Hier, accompagné d’une dizaine de ministres, le Premier ministre Edouard Philippe recevait à Matignon les représentants d’un certain nombre de “corps intermédiaires” afin d’engager une “mobilisation nationale et territoriale autour de la formation, l’emploi, et des grandes transitions écologique et numérique”.
Les partenaires sociaux ont de nouveau pu observer, à cette occasion, que l’ère Macron n’était décidément pas la leur.
La “mobilisation générale” pour l’emploi et l’écologie
Pour le Premier ministre, après la crise des “gilets jaunes”, l’heure est à la “mobilisation générale” pour l’emploi et la transition écologique. Dans ce cadre, l’exécutif a promis d’inaugurer une “nouvelle méthode” de travail, qui fera la part belle à l’action concertée avec les “corps intermédiaires” : partenaires sociaux, élus locaux et associations diverses et variées. Les représentants de 57 de ces “corps intermédiaires” étaient ainsi présents hier à Matignon.
Pour le Président de la République et son Premier ministre, la “mobilisation nationale et territoriale autour de la formation, l’emploi, et des grandes transitions écologique et numérique” apparaît ainsi comme un bon moyen de faire d’une pierre deux coups : celui de mettre un terme définitif à la crise sociale et politique que traverse la France depuis plus de six mois d’une part et celui de recoller les morceaux avec les “corps intermédiaires”, dont beaucoup de responsables s’estiment marginalisés dans le cadre de la conduite des politiques publiques depuis le début du quinquennat, d’autre part.
La CFDT ravie
Les représentants de certaines organisations salariales modérées ont, certes, salué l’initiative de l’exécutif. “Mon appréciation est simple, la porte est entrouverte et il faut mettre le pied dans la porte pour pousser nos sujets” a ainsi déclaré Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, poursuivant : “objectivement les thèmes qui sont portés sont de bons sujets”. La CFDT était d’autant plus satisfaite de l’opération qu’Edouard Philippe a tenu à ce que l’une des pistes de travail qu’elle défendait, la “rénovation thermique et énergétique des bâtiments”, fût inscrit à l’agenda de la “mobilisation générale”.
Enboîtant le pas cédétiste, Laurent Escure, le secrétaire général de l’Unsa, s’est lui aussi montré enthousiaste vis-à-vis de la démarche gouvernementale : “C’est un bon début car on a le sentiment que l’on va pouvoir s’exprimer sur tous les sujets”.
Les partenaires sociaux, des acteurs parmi d’autres
Ces appréciations positives ne sauraient toutefois masquer le fait que le format de la “mobilisation” mis en oeuvre par l’exécutif est loin de faire la part belle aux représentants du monde du travail. Traditionnellement habitués à être les interlocuteurs de référence de l’Etat en matière sociale, les partenaires sociaux ne sont ici que des acteurs parmi beaucoup d’autres.
François Hommeril, le président de la CFE-CGC, ne s’y est d’ailleurs pas trompé, qualifiant la réunion d’hier de “grand gloubi-boulga de la société civile” et s’estimant “considéré sans aucun égard” par les dirigeants de l’Etat. Le refus de la CGT et de Solidaires de participer à la réunion de lancement de la “mobilisation générale” gouvernementale procède probablement également – entre autres – de ce refus de la relégation de la représentation du monde du travail.
Une “mobilisation” aux perspectives incertaines
Pour les partenaires sociaux, le jeu de la “mobilisation générale” proposé par le gouvernement pourrait d’ailleurs s’avérer risqué.
Ses enjeux paraissent d’abord incertains. Ainsi, le gouvernement ne semble pas vouloir discuter du nerf de la guerre : les salaires. Michel Beaugas, responsable FO chargé des questions d’emploi, a en effet assuré que “l’augmentation des salaires et du pouvoir d’achat” ne faisait pas partie des enjeux évoqués hier. Surtout, le principal sujet financièrement intéressant pour les salariés : la prime mobilité, a déjà donné lieu à des échanges rugueux entre la CFDT et le Medef, Laurent Berger dénonçant la “réaction presque grotesque des organisations patronales qui ont dit qu’elle reviendrait trop cher” tandis que Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, défendait le principe de la négociation non contrainte en entreprise sur ce sujet.
S’engageant dans une nouvelle concertation strictement encadrée par le gouvernement et dont les enjeux ne sont pas nécessairement évidents mais dont certains sont susceptibles de favoriser des brouilles paritaires, les partenaires sociaux ont peut-être plus à y perdre qu’à y gagner.