Contre toute attente, les partenaires sociaux sont parvenus à s’entendre sur un projet d’accord relatif à l’avenir de l’assurance chômage. Abordant les questions de l’indemnisation des démissionnaires et des indépendants, des contrats courts et de la “gouvernance” de l’Unédic, le texte pourrait être signé majoritairement. Une seule condition : que l’exécutif s’engage à respecter l’accord paritaire.
Les contrats courts
Alexandre Saubot aura donc finalement réussi à faire passer le message selon lequel aucun accord national interprofessionnel ne peut contraindre les employeurs à moins recourir aux contrats (très) courts. Le projet d’accord finalisé hier prévoit en effet d’imposer à l’ensemble des branches d’activité de négocier sur cette question avant la fin de l’année, afin, “lorsque cela est possible”, d’établir des “objectifs quantitatifs et qualitatifs” sur les formes d’emploi. Le texte réaffirme par ailleurs qu’en cas de non évolution de la situation sur le recours aux contrats courts, le gouvernement a promis d’instaurer un système de bonus-malus. Avec ces formulations, M. Saubot est allé le plus loin possible dans ce qui était acceptable au sein du patronat.
Les démissionnaires
Le projet d’accord prévoit une indemnisation des démissionnaires identique, dans le montant et la durée, à celles des catégories de chômeurs actuellement indemnisés par l’Unédic. Toutefois, seuls pourraient bénéficier de ce dispositif les démissionnaires qui justifieraient d’une ancienneté “ininterrompue” de sept ans dans l’emploi et qui présenteraient un “projet de reconversion professionnelle”, incluant un plan de formation organisé dans le cadre du futur CPF remodelé.
Au total, ce droit nouveau à l’indemnisation concernerait entre 15 000 et 25 000 démissionnaires – rappelons qu’environ 70 000 démissionnaires sont déjà indemnisés par l’Unédic actuellement, pour un financement s’élevant entre “180 millions et 330 millions d’euros”.
Les indépendants
En ce qui concerne l’indemnisation des indépendants, l’accord est beaucoup moins circonstancié. D’une part, au sujet des “nouveaux travailleurs”, notamment ceux des plate-formes comme Uber, les partenaires sociaux veulent garder la main sur le dossier, promettant de monter un groupe de travail paritaire afin de formuler des propositions d’évolutions réglementaires avant la fin de l’année.
D’autre part, au sujet des indépendants stricto sensu, les négociateurs ont jugé que l’indemnisation pourrait avoir en cas de liquidation judiciaire et, surtout, que le régime d’indemnisation devrait être “public” et “financé par l’impôt” – des compléments privés pouvant être mis en place. Autrement dit, les gestionnaires de l’Unédic estiment que le régime des indépendants ne doit pas être organisé dans le cadre de l’Unédic.
La direction de l’Unédic
Enfin, au chapitre du schéma d’organisation de l’Unédic, les partenaires sociaux ont tenu à bien insister sur le fait qu’ils ne veulent pas d’une étatisation de l’assurance chômage. Ils souhaitent continuer à “définir en toute autonomie les règles d’indemnisation et le niveau de ressources nécessaires” de l’Unédic et avancent même qu’ils partagent l’objectif, à terme, de ne plus avoir besoin de “la garantie financière accordée par l’Etat”. En outre, ils appellent l’exécutif à clarifier ce qui, d’après lui, doit ressortir de la solidarité nationale et de l’assurance chômage en matière de prise en charge des personnes sans emploi.
L’exécutif mis sous pression
Dans l’état actuel des choses, le projet d’accord pourrait être signé par une majorité d’organisations salariales. Pourtant, les représentants des salariés potentiellement signataires, CFDT en tête, ont fait savoir qu’ils ne s’engageraient à signer que si l’exécutif s’engageait lui-même à respecter les termes de l’accord. Il est vrai que peu avant la finalisation de l’accord chômage, Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, a eu la maladresse de faire savoir publiquement qu’elle ne se sentait guère liée par l’accord paritaire sur la formation professionnelle mis en forme pas plus tard que mercredi dernier. En particulier, les syndicats de salariés attendent du Président de la République qu’il maintienne bel et bien sa promesse d’un bonus-malus sur les contrats courts en cas d’échec des négociations dans les branches.
Tenu d’une part par les promesses électorales du candidat Macron sur l’universalisation de l’assurance chômage et la lutte contre la précarité, et d’autre part par des louanges perpétuelles quant aux bienfaits du “dialogue social” entre patronat et syndicats, le gouvernement va-t-il oser remettre en cause le projet d’accord sur l’avenir de l’Unédic afin d’en imposer un plus radical ?