Cette tribune est signée par Marc SALINGUE.
Alors que les dépenses de l’assurance-maladie ne cessent d’augmenter plus vite que l’inflation, la Sécurité Sociale ne cesse de sanctionner ses assurés en réduisant les prestations auxquelles ils ont droit.
Un contrat responsable fût élaboré avec un panier de soins qui limite les remboursements (taxation à plus de 7% pour les contrats non responsables).
Suite au choc économique de 2008, il a été copié sur le modèle Bâle 2 le système Solvabilité 2 avec la constitution de réserves et l’élaboration de crash test pour s’assurer que les adhérents des mutuelles pourront-être garanties dans leurs remboursements. A-t-on conscience dans ce système « Grande Sécu » des spécificités et différences entre une mutuelle, un institut de prévoyance ou une assurance ?
Grande sécu, un contre-sens financier…
La politique du quoi qu’il en coûte sans nouvel impôt s’est heurtée à la réalité économique puisque l’endettement de la Sécurité Sociale est tous les ans intégré dans la CADES (Caisse d’amortissement de la dette sociale) dont l’existence est prolongée de plus de 9 ans (pour commencer). La « Grande Sécurité Sociale » ne pourrait être financée que par une importante augmentation de la CSG/CRDS alors même qu’existe une forte tension sur les rémunérations. Cette perspective bloquerait la reprise économique après deux ans de crise sanitaire. La « Grande Sécurité Sociale » est une opération «one shot » mais comment garantir une pérennité financière sur du long terme ?
D’un point de vue financier, la « Grande Sécurité Sociale » reviendrait à se priver :
- – De la taxe solidarité CSS – 5 milliards d’€
- – Forfait médecin traitant – 300 millions d’€
- – Actions sociales – 200 millions d’€
- – Actions de prévention – 100 millions d’€
- – 20 % de taxe sur les contrats (soit l’équivalent de la TVA mais non récupérable et en plus une taxe sur les salaires)
- – D’un taux de 28% d’impôt sur les sociétés (alors même que les mutuelles ont un statut associatif). Sans compter autres impôts et taxes comme :
- °C3S (impôt sur l’IS à 3,3 % de l’IS)
- °CVAE (contribution sur valeur ajoutée des entreprises)
- °CET (contribution économique territoriale)
- °Impôt foncier
- °IS sur plus-values réalisées et latentes
- °Taxe Covid : 1,5 milliards pour commencer.
Par ailleurs, il convient de se rappeler qu’en 10 ans l’augmentation des taxes et prélèvements obligatoire s’est élevée à 347 %.
En plus de tous ces prélèvements, nous ne pouvons ignorer l’impact social et humain que générerait la mise en œuvre de ce dispositif.
… et un contre sens social
Si l’Etat veut économiser les frais de gestion des mutuelles (dont 50 % des frais de gestion sont dus à la masse salariale), la « Grande Sécurité Sociale » pour économiser ses frais de gestion devra licencier tout le personnel.
En effet, en application des règles actuelles qui imposent une réduction des effectifs de 2,6 % / an au sein de la Sécurité Sociale. Que vont devenir nos collaborateurs :
- – 70 000 collaborateurs directs
- – 30 000 collaborateurs indirects
Soit 100 000 personnes qui payent de l’impôt, qui payent des charges, qui consomment, qui contribuent fortement à l’économie globale, à la reprise économique et son impact sur le secteur marchand.
En conclusion, c’est un impact de manière récurrente sur le montant des cotisations patronales et salariales qui va grever sur plusieurs générations l’économie du pays.
Si les OCAM disparaissent il n’y aura plus de TSA. Le financement de la « Grande Sécurité Sociale » ne pourra se réaliser qu’en augmentant les cotisations des actifs par 3 voire par 4 ainsi qu’en doublant à minima les cotisations des retraités. Qui peut cautionner et valider un tel système ?
Par ailleurs, il est constaté un désengagement constant de la sécurité sociale depuis 10 ans, comment pense-t-elle pouvoir changer son modèle ?
Les réserves financières des mutuelles sont là pour tenir leurs engagements en cas de coups durs. En leur absence, comment faire face aux nouveaux chocs promis sachant que des pandémies de type Covid-19 sont à craindre dans des délais très courts.
Des alternatives à la Grande Sécu existent
Pour le monde de demain, voulons-nous un système capitaliste, communiste ou un modèle d’économie sociale et solidaire, modèle sur lequel se sont construites les mutuelles ? Avec la « Grande Sécurité Sociale » on veut détruire un système qui fonctionne, éventuellement améliorable, pour nous proposer un modèle de l’inconnu et faire un grand saut dans le vide.
Les grandes fusions industrielles, commerciales et administratives ne fonctionnent pas. Parmi les multiples exemples, nous n’avons toujours pas vu les économies promises par les grandes régions.
N’existe-t-il pas un risque de guerre intergénérationnelle ou les jeunes refuseront de payer pour les retraités. Pour de possibles raisons électoralistes, il est bien tentant de vouloir faire payer les actifs pour les retraités ce qui générerait une forte augmentation du coût du travail et des disparitions d’emploi. Or, ce sont les mêmes actifs devenant de futurs retraités qui risqueraient de ne jamais profiter du système de retraite actuel.
Certes, les personnes les plus âgées ont le pouvoir politique mais le pouvoir financier appartient aux plus jeunes. Avant de modifier tout le système, l’ambition politique ne consiste-t-elle pas à régler le désert médical, de travailler sur la prévoyance, d’imaginer la dépendance de demain ?