PLFSS 2018 : les complémentaires santé dans le viseur de la République en Marche

Le PLFSS 2018 ayant été adopté en première lecture à l’Assemblée Nationale en début de semaine, il peut désormais s’avérer pertinent de revenir avec un peu de recul sur certains des débats qu’il a suscités. Il est par exemple intéressant de s’arrêter sur la manière dont Olivier Véran, le rapporteur général du texte pour la “République en Marche”, conçoit les complémentaires santé. 

 

Du privé aux ordres de l’Etat

Alors que les députés de “la France Insoumise” dénonçaient vigoureusement la “privatisation” de la santé que constituaient, d’après eux, les nouveaux transferts de prises en charge de dépenses médicales de la Sécurité sociale vers les complémentaires santé, Olivier Véran a voulu rassurer ses collègues en tentant, audacieusement, de les dépasser par leur gauche. Il a en effet tenu à bien réaffirmer que les institutions privées de remboursement des soins de santé sont, in fine, aux ordres de l’Etat : “Idéalement, la participation des complémentaires santé au financement de l’assurance maladie devra être obtenue par voie conventionnelle. Faute d’accord, conformément à ce qu’a prévu le précédent gouvernement, le législateur interviendra pour obtenir ce financement”. 

Afin que tout soit bien clair pour tout le monde, le rapporteur général du PLFSS a même estimé qu’en réalité, les complémentaires santé font partie intégrante de la Sécurité sociale. Selon lui, elles ne sont qu’un “acteur de la Sécurité sociale”. Au cas où certaines complémentaires santé nourriraient d’ailleurs des rêves de grandeur et d’autonomie, M. Véran met en garde : du jour au lendemain, leur existence peut être remise en cause. “Le débat sur la place de chaque acteur de la Sécurité sociale n’est pas clos pour autant. Sur ce sujet, il n’y a pas de tabou. Il faut y réfléchir” a-t-il précisément affirmé. Gare, donc, à ne pas trop tirer sur la laisse ! 

Une gestion dispendieuse

Malgré ses efforts de pédagogie étatiste, Oliver Véran ne semblait pas convaincre les orateurs de “la France Insoumise”, qui rappelaient que la hausse des charges des complémentaires santé allait inévitablement se répercuter sur les primes payées par les assurés. A ce sujet, décidément bien en jambes, Olivier Véran a jugé à plusieurs reprises, en commission et en scéance publique, que la politique tarifaire des complémentaires santé n’était pas tout à fait légitime. 

En commission des affaires sociales, M. Véran avait déjà appelé à une réflexion sur les coûts de gestion des institutions privées de remboursement des frais de santé. “Il faudrait également se pencher sur la question des coûts de gestion, dont je sais qu’elle vous est chère” avait-il, effectivement, lancé à une députée de “la France Insoumise”, sous-entendant que la gauche radicale n’avait pas tort de rappeler régulièrement que la gestion de la Sécurité sociale était bien moins coûteuse que celle des opérateurs privés. 

Ne lâchant pas le morceau, l’éminent député de “la République en Marche” s’est fait plus précis encore en scéance publique. Sans chercher à démontrer la véracité de son propos, il a affirmé que les hausses de cotisations aux complémentaires santé n’étaient pas liées aux tranferts de charges en provenance de la Sécurité sociale – autrement dit, qu’elles résultaient d’un train de vie inadapté. “Quant aux frais des complémentaires santé, nous pourrions ouvrir une discussion à leur sujet. Comme il reste de nombreux amendements à examiner, je préfère ne pas m’y engager. Je rappelle néanmoins que les primes des complémentaires santé évoluent constamment à la hausse depuis plusieurs années, passant de 5,45 milliards d’euros en 2010 à 7,15 milliards d’euros en 2016. Cette évolution constante ne dépend pas, pour l’essentiel, des dispositions de l’article 15 ni même de l’accroissement de la participation des complémentaires santé au financement de l’assurance maladie, qui d’ailleurs tend à stagner, voire à présenter un léger recul. Il ne faut donc pas tout mélanger.” Les principaux intéressés apprécieront le propos à sa juste valeur… 

Une généralisation à revoir

Dans le cadre de cet enchaînement d’amabilités, Olivier Véran a enfin exprimé son avis sur l’enjeu de la généralisation de la complémentaire santé. Rappelant qu’elle s’était réalisée à partir du monde du travail, il a déploré le fait qu’elle laisse de côté un certain nombre d’inactifs. 

“Les accords nationaux interprofessionnels, parce qu’ils ont voulu généraliser l’accès aux complémentaires santé sur la base du travail, ont exclu une partie des étudiants, une partie des retraités et une partie des chômeurs des dispositifs d’assurance complémentaire” a-t-il dit en commission des affaires sociales et répété en scéance publique : “je n’ai pas caché l’embarras suscité par la généralisation de l’accès à une complémentaire santé à laquelle ont procédé les accords nationaux interprofessionnels en excluant de fait les étudiants, les retraités et les chômeurs, qui constituent une part infime mais réelle de la population n’ayant pas accès à une complémentaire santé”. Il en a déduit : “Il faut y travailler”. 

Etant donné le goût de M. Véran pour l’administration étatiste des complémentaires santé, ainsi que son point de vue critique sur leurs coûts de gestion, elles ont bien des raisons de craindre, le cas échéant, l’horizon de la généralisation totale des régimes de remboursement des frais de santé. 

En attendant, c’est avec enthousiasme qu’elles vont pouvoir participer aux négociations relatives à la fin des “restes à charge” en matière de soins optiques et dentaires et d’audioprothèses. 

 

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmarkClose
0 Shares:
Vous pourriez aussi aimer
avocats Kerialis
Lire plus

L’Autorité de la concurrence recommande la création d’un nouvel office d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation

L’Autorité de la concurrence a publié le 16 avril 2025 son cinquième avis sur la liberté d’installation des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation pour la période 2025-2027. Cet avis concerne directement les professions regroupées dans la convention collective nationale des avocats au Conseil d’État et à la...
organismes de formation
Lire plus

Soutien à l’emploi : la Dares note une baisse des dispositifs de solidarité

La Dares, direction statistique du ministère du Travail, a publié son dernier rapport sur les dépenses publiques en faveur de l’emploi et du marché du travail. Un chiffre domine : 190,1 milliards d’euros consacrés à ces politiques en 2023. Une enveloppe importante, équivalente à 6,7 % du PIB. Mais si le budget semble stable à première vue, l’analyse...

La Cipav nomme un administrateur provisoire jusqu’à fin 2025

Un arrêté publié au Journal officiel d'aujourd'hui, nomme Laurent Caussat administrateur provisoire de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (Cipav) jusqu’au 31 décembre 2025. Cette nomination fait suite à la décision du tribunal judiciaire de Paris, en date du 9 janvier 2025, qui a annulé les élections du conseil d’administration de la Cipav organisées entre le 9 et le 24 mai 2024. En l’absence de conseil...

Diot-Siaci enregistre une croissance de 14 % en 2024

Le Groupe Diot-Siaci atteint un chiffre d’affaires brut de 1,03 milliard d’euros en 2024, en hausse de 14 % par rapport à 2023. Hors acquisitions récentes, la progression repose sur une croissance organique soutenue. L’activité réalisée hors de France progresse de 24 % et représente désormais près de...

Abeille Assurances publie des résultats 2024 en nette progression

Abeille Assurances réalise en 2024 un chiffre d’affaires consolidé de 6,9 milliards d’euros, en progression de 4,2 % par rapport à 2023. Le résultat net atteint 79 millions d’euros, contre 53 millions un an plus tôt, soit une hausse de 49 %. Les fonds propres s’élèvent à 2,2 milliards d’euros, tandis que les ratios de solvabilité atteignent 137 % pour l’activité IARD & Santé et 216 % pour Abeille Vie​. ...