Présidentielle : les travailleurs suivront-ils la loi des retraités et des cadres sup’ de la “gauche” et des syndicats ?

Aucune surprise n’a donc finalement eu lieu : dans le cadre du second tour de l’élection présidentielle, c’est Marine le Pen, la candidate du Rassemblement National, que le Président sortant Emmanuel Macron va affronter.

L’issue de l’élection dépendra largement de l’attitude des travailleurs : suivront-ils ou non la loi des retraités et des responsables des partis de “gauche” et des syndicats ?

Le vote Macron, un vote de “boomers”

Deux enseignements peuvent être tirés de l’analyse des résultats du vote d’hier. D’une part, il apparaît clair que le socle électoral d’Emmanuel Macron est l’électorat âgé, celui des fameux “boomers” – les Français nés entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et le milieu des années 1960, durant ce qui était alors le “baby boom”. Si l’on en croit ce graphique, proposé par BFMTV à partir d’un sondage réalisé hier, c’est en effet l’électorat âgé de plus de 65 ans qui a permis à Emmanuel Macron d’accéder au 2nd tour de l’élection. Ce graphique tend à indiquer que, sans cet électorat, c’est un duel entre Marine le Pen et Jean-Luc Mélenchon qui aurait eu lieu dans deux semaines.

Ce constat est corroboré par des données produites par le Cevipof, centre de recherche liés à Sciences Po Paris, au sujet de la partition socioprofessionnelle de l’électorat. D’après ces données, seuls les retraités se sont à la fois peu abstenus et ont, en outre, massivement soutenu le Président sortant. Les catégories populaires – ouvriers et employés – lui ont largement préféré Marine le Pen, tandis que les professions intermédiaires et les indépendants ont accordé dans une mesure comparable leur soutien aux trois principaux candidats – à l’exception des agriculteurs, soutenant plus franchement Emmanuel Macron.

La “gauche” des cadres supérieurs contre “l’extrême-droite”

Ce dernier graphique met également en lumière le vote spécifique, au sein du monde du travail, des cadres supérieurs. Leur soutien au Président sortant est net. Il est tentant d’établir un lien entre cette préférence politique des cadres supérieurs d’une part et les consignes de vote données hier soir par les responsables des partis dits de “gauche” d’autre part.

Qu’ils proviennent de la France Insoumise, des Verts ou du Parti Socialiste, ils ont tous, plus ou moins explicitement, appelé à voter en faveur d’Emmanuel Macron au second tour. Du côté des syndicats, si, pour l’heure, seule la CFDT a donné une telle consigne de vote, il y a fort à parier que la plupart des autres centrales va suivre. Des attitudes moins directives sont, certes, envisageables du côté de Force Ouvrière, voire de la CFE-CGC – pour des raisons tenant aux équilibres internes à ces organisations.

A chaque fois, ces consignes de bon vote sont données au nom de la lutte contre “l’extrême-droite”. Afin de “faire barrage à l’extrême-droite”, il s’agit de faire le choix de la “République”, qui serait celui du Président sortant. Quel que soit le degré de sincérité des responsables politiques et syndicaux qui formulent ces motivations d’ordre politique, on ne peut s’empêcher de relever que ces responsables, et pas seulement nationaux d’ailleurs, sont, très souvent, issus de la catégorie sociale de l’encadrement supérieur. Or, rien ne permet, a priori, d’interpréter leur comportement électoral uniquement en fonction de motifs politiques et non pas en fonction de leur ancrage socioprofessionnel.

Les travailleurs, dindons de la farce présidentielle ?

Au contraire même, en réalité, tout invite à interpréter l’attitude politique des hiérarques de la “gauche” politique et syndicale en fonction de leur position sociale. En effet, et c’est là une caractéristique qu’ils ont en commun avec les retraités, cette position est pleinement compatible avec les options politiques d’Emmanuel Macron. Bénéficiant de rémunérations relativement élevées et n’ayant guère de problème d’emploi, cette catégorie de salariés se trouve globalement préservée de l’incertitude du lendemain inhérente à la prospérité du capitalisme financiarisé. Cette proposition vaut également au sujet des retraités. S’il est vrai que leur pouvoir d’achat tend à régresser, encore faut-il préciser que leur avenir est globalement serein : ayant souvent hérité au moment du départ à la retraite, ils sont fréquemment propriétaires de leur logement et ont des pensions d’un niveau relativement correct.

Au contraire de ces catégories sociales, celles, les plus nombreuses, qui rassemblent les travailleurs du pays, n’ont guère à gagner à une réélection d’Emmanuel Macron. Il n’a, en effet, rien caché de son programme social violent pour le prochain quinquennat : report à 65 ans de l’âge de la retraite, non remise en cause des réformes de l’assurance chômage ou de l’allocation logement, retour du passe “sanitaire” et du passe “vaccinale” empêchant de nombreux actifs d’exercer leur activité, hausses notables des tarifs de l’énergie, entre autres joyeux exemples. La question est alors posée de savoir si les travailleurs de France accepteront sans broncher, au nom de la “lutte contre l’extrême-droite”, la casse sociale qui leur est promise en cas de réélection du Président sortant – sans que ceci ne paraisse guère émouvoir leurs porte-parole officiels. De ceci dépendra le résultat final de l’élection.

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