Loi Macron : patronat du progrès contre patronat des traditions ?

Les réactions suscitées par le projet de loi Macron au sein du patronat français semblent à première vue le départager en deux camps. D’un côté, le MEDEF incarnerait un patronat progressiste et libéral, favorable à l’initiative du ministre de l’Economie. De l’autre, la CGPME et l’UPA représenteraient un patronat traditionnel et corporatiste, beaucoup plus réservé quant à cette initiative. 

Le progressisme affiché par le MEDEF

Le MEDEF ne tarit pas d’éloges à propos du projet de loi Macron. Début décembre, Thibault Lanxade, président du pôle “entrepreneuriat et croissance” de la confédération patronale, s’était réjoui de la “bonne direction” empruntée par le ministre. Retour aux bons sentiments après des mois de tensions entre Pierre Gattaz et l’exécutif. 

“Sur les professions réglementées, il y a un certain nombre de corporatismes qu’il faut faire évoluer” estime-t-il tout d’abord. En somme : non au corporatisme de certains milieux économiques ! D’ailleurs, ces corporatismes peuvent coûter cher aux entrepreneurs, qui ne sont pas les derniers à recourir à la justice et aux actes authentifiés. 

Le responsable du MEDEF salue également la volonté de l’exécutif d’assouplir le Code du Travail, en particulier pour ce qui concerne le travail du soir et du dimanche. En effet, le MEDEF revendique depuis longtemps la libéralisation des règles qui régissent ce travail et ne peut donc que se féliciter de sa mise en oeuvre. 

La satisfaction est telle, du côté de l’Avenue Bosquet, que l’on se permet d’y espérer que le projet de loi ne sera pas substantiellement modifié lors de son passage au Parlement. Le MEDEF craint autant l’attitude de certains membres de la majorité que celle de “certaines zones de corporatisme patronal”. Elle semble bien loin l’époque du patronat de papa (Gattaz)… 

Les vertus de la tradition pour la CGPME et l’UPA

La CGPME et l’UPA considèrent ces positions libérales comme étant aventureuses pour une organisation patronale. La confédération des petites entreprises et celle de l’artisanat émettent un jugement bien plus nuancé à propos du projet de loi. Il faut bien tenir son rôle de patronat corporatiste. 

Les satisfecits d’usage de la CGPME sur l’initiative Macron pèsent bien peu par rapport aux doutes émis. Les “quelques avancées”, comme la distribution facilitée des parts d’entreprise aux salariés ou la suppression du droit d’entrave, ne suffisent pas à contrebalancer le danger que représenterait la libéralisation du travail du soir et du dimanche. 

Les représentants des PME s’accordent avec leurs homogues de l’UPA. Soulignant que la consommation globale n’augmentera pas en ouvrant plus longtemps les grandes surfaces, ils redoutent que ces dernières concentrent toujours plus les actes d’achat, au détriment du petit commerce. Le résultat en termes d’emplois et de vitalité des centres villes serait désastreux. 

En adoptant une attitude bien moins libérale que le MEDEF, la CGPME et l’UPA semblent donc décidées à s’ériger en défenseurs des traditions françaises. Le tourbillon de la liberté ne saurait tout emporter sur son passage : les relations familiales, la vie religieuse ou les loisirs. 

Un jeu de rôles plus ou moins bien tenus

Progressisme contre tradition, l’opposition mérite d’être largement relativisée. Le MEDEF défend la liberté quand elle ne le dérange pas. Le travail du dimanche pénaliserait plutôt le petit commerce, qui est à la CGPME ou à l’UPA. En outre, les professions réglementées relèvent d’une confédération spécifique, l’UNAPL, et ne constituent donc pas, pour lui, une clientèle potentielle. 

En revanche, il se fait plus discret sur des questions qui concernent directement certains de ses adhérents, comme le contrôle des tarifs des péages autoroutiers ou l’épargne salariale. De la même manière, concernant la réforme de la justice prud’hommale, il n’a pas hésité à s’allier avec la CGPME ou l’UPA pour appeler le gouvernement à la plus grande prudence. 

Du côté du petit patronat, comment ne pas s’étonner des positions prises par la CGPME ? Ses deux principales composantes, l’UIMM et la FFB, ne trouvent en effet rien à redire aux prises de position du MEDEF, dont elles sont également deux composantes essentielles… 

Il apparaît en fait que la CGPME est utilisé par certains intérêts patronaux afin de réaffirmer une conception traditionnelle des rapports sociaux. Ceci leur permet ainsi d’aller chasser sur les terres de l’artisanat, sans se désolidariser du MEDEF. 

Le projet de loi Macron permet donc aux différentes organisations patronales de mettre en scène telle ou telle humeur. Une analyse plus attentive de ces humeurs révèle que les verrouillages internes aux patronats demeurent intacts dès qu’il s’agit de défense des intérêts. 

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