Personne ne sera étonné de lire que les mesures annoncées mardi 9 juin par l’exécutif et destinées à favoriser l’emploi dans les TPE/PME n’ont pas fait l’unanimité du côté des partenaires sociaux. Dans le détail, les réactions syndicales et patronales interrogent toutefois sur la stratégie d’alliances adoptée par le gouvernement afin de modifier les règles du marché du travail.
Des alliés syndicaux traditionnels plutôt critiques
C’est Force Ouvrière qui a le plus vivement dénoncé le texte de Manuel Valls, inspiré selon elle par une démarche principalement “idéologique” et “libérale”. FO estime que les dix-huit mesures sont à replacer dans un contexte plus général de bienveillance gouvernementale envers le patronat français. La CGT n’a pas encore communiqué officiellement sur le sujet mais a priori, tout porte à penser qu’elle s’exprimera dans des termes semblables à ceux de FO. Que les syndicats contestataires contestent n’a, certes, rien d’illogique…
Les réactions de la CFTC et de la CFDT sont en revanche plus significatives. Par la voix de Joseph Thouvenel, la première a estimé que les annonces gouvernementales sont à la fois inutiles – l’embauche dépendant du climat des affaires – et néfastes pour les salariés – concernant notamment le plafonnement des indemnités de licenciement. Ce dernier principe a également fortement déplu du côté de la CFDT, qui y voit une “grave régression” sociale. La principale centrale réformiste juge par ailleurs inutiles ou insuffisantes la plupart des autres mesures.
Au total, c’est du côté de la CFE-CGC et de l’UNSA que le gouvernement trouve un peu de réconfort. Tout en se disant “interrogative” quant à l’efficacité du plan gouvernemental, la centrale de l’encadrement estime qu’il fournit au patronat des outils à même de développer l’emploi. “C’est au pied du mur que l’on voit le maçon !”. Son de cloche un peu plus optimiste encore chez les responsables de l’UNSA, qui estiment que “la balle est dans le camp des employeurs”. Deux lots de consolation, somme toute assez maigres, pour l’exécutif…
La CGPME ravie, le MEDEF attentif, l’UPA offensive
Au risque de donner raison à Force Ouvrière, le gouvernement doit se tourner vers les organisations patronales s’il veut entendre des expressions de satisfaction. Par le biais de son vice-président Thibault Lanxade, le MEDEF a évoqué des mesures allant “dans le bon sens”. La principale confédération a même osé rappeler qu’elle préconise certaines de ces mesures depuis quelque temps. Néanmois, l’Avenue Bosquet a tenu à critiquer l’incohérence du gouvernement, qui simplifie d’un côté en complexifiant de l’autre – allusion à la loi Rebsamen.
Moins difficile, la CGPME a surtout souligné les “réelles avancées” permises par la loi. La confédération présidée par François Asselin a notamment insisté sur le caractère positif du plafonnement des indemnités en cas de licenciement et sur la flexibilité accrue permise par le recours simplifié aux CDD et à l’intérim. Dans sa lancée, la CGPME s’est crue autorisée à conseiller au gouvernement de lancer des réformes plus “profondes” encore du marché du travail et d’assouplir la loi Rebsamen. En bref, une CGPME plus enthousiaste encore que le MEDEF !
En revanche, le gouvernement a fait chou blanc avec l’UPA. La confédération des artisans et commerçants, pourtant directement concernée par le texte, estime que “le saupoudrage” de Manuel Valls “manque d’ambition”. Tentée de dépasser le MEDEF et surtout la CGPME par leur droite, l’UPA estime que la prime pour l’emploi d’un salarié ne devrait pas se limiter aux nouvelles embauches, que le lissage des effets de seuil ne devrait pas être temporaire et que le maintien d’une durée maximale d’utilisation des CDD ne flexibilise pas le recours à ce contrat.
Quelles perspectives pour le partenariat social ?
Les réactions des organisations salariales et patronales indiquent que le gouvernement a fait le choix de se passer du soutien actif de ses alliés traditionnels – CFTC et surtout CFDT d’un côté, UPA et MEDEF de l’autre. Une alliance assez hétéroclite et inattendue composée de la CGPME, de la CFE-CGC et de l’UNSA a volé au secours de l’exécutif. Dans un contexte économique et social particulièrement tendu, il peut sembler improbable que le gouvernement mise à long terme sur cet attelage à la légitimité limitée.
Incapable de résorber le chômage alors que les élections de 2017 sont déjà dans tous les esprits, l’exécutif est sans doute tenté d’agir dans l’urgence et au coup par coup, négligeant les attentes de ses partenaires traditionnels. La ligne gouvernementale, manquant déjà de clarté entre les orientations libérales impulsées par Bercy et celles plus étatistes impulsées par l’Avenue Duquesne, risquerait d’y perdre définitivement toute ambition de cohérence.