La méthode choisie par le gouvernement pour préparer les ordonnances est un boomerang qui parcourt sereinement sa course pour l’instant. Les syndicats sont conviés à des réunions bilatérales “conclusives” où seulement 75% du texte final de 150 pages qui constitueront les ordonnances leur est communiqué visuellement. Ils disposent chacun d’une heure trente pour en prendre connaissance et pour en discuter. On mesure l’hypocrisie du dispositif, et la violence du boomerang lorsqu’il reviendra dans la figure du gouvernement. Par exemple le jour où l’ensemble des syndicats contestera le contenu des textes, en expliquant qu’il n’y a pas eu de concertation sérieuse.
Le deal des ordonnances sur le licenciement
Progressivement, une quasi-certitude prend forme: les ordonnances poseront un deal sur le licenciement. En échange d’une barémisation des indemnités en cas de condamnation aux prudhommes, le gouvernement imposerait un relèvement des indemnités légales de 25%, selon les chiffres qui circulent dans la presse. On notera la stratégie du ballon d’essai pour sentir les réactions des diverses parties prenantes au dossier.
C’est à peu près le seul point sur lequel se dégage une quasi-certitude. Autant dire que la moisson est maigre et que le contenu final des textes semble suspendu à un fil.
Les compétences de branche encore discutées
Pour le reste, tout semble pouvoir basculer de façon imprévisible. En particulier, les compétences des branches demeurent dans un flou artistique.
Selon la CFTC, celles-ci retrouveraient leur pouvoir en matière de définition des cas de CDD. Mais la CFDT ne semble pas avoir entendu la même chose. Elle reproche au gouvernement de vouloir faire basculer la protection sociale dans les accords d’entreprise.
Haro sur la prévoyance d’entreprise
Sur ce dernier sujet, très technique mais très épidermique, le gouvernement est forcément confronté au sac de noeuds habituel qui rend le dossier sensible. La technique de la prévoyance de branche pose en effet de vrais problèmes juridiques, notamment des problèmes constitutionnels.
En revanche, le basculement dans la prévoyance d’entreprise fragilise les organismes de prévoyance paritaire gouvernés par les syndicats… et le discret (mais nourrissant) financement occulte que les organisations syndicales en retirent. On souhaite bon courage au gouvernement pour livrer ses derniers arbitrages sur le sujet.
La négociation sans monopole syndical au centre du jeu?
Pour le gouvernement, créer artificiellement des sujets de négociation avec les syndicats peut être une bonne tactique pour faire avaler des couleuvres. En l’espèce, l’une d’entre elles, demandée avec insistance par la CPME, est susceptible de passer: la négociation d’entreprise sans salarié mandaté par un syndicat.
Cette remise en cause directe du monopole syndical dans les négociations constituera probablement une ligne rouge pour beaucoup d’organisations. Pour la faire admettre, le gouvernement a donc besoin de créer (au besoin artificiellement) des leviers de négociation sur d’autres sujets.
Réponse plus concrète la semaine prochaine, lorsque les textes seront dévoilés.