Peut-on encore être directeur d’hôpital?

La pression mise sur les budgets dans les hôpitaux publics, ainsi que les réorganisations qui s’y succèdent à un rythme accéléré, rendent le métier de directeur d’hôpital particulièrement ingrat. Une enquête de l’IGAS à Saint-Calais (Sarthe) le démontre une nouvelle fois. 

Directeur d’hôpital, un métier méconnu

Peu de Français savent que le métier de directeur d’hôpital fait l’objet, depuis plusieurs années, d’une véritable professionalisation, largement due à “l’Ecole de Rennes”, étape privilégiée pour devenir directeur d’hôpital. Cette formation, concurrente de celle de l’ENA, est supposée préparer les élèves au dur métier qui les attend, et qui consiste à gérer des super-structures médicales, sans formation scientifique donc sans reconnaissance de la part des redoutables et impitoyables professeurs d’université – praticiens hospitaliers (PU-PH) qui dirigent les services opérationnels. L’affaire du suicide d’un chef de service à l’hôpital Georges Pompidou l’an dernier a montré comment les rapports entre médecins pouvaient atteindre des violences paroxystiques.  

Dans la pratique, et malgré ses inconvénients, le métier de directeur d’hôpital est moins ingrat que celui de directeur de caisse de sécurité sociale: chaque année, plusieurs dizaines de ceux-ci obtiennent un détachement dans les hôpitaux. Le poids de l’école de Rennes dans la formation est donc à modérer.  

La pression de la pénurie

Dans la pratique, le directeur d’hôpital est le grand manitou désigné par le ministre pour gérer la pénurie (ou prétendue telle) de moyens dans les hôpitaux publics. Les grèves à répétion contre la réforme de l’organisation du travail dans les hôpitaux parisiens ont montré toute la difficulté de l’exercice pour ceux qui en ont la charge, même lorsqu’ils sont aguerris comme Martin Hirsch. Ce dernier a fait l’expérience du casse-tête que représente aujourd’hui le statut protecteur de la fonction publique et l’application des 35 heures dans les équipes.  

Et la principale difficulté du métier est bien là: la gestion des ressources humaines exige de sérieuses qualités très contradictoires, pour parvenir à faire travailler tout le monde dans la joie et la bonne humeur, sachant que les personnels bénéficient d’un régime statutaire très favorable. Beaucoup évoquent le stress au travail (chaque semaine, au moins une grève se déclare dans un hôpital public pour protester contre le stress au travail), mais oublient de mentionner le nombre exorbitants d ejours de congé qui leur est attribué. Le premier à devoir gérer ce principe du “beaucoup de stress, mais aussi beaucoup de congés” est le directeur d’hôpital.  

Des injonctions officielles rigides…

Dans le cas de l’hôpital de Saint-Calais, l’exemple de l’impossibilité du métier de directeur d’hôpital est assez emblématique.  

En 2014, la Chambre Régionale des Comptes avait enjoint à la direction de l’hôpital de Saint-Calais d’engager de nouvelles synergies avec les établissements environnants. La Chambre notait alors: 

La coopération avec le CH de Saint-Calais s’est traduite, de longue date, par des mises à disposition de personnels. Toutefois, des pesanteurs sociologiques ont pu contrarier son développement. 

Autrement dit, la direction ménageait trop les personnels et n’accordait pas la part assez belle aux instructions qui lui étaient données. On admirera ici la pression directe exercée par les magistrats financiers sur la gestion interne des hôpitaux, et la capacité des impétrants à ordonner des pressions dont ils ne porteront pas la responsabilité. 

… et paradoxales

Face à cette limpidité des instructions, on ne reprochera donc pas à la direction de l’hôpital de Saint-Calais d’avoir tiré toutes les conséquences du rapport de la Chambre Régionale des Comptes. Assez facilement, cette lecture laisse à penser que les préoccupations individuelles ont trop protégé les salariés dudit hôpital.  

Or, le suicide d’un cadre hospitalier à Saint-Calais, mettant en cause les méthodes managériales lcoales, montre toute la difficulté du métier de directeur. Il n’en fallait pas plus pour que les syndicats locaux s’emparent du dossier et dénonce la brutalité des méthodes employées. 

“Malheureusement, il faut en arriver à un drame pour que les gens qui sont en souffrance ici depuis plusieurs années commencent à s’exprimer. Aujourd’hui, ils parlent de pressions, de harcèlements, de mises au placard. C’est intolérable” 

a déclaré le responsable départemental de la CGT. Le même donne pourtant l’une des explications possibles de ce suicide qui serait liée… à l’application des instructions officielles données à la direction: 

Le 16 juin, il était reçu à son examen avec la note de 17 sur 20. Le 17 juin, son entretien avec la direction du CH s’est très mal passé: il voulait continuer à exercer en Ehpad, alors qu’on lui proposait un service qui connaît de très fortes difficultés, celui des soins de suite longue durée 

Glorieusement, le ministère de la Santé a envoyé l’IGAS sur place pour enquêter. Voilà une façon élégante de soutenir ses directeurs dans la difficulté… 

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