins de onze salariés et ayant moins de deux ans d’ancienneté. Ces mille dossiers représentent un peu moins de 4 millions d’euros de trop-perçu”. 

Le Conseil d’Etat a annulé l’agrément avec effet au 1er mars 2016 : Mme Ferrand estime que c’est aux négociateurs de décider quoi faire. Toutefois, le dossier est marginal selon elle car “4 millions d’euros, au regard des 34 milliards collectés, cela ne remet pas en cause l’équilibre financier de la convention d’assurance chômage”. 

 

Situation économique de l’assurance chômage

D’après les dernières prévisions, le chômage pourrait commencer à baisser en 2016 ce qui aurait des conséquences financières pour l’Unédic. Pour M. Destival, 2016 devrait “permettre d’engager une réduction du déficit de l’assurance chômage. Le déficit atteindrait un plafond en 2015 autour de 4,4 milliards d’euros et baisserait à 3,6 milliards en 2016”. Il affirme que le coût de la dette est bien maîtrisé puisqu’il ne représente qu’environ 1% des recettes de l’assurance chômage. 

 

L’action de l’Unédic auprès de Pôle emploi

M. Pilliard rappelle que pendant de longues années “les partenaires sociaux n’ont eu droit qu’à un strapontin au sein du conseil d’administration de Pôle emploi”. Mais il note que depuis peu, une volonté d’associer davantage les parties prenantes est palpable. 

Il affirme que “les cotisations des salariés et des employeurs représentent les deux tiers du budget [de fonctionnement] de Pôle emploi”. Ces cotisations représentent 3 milliards d’euros pour un budget total de 5 milliards. 

 

Le paritarisme et l’Unédic

Lors des discussions autour de l’Unédic, M. Gille, l’un des rares membres de la commission à s’exprimer, soulève un “paradoxe” (selon lui) : “la France est le seul pays de l’Union européenne ou, à tout le moins, de la zone euro où la gestion de l’assurance chômage relève du paritarisme ; dans les autres pays européens, elle relève soit de systèmes étatiques, soit des syndicats de salariés uniquement”. 

M. Pilliard avoue que “depuis 2008, l’exigence est devenue beaucoup plus grande et […] [l’Unédic est confrontée] à un dilemme […] faire des arbitrages constants entre notre mission de solidarité – permettre à des personnes qui ont perdu leur travail de vivre décemment et de revenir vers l’emploi – et la nécessité de prendre en compte les contraintes financières”. 

Il affirme que l’Unédic a cherché à moderniser le paritarisme : un travail important a été mené tant sur la gouvernance, “avec le développement de l’audit, ainsi que la création d’un comité de nomination et d’un comité des rémunérations”, que sur la transparence, avec la publication des “travaux, notamment des comptes rendus des réunions du bureau”. 

M. Pilliard pose deux axes possibles d’amélioration : 

– le premier est le processus de désignation des mandataires par les organisations patronales et syndicales, de leur formation et de la manière dont ils rendent compte de leur mission. 

– le second concerne le rôle de réflexion et d’influence de l’Unédic qui doit être enrichi. 

 

 

 

Cet article a été initialement publié sur le site Décider et Entreprendre

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