Loi Macron et travail du dimanche : quels députés se sont exprimés en commission spéciale

Alors que la loi Macron pour la croissance et l’activité commence à être examinée à l’Assemblée nationale, il est intéressant de revenir sur les députés qui ont défendu leurs amendements devant la commission spéciale

Les interventions ont été nombreuses concernant les mesures relatives au travail du dimanche (articles 71 à 82 du projet de loi). C’est le dimanche 18 janvier 2015 que les discussions ont exceptionnellement eu lieu. 

Les discussions débutent sur des amendements qui précèdent l’article 71 : 

“La Commission examine en discussion commune, les amendements SPE1219 de M. Jean-Yves Caullet et SPE1868 des rapporteurs. 

M. Jean-Yves Caullet. Cet amendement vise à remédier à une situation rappelant la chauve-souris de La Fontaine, qui se faisait passer tantôt pour un oiseau, tantôt pour une souris, en fonction des circonstances. En l’occurrence, les dérogations accordées par nature aux commerces alimentaires le dimanche sont également accordées aux grandes surfaces dites « principalement alimentaires ». D’un côté, les grandes surfaces disent être alimentaires afin de bénéficier du même régime que les petits commerçants ; de l’autre, elles mettent en avant le même motif pour refuser d’accorder des compensations à leurs salariés, ce qui induit une inégalité. Je précise qu’il s’agit d’un amendement d’appel, que je suis disposé à retirer une fois que M. le rapporteur nous aura présenté son amendement portant sur la même question. 

[…] 

M. Francis Vercamer. Je n’ai rien contre l’instauration de contreparties dans les commerces alimentaires d’une certaine taille – qui, la plupart du temps, ne sont pas strictement alimentaires. Cela dit, je ne vois pas ce qui peut justifier une rupture d’égalité entre ces magasins et les autres, par exemple ceux situés dans les PUCE, où les salariés bénéficient d’un doublement de leurs heures travaillées. 

Par ailleurs, nous ne sommes pas dans une économie administrée : ce n’est pas parce qu’il est permis de travailler le dimanche que tous les employeurs vont ouvrir leur magasin le dimanche – en tout état de cause, ils ne le feront pas si ce n’est pas rentable. 

Mme Élisabeth Pochon. Nous avons été particulièrement touchés par l’audition de salariés, souvent des femmes, qui travaillaient dans le secteur alimentaire le dimanche matin. On pourrait penser que, dans des entreprises de cette taille, les syndicats disposent d’un poids suffisant pour faire aboutir des accords satisfaisants. Or, la plupart du temps, le travail du dimanche n’ouvre droit à aucune compensation, ni financière, ni sous la forme d’une journée de repos compensateur à choisir dans la semaine. Sans aller jusqu’à parler d’esclavage, nous étions en présence de situations pénibles et imposées. L’amendement qui nous est soumis vient donc à point nommé pour exprimer notre souhait de voir les salariés de ce secteur être traités comme les autres. Ce n’est pas parce qu’une situation perdure depuis plusieurs années que l’on ne peut y remédier. 

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je souffre vraiment quand j’entends parler, dans des discussions sur le travail le dimanche, d’esclavage ou de personnes « condamnées à travailler ». Cela montre que nous avons en France un rapport compliqué à la notion de travail. Paradoxalement, plus on a encadré le travail au fil des années – le code du travail ne fait que s’alourdir –, plus on a protégé l’emploi, et plus il y a de chômage : nous en sommes à 5 millions de demandeurs d’emploi et de précaires. Prenons conscience que le plus pénible, ce n’est pas de travailler, mais bien de ne pas avoir de travail ou de perdre son emploi. Certains mots employés ici contribuent à adresser un message bien négatif, particulièrement aux jeunes qui peuvent nous écouter. 

Mme Karine Berger. L’amendement soutenu par les rapporteurs et le groupe socialiste me paraît très important pour rétablir l’égalité. Je ne suis pas d’accord avec Francis Vercamer lorsqu’il affirme que la décision d’ouvrir ou non un commerce obéit à un équilibre social et de marché. Dans ma ville de Gap, sitôt qu’une ou deux boutiques décident d’ouvrir durant un des cinq dimanches autorisés par le maire, toutes les autres boutiques s’empressent de faire de même, de peur de se faire prendre du chiffre d’affaires par le voisin. Il n’y a donc pas de décision individuelle en la matière : si vous donnez la liberté d’ouvrir, vous créez inévitablement des phénomènes de chalandise, c’est-à-dire des comportements de nature collective : ce ne sont jamais des boutiques isolées qui ouvrent, mais toutes les boutiques situées dans une zone de chalandise donnée. C’est l’une des raisons qui justificie l’amendement du groupe socialiste rétablissant l’égalité, et qui va dans le bon sens économique et social. 

[…] 

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Le texte sur lequel nous travaillons ce matin ne touche pas aux dérogations dont bénéficie le commerce alimentaire. Les magasins à dominante alimentaire pourront continuer d’ouvrir le dimanche dans le cadre actuel. Il nous est toutefois paru nécessaire de revenir sur la question des compensations, dont la plupart des salariés ne bénéficient pas. Je tiens à saluer la volonté du ministre d’aboutir avec nous à une solution d’ici à la séance publique, car il s’agit d’un véritable problème de justice sociale qui concerne un grand nombre de salariés. Je retire également mon amendement. 

Les amendements SPE1219 et SPE1868 sont retirés.” 

 

Les débats se portent ensuite sur l’article 71 : 

Article 71 : Fixation à trois ans de la durée de l’autorisation dérogatoire individuelle ou sectorielle d’ouverture dominicale 

La Commission examine les amendements identiques SPE103 de M. Gérard Cherpion et SPE431 de M. Patrick Hetzel, qui tendent à supprimer l’article. 

M. Jean-Frédéric Poisson. La loi Mallié, c’est vrai, n’est pas parfaite : j’ai même sans doute été plus sévère que vous hier au soir à son sujet. Je pense en revanche que ceux qui soutiennent que cette loi a, non pas créé des droits, mais produit des injustices, ne l’ont pas lue avec précision. Je vous rappelle en effet que son premier article dispose que chaque salarié qui travaille le dimanche a droit à une rémunération double et à un repos compensateur équivalent, dans les PUCE comme dans les zones touristiques. 

En revanche, ce que n’a pas traité la loi, c’est effectivement la question du commerce de détail. Monsieur le ministre, je vous souhaite bon courage pour trouver une solution équilibrée, qui ne mette personne en difficulté : nous n’avons pas réussi. Sans doute n’étions-nous pas mus par la force du progrès autant que vous l’êtes, par définition et par posture ! 

[…] 

Je le répète : aucune mesure salariale ne viendra compenser la perte, en termes de richesse humaine, engendrée par le travail du dimanche. Telle est ma clé d’entrée dans ce débat depuis bientôt sept ans. Il est bien de penser au consommateur et à l’activité, à condition, toutefois, de ne pas oublier ceux qui seront contraints, même contre une compensation financière, de se lever tôt le dimanche pour aller travailler et qui rentreront tard. 

Telles sont les raisons pour lesquelles je propose, par mon amendement SPE103 de supprimer l’article 71. 

M. Patrick Hetzel. Le travail du dimanche existe déjà pour un nombre important de salariés, mais également de fonctionnaires ou de travailleurs libéraux. 

Or l’article 71 modifie l’équilibre existant et c’est la raison pour laquelle mon amendement SPE431 vise à le supprimer. Karine Berger a eu parfaitement raison de souligner qu’il fallait raisonner non à l’échelle d’un commerce, mais en termes de zone de chalandise : la question de la distorsion de concurrence entre les grands magasins et le petit commerce de détail apparaîtra alors dans toute sa réalité. Bien que nous ne disposions d’aucune étude d’impact sur le sujet, il y a fort à penser que le nombre des emplois créés par l’ouverture le dimanche ne compensera pas celui des emplois détruits. 

De plus, quelle sera l’incidence de cette mesure, en termes de précarité, sur les enfants, sur les femmes, et plus généralement la vie familiale, sociale et culturelle ? Il est tout de même surprenant que le texte ignore ces aspects-là. Certes, le projet de loi est centré sur les questions économiques : devons-nous pour autant accepter de déconnecter le volet économique de la vie sociale de nos concitoyens ? Le législateur doit prendre en considération l’ensemble des aspects touchés par le texte. Or ni l’exposé des motifs ni l’étude d’impact n’apportent de réponse à ces questions. Monsieur le ministre, vous voulez faire bouger les lignes sans avoir préalablement étudié l’impact réel que cette modification des équilibres aura sur la vie de nos concitoyens et sur l’activité économique. 

M. le ministre. Monsieur Hetzel, je ne répéterai pas mon intervention liminaire : j’y ai décrit le monde dans lequel nous vivons et expliqué en quoi la situation avait changé depuis cinq ans. 

[…] 

L’article 71, qui concerne toutes les ouvertures dominicales, est un article de respiration qui vise uniquement des autorisations individuelles temporaires, par exemple pour réaliser un inventaire, autorisations qui sont à la main du préfet. Les consultations qu’il prévoit visent bien à pallier les effets pervers dus au zonage. 

La Commission rejette les amendements SPE103 et SPE431. 

[…] 

La Commission examine ensuite les amendements SPE752 et SPE755 de M. Francis Vercamer. 

M. Francis Vercamer. Comme vous l’avez souligné, l’article 71 concerne non seulement les commerces mais tous les établissements qui, pour assurer un fonctionnement normal, doivent travailler le dimanche. Les contraindre à déposer une demande d’autorisation tous les trois ans au maximum n’est pas un signe de simplification administrative, compte tenu, en plus, du nombre de pièces justificatives que ces établissements devront joindre à leur demande

C’est la raison pour laquelle l’amendement SPE752 vise à supprimer la nécessité de devoir demander une autorisation tous les trois ans et l’amendement SPE755, qui est de repli, à accorder une autorisation minimale de trois ans. 

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. […] Quoi qu’il en soit, supprimer toute référence à une durée ne permettra pas d’assurer une sécurité juridique suffisante aux établissements concernés car rien n’interdira de prendre des arrêtés pour une durée inférieure. Fixer une durée maximale autorise un réexamen à une échéance raisonnable des autorisations qui ont été octroyées. 

Avis défavorable aux deux amendements. 

La Commission rejette successivement les amendements SPE752 et SPE755.” 

 

Les amendements relatifs à l’article 72 sont alors discutés : 

Article 72 : Création des zones touristiques internationales 

La Commission examine les amendements SPE432 de M. Patrick Hetzel, SPE843 de Mme Jacqueline Fraysse, SPE1355 de M. Jean-Louis Roumegas et SPE1403 de Mme Sandrine Mazetier, qui tendent à supprimer l’article. 

M. Patrick Hetzel. L’amendement SPE432 vise à supprimer l’article 72 qui traite des exceptions au repos dominical et en soirée dans les zones touristiques internationales. 

[…] 

Mme Jacqueline Fraysse. Les dérogations prévues dans les zones touristiques internationales auront les conséquences sociales les plus lourdes pour les salariés, puisqu’elles prévoient l’ouverture tous les dimanches et tous les jours en soirée. 

Qui plus est, les critères de délimitation de ces zones sont très flous. Le texte évoque, pour les définir, leur rayonnement international ainsi que l’affluence exceptionnelle de touristes notamment résidant hors de France. Mais à quoi mesurera-t-on ce rayonnement international ou cette affluence exceptionnelle ? 

Enfin, la décision finale de la création de ces zones reviendrait aux ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce et non aux élus locaux. Ceux-ci seront consultés, certes, mais n’auront pas le dernier mot. Pourtant, ce sont bien les territoires que les élus locaux administrent qui subiront les conséquences, en termes d’aménagement, de ces décisions ministérielles. Une telle démarche va à l’encontre de l’objectif affiché d’un texte qui prétend s’inscrire dans une logique prospective d’aménagement du territoire. 

[…] 

M. Jean-Louis Roumegas. C’est l’extension du travail du dimanche qui, à nos yeux, pose problème. 

Le ministre, pour justifier cette extension, argue que nous avons changé d’époque et qu’il faut désormais tenir compte de la concurrence du commerce en ligne. Or le commerce en ligne étant accessible de jour comme de nuit, si l’argument du ministre était pertinent, pour rétablir une concurrence équitable, il faudrait ouvrir les commerces de nuit comme de jour, sept jours sur sept, 365 jours par an… De plus, le commerce en ligne ne permet pas d’obtenir immédiatement ses achats : il implique un délai de livraison. Ce n’est donc pas la fermeture des magasins le dimanche qui aggrave la concurrence que ceux-ci subissent de la part du commerce en ligne, puisqu’elle est permanente : l’ouverture du dimanche ne rétablira donc pas l’équilibre. 

L’ouverture du dimanche pose un autre problème, celui de l’exacerbation de la concurrence entre les magasins eux-mêmes. Les petits commerces s’en trouveront encore affaiblis par rapport à la fois aux grandes enseignes et au commerce en ligne, auquel les grandes enseignes, qui ont les moyens de réagir, se sont déjà mises, vous le savez fort bien. 

[…] 

Mme Sandrine Mazetier. J’ai déposé l’amendement SPE1403 pour ouvrir un débat sur la création des zones touristiques internationales. 

Tel qu’il est actuellement rédigé, le texte autorisera, dans les zones touristiques internationales qu’il crée, l’ouverture des commerces vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. L’étude d’impact cite les Champs-Élysées comme exemple de ce que pourrait être une de ces zones touristiques internationales. 

[…] 

Comme Jacqueline Fraysse, je pense que le législateur doit préciser les critères présidant à la création de ces zones touristiques internationales. Sinon, rien n’interdira à une autre majorité ou à un autre Gouvernement d’élargir le périmètre de ces zones sans consulter le Parlement. Le risque est que, demain, tout Paris, voire le Grand Paris, ne devienne une zone touristique internationale, où les commerces seront ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Les contreparties fondront alors comme neige au soleil. 

Nous devons également mettre des bornes à l’ouverture des commerces vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, trois cent soixante-cinq jours par an. J’ai déposé un amendement pour permettre aux salariés du commerce de remplir leur devoir civique les jours d’élections. Il faut garantir la possibilité de participer à la vie de la société : une société a besoin non seulement d’activités économiques mais également de la participation de tous les citoyens aux choix collectifs lors de temps communs. 

Mme Karine Berger. […] L’adoption en l’état de l’article 72 entraînera la création de zones de chalandise européennes à l’intérieur desquelles des quartiers de Paris seront mis en concurrence avec des quartiers de Londres ou de Bruxelles : je ne suis pas convaincue par la pertinence d’une telle démarche, qui justifierait, en tout cas, un niveau exceptionnel de protection des salariés. Or le texte ne prévoit rien de ce genre, s’agissant notamment du travail entre 21h00 et minuit. Sans doute suis-je un cas un peu spécial, mais ma nuit à moi commence avant minuit… 

Le Gouvernement doit préciser la définition de la zone de chalandise recouverte par ces zones touristiques internationales en répondant à ces deux questions : quelles capitales européennes le Gouvernement entend-il mettre en concurrence à l’intérieur de Paris et quelles mesures exceptionnelles de protection à la fois des salariés et de l’équilibre des zones périphériques compte-t-il proposer ? 

M. le ministre. Avis défavorable à ces amendements de suppression. 

[…] 

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Avis défavorable, mais je pense comme le ministre qu’il faut préciser les critères permettant de définir les zones concernées. 

La Commission rejette les amendements SPE432, SPE843, SPE1355 et SPE1403. 

[…] 

La Commission étudie les amendements SPE1470 et SPE1960 de Mme Sandrine Mazetier. 

Mme Sandrine Mazetier. Le régime tout à fait dérogatoire qui prévaudra dans les zones touristiques internationales – ouverture durant les cinquante-deux dimanches, travail de nuit – impose, outre un plancher de compensations, que celles-ci soient très précisément caractérisées. Je propose de caractériser les ZTI par le fait que 60 % du chiffre d’affaires constaté y sont effectués par des acheteurs internationaux. Ce critère pourra être vérifié par l’analyse de deux éléments d’information : le montant de la détaxe, calculé par les douanes, et les paiements par carte bancaire, qui permettent d’identifier le lieu de résidence des acheteurs. J’ai proposé de cumuler ces deux informations, car la seule détaxe ne permettrait pas d’identifier les touristes européens, qui ne bénéficient pas du régime d’achat en duty free

Mme Karine Berger. Je trouve la démarche excellente. Nous ne pouvons rouvrir le débat sur la définition de la zone de chalandise, qui aboutira à modifier profondément l’équilibre du commerce français, qu’en nous fondant sur des critères chiffrés et précis. En fonction de quelles données le Gouvernement envisage-t-il de caractériser les ZTI ? Considère-t-il, par exemple, que la moitié du chiffre d’affaires doive y être réalisé avec des touristes ? 

M. Christophe Caresche. La délimitation des ZTI est un réel problème. Même à Paris, leur définition n’est pas très claire. Montmartre et le Marais, que visitent chaque année de millions de touristes, répondent aux critères de l’amendement. Nous devrons travailler, y compris avec la ville de Paris, si cela est possible, à la mise au point de critères de délimitation qui permettent aux zones de fonctionner le mieux possible. En tant qu’élu du XVIIIe arrondissement, je regrette que la ville ne soit pas favorable à une extension de la zone touristique de Montmartre. Reste à trouver des critères satisfaisants, et qui ne soient pas nécessairement redondants. 

Mme Jacqueline Fraysse. Je regrette de n’avoir pas pu intervenir sur les amendements que Sandrine Mazetier a retirés, mais je me réjouis que le débat ait permis d’avancer et que le ministre ait accepté de retravailler sur les critères permettant une définition précise des ZTI. 

Comme Sandrine Mazetier, je considère qu’une évaluation est indispensable, car nous devons pouvoir revenir en arrière si le dispositif n’apporte pas les résultats escomptés. En revanche, je suis plus réticente sur la façon dont sera pris en compte de l’avis des élus, qui ont naturellement tendance à défendre leur chapelle… Leur avis conforme doit être fondé non sur leur ressenti, mais sur des critères précis et sur l’évaluation des résultats obtenus, qui permettra d’apprécier l’intérêt général. Même si cela ne leur fait pas plaisir, les élus doivent être capables de prendre une décision répondant objectivement à une nécessité d’intérêt général. 

[…] 

M. Jean-Louis Bricout. On peut caractériser une ZTI par le nombre de touristes qui la fréquentent, mais il faut aussi réfléchir au moyen de les attirer ; auquel cas, pour définir la zone, on pourrait prendre en compte le désir de développer l’offre de shopping souvent liée aux produits du luxe, particulièrement attractifs. 

M. Jean-Yves Caullet. La définition de critères objective la délimitation, donne un support à l’évaluation et ménage la possibilité d’une évolution. C’est dans ce triptyque que doit se nouer un dialogue constructif entre l’État et les élus de la collectivité. 

Dans la capitale, l’ouverture des commerces le dimanche ne se réduit pas au strict aspect commercial. Elle a également une dimension de sécurité publique, qui incombe à l’État comme à la ville. Chacun retrouve ses prérogatives dans le dossier de l’attractivité touristique. 

[…] 

M. le ministre. C’est surtout pour le travail en soirée que le problème s’y pose. Quoi qu’il en soit, il faut associer l’approche quantitative et qualitative. On pourrait inscrire dans la loi l’avis conforme de la collectivité locale, liée aux résultats de l’évaluation. On me pardonnera le côté un peu jésuite de cette association, mais c’est un moyen de lui redonner une place… En attendant que je retravaille la rédaction en ce sens, je vous suggère de retirer votre amendement

Mme Sandrine Mazetier. Je remercie le ministre de son engagement et je retire l’amendement SP1470. J’insiste sur la nécessité, dans les zones où l’on travaillera cinquante-deux dimanches par an, ce qui dégagera des profits importants, de fixer dans la loi un plancher de contreparties en termes de salaire et de repos. Cette précision étant apportée, je retire également l’amendement SPE1960. 

[…] 

Les amendements SPE1470 et SPE1960 sont retirés. 

La commission adopte l’article 72 modifié.” 

 

L’article 73 est alors discuté : 

Article 73 :Création des zones touristiques 

La Commission examine les amendements identiques SPE104 de M. Gérard Cherpion, SPE433 de M. Patrick Hetzel et SPE846 de Mme Jacqueline Fraysse. 

M. Gilles Lurton. L’amendement SPE104 tend à supprimer l’article 73. Le ministre soutient que la véritable inégalité a été créée par la loi Mallié de 2009, qu’il entreprend de corriger. Certes, celle-ci n’impose pas de condition de volontariat ni de compensation. Elle prévoit du moins que les organisations professionnelles ou les employeurs et les organisations syndicales représentatives engagent des négociations en vue de signer un accord déterminant les contreparties accordées aux salariés privés de repos dominical lorsque la branche ou l’entreprise ne sont pas couvertes par un accord spécifique. À défaut, aucune ouverture dominicale n’est possible. 

À Saint-Malo, dont je suis maire, nous avons créé une zone touristique, comme l’ont fait les élus de Cancale et de Dinard. Toutes trois fonctionnent très bien. Je crains que le texte ne compromette cet équilibre et n’entraîne une dévitalisation des zones touristiques. Si les employeurs hésitent à recruter, par peur des complications qu’entraînera votre projet de loi, vous aboutirez à l’effet inverse de celui escompté. 

M. Patrick Hetzel. L’amendement SPE433 est défendu. 

Mme Jacqueline Fraysse. Contrairement à la loi Maillé, qui dans les PUCE a imposé un doublement de la rémunération et un repos compensateur, le projet de loi ne prévoit rien de ce genre et marque par conséquent un recul. J’insiste sur la nécessité de prévoir un plancher en termes de rémunération et de repos, pour le travail dominical, ainsi que d’autres protections. Et ce seuil supérieur devra être supérieur aux dispositifs applicables aux autres zones, car le régime des ZTI ne se limite pas au travail du dimanche, et le doublement du salaire sera vite englouti dans les frais de garde des enfants tous les soirs. Même pour les zones commerciales, il faut fixer un minimum de compensation dans la loi, en laissant bien sûr aux accords collectifs la possibilité d’aller un peu plus loin. 

[…] 

M. Jean-Yves Caullet. Madame Fraysse, en posant le principe « Pas d’accord, pas d’ouverture », nous donnons une main très forte à ceux qui demandent des compensations par rapport à ceux qui seront intéressés à ouvrir le dimanche. Si en revanche nous imposons un seuil dans la loi, de deux choses l’une : ou bien nous fixons un seuil relativement élevé, ce qui sera bon pour les garanties, mais économiquement dévastateur pour les petites structures ; ou bien nous le plaçons à un niveau plus soutenable au risque de tirer l’accord de sortie vers le bas. Je fais le pari que la solution proposée sera plus favorable aux salariés. 

M. le rapporteur général. C’est juste. Le principe même « Pas d’accord, pas d’ouverture » est plus protecteur pour les salariés. Du reste, Jacqueline Fraysse parle elle-même d’un minimum de compensations, alors que précisément, nous voulons amener les partenaires sociaux à s’accorder sur un maximum de compensations… 

Mme Cécile Untermaier. Il me semble difficile d’annoncer aux salariés des grandes surfaces à dominante alimentaire, qui ne perçoivent actuellement aucune contrepartie, qu’ils devront attendre trois ans avant que leur situation ne puisse s’améliorer. 

M. Jean-Louis Bricout. Le critère de surface me semble pertinent pour caractériser les commerces à même de verser une compensation minimum. 

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il faudrait prévoir un délai différent selon que le régime actuel prévoit ou non le versement d’une compensation. Là où aucune compensation n’était prévue jusqu’alors, et où la loi laissera un délai de trois ans, une des parties aura tout intérêt à faire durer la négociation au moins deux ans et demi. Dans les zones où il y avait déjà une compensation, on peut concevoir un délai de montée en charge ; mais là où il n’y en avait pas, il faudrait pouvoir non seulement provoquer l’engagement immédiat de négociations, mais également pousser à l’aboutissement de la discussion. 

[…] 

Mme Véronique Louwagie. Il est bon de sanctionner l’absence d’accord de branche par l’interdiction d’ouvrir le dimanche, car il n’est pas rare que des blocages surviennent au niveau des branches. Nous le constatons aujourd’hui avec la délivrance de dérogations à la durée minimale de vingt-quatre heures du temps travail hebdomadaire à temps partiel, qui devait faire l’objet d’accords de branche ; on constate de nombreux blocages, qui mettent bien des entreprises en difficulté. 

Je conviens que trois ans représentent un délai relativement long, mais dix-huit mois se sont écoulés depuis l’adoption de la loi de sécurisation de l’emploi, et très peu d’accords ont été signés. Qu’arrivera-t-il si l’on constate un blocage ? Des alternatives sont-elles prévues ? Avez-vous envisagé des solutions de substitution ? 

M. le ministre. Nous reviendrons sur le point lors de l’examen des articles 76 et 77. Nous devons trouver un équilibre qui, dans un souci de justice, protège tout le monde, et, dans un souci de pragmatisme, évite la fermeture des commerces. C’est ce qui nous a amenés à ne pas fixer un délai trop court. 

Il me semble difficile de distinguer selon les cas au risque de créer une distorsion de concurrence entre des commerces voisins. Peut-être pourrait-on raccourcir le délai à deux ans. L’essentiel est que nous ouvrions la porte à trois types d’accords – accord territorial, accord de branche ou d’entreprise –, ce qui n’a pas été le cas pour le temps partiel. Sur le sujet qui nous occupe, l’accord territorial, à l’exemple de celui de Saint-Malo, ne manque pas de pertinence. Il permet à une ville de sortir de l’impasse d’une négociation de branche bloquée en raison de considérations d’équilibre syndical ou polluée par d’autres sujets. 

La commission rejette les amendements SPE104, SPE433 et SPE846.” 

Les amendements à l’article 74 sont ensuite discutés : 

Article 74 :Création des zones commerciales 

La Commission est saisie des amendements identiques SPE105 de M. Gérard Cherpion, SPE434 de M. Patrick Hetzel, SPE847 de Mme Jacqueline Fraysse et SPE1371 de M. Jean-Louis Roumegas. 

M. Gérard Cherpion. Cet article vide de sa substance la loi de 2009 puisqu’il écrase les périmètres d’usage de consommation exceptionnelle – PUCE – pour créer les « zones commerciales caractérisées par une offre et une demande particulièrement importantes » dont la définition est plutôt vague. La notion d’unité urbaine de plus de un million d’habitants disparaît totalement. De plus, l’ouverture en zone commerciale est conditionnée à l’existence d’un accord collectif. À défaut d’accord, aucun seuil de contreparties minimales n’est fixé par la loi. Le projet de loi est donc moins protecteur que la législation actuelle des PUCE. 

M. Patrick Hetzel. Mon amendement repose sur les mêmes arguments. 

Mme Jacqueline Fraysse. Pour ma part, j’insiste sur le flou de la notion de « zones commerciales caractérisées par une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes » contenue dans l’alinéa 2 de cet article. Les salariés concernés seront moins bien protégés qu’ils ne le sont actuellement. 

M. Jean-Louis Roumegas. Ce sont les zones touristiques internationales – ZTI – qui ont attiré l’attention, mais ce sont les dispositions sur les zones commerciales qui recèlent le plus grand risque de banalisation sinon de généralisation du travail du dimanche. Alors que les fameux PUCE se limitent à quatre zones en France puisqu’ils concernent les agglomérations de plus de un million d’habitants, le présent texte offre aux maires – à leur demande et après validation par le préfet – la possibilité de généraliser ces zones commerciales de façon très large, le seul critère étant le taux de fréquentation. Les grands centres commerciaux pourraient donc être concernés par cette disposition. Le fait que la création de telles zones soit laissée à l’appréciation du maire ne nous met à l’abri de rien. En ce qui concerne les éventuelles compensations, le texte renvoie à des accords dont il y a fort à parier qu’ils seront moins protecteurs que la législation actuelle. J’y insiste : cet article est celui qui comporte le plus de risques en termes de généralisation du travail le dimanche et nous proposons sa suppression

[…] 

M. Jean-Louis Roumegas. Je suis convaincu de l’habileté de la dialectique du ministre, mais pas nécessairement de la pertinence de ses arguments. Le problème est que les gens n’ont pas vraiment le choix de travailler ou pas le dimanche : l’effet d’entraînement qui existe entre les enseignes risque de gagner les communes elles-mêmes. Si une commune commence à le faire, la pression sera très forte sur les communes voisines qui seront mises en concurrence. C’est cela le libéralisme. Vous n’obligez personne mais vous créez les conditions pour que les choses évoluent dans ce sens. 

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet article doit en effet se lire avec les suivants. Même après vos explications, monsieur le ministre, je maintiens que votre dispositif viendra percuter des contrats existants et la possibilité pour certains de maintenir des ouvertures respectueuses de la loi actuelle dans la mesure où l’alinéa 6 de l’article 76 ne précise pas que les dispositifs actuels resteront valides. 

Cet alinéa est ainsi rédigé : « Pour bénéficier de la faculté de donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel, ouverte par les articles L.3132-24, L.3132-25 et L.3132-25-1, les établissements doivent être couverts soit par un accord collectif de branche, d’entreprise ou d’établissement, soit par un accord conclu à un niveau territorial, soit par un accord conclu dans les conditions mentionnées au II de l’article L.5121-4. » De toute façon, il est fait mention de la nécessité d’être couvert par un accord. 

Même si vous considérez qu’il s’agit d’un nombre réduit de situations, il s’agit d’un principe de droit : n’y aurait-il qu’un seul cas, il faudrait pouvoir le traiter. Je maintiens qu’il y a une forme de conflit entre les gens qui ont appliqué la loi dans les zones concernées sans référence à un accord collectif, simplement dans le cadre de l’application de l’article 1er de la loi Mallié, et le dispositif que vous proposez. Votre réponse ne règle pas la situation qui est prévue à l’article 76 et que vous nous avez invités à aborder dès le présent article. 

La Commission rejette les amendements SPE105, SPE434, SPE847 et SPE1371. 

Puis elle adopte l’article 74 modifié. 

Après l’article 74 

La Commission examine l’amendement SPE773 de M. Francis Vercamer. 

M. Philippe Vigier. Cet amendement portant article additionnel après l’article 74 tend à corriger un oubli. En matière d’extension du travail dominical, nous souhaitons que les décisions soient prises sur le plan territorial, qu’il s’agisse de zones de grande capacité touristique ou de zones commerciales dont il faudra redéfinir le périmètre. Il nous semble indispensable que les acteurs locaux que sont les maires ou les présidents d’intercommunalité soient au cœur du dispositif. 

[…] 

M. le ministre. Vos préoccupations sont pour partie satisfaites par les PUCE et elles pourront l’être totalement, à la demande des élus locaux, grâce aux dispositions prévues dans cet article. Le Gouvernement souhaite que toutes les zones transfrontalières actuellement éligibles au dispositif PUCE soient intégrées dans le décret en Conseil d’État qui est mentionné à l’article. 

M. Philippe Vigier. Je vous entends, monsieur le ministre, mais je préférerais que ce soit écrit. Dans ces territoires, il faut aller au-delà des douze dimanches prévus dans le dispositif PUCE. Il ne s’agit pas d’une ouverture généralisée jusqu’à 150 kilomètres de la frontière ; les zones frontalières font vingt kilomètres. Regardez ce qui se passe avec l’Espagne, Andorre ou l’Italie. Nous devons apporter une réponse territoriale qui aille au-delà du contenu actuel du texte parce qu’il n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Le mot « frontalier » doit apparaître. 

M. le ministre. Pour lever une confusion, je vous signale qu’il s’agit ici des PUCE qui permettent d’aller jusqu’à cinquante-deux dimanches, avec la mécanique déjà décrite. Les zones commerciales transfrontalières qui sont déjà dans des PUCE y resteront ; d’autres seront éligibles au dispositif, compte tenu de la rédaction de l’article. Il ne s’agit donc pas de douze dimanches mais d’un potentiel de cinquante-deux dimanches. Nous ne voulons pas écrire le décret par petits bouts au niveau de la loi, mais je m’engage à ce que ces zones soient dans le décret en Conseil d’État. 

M. Philippe Vigier. Je prends acte de l’engagement que le ministre prend devant la représentation nationale. Je saurai le lui rappeler, le cas échéant. Je retire mon amendement. 

L’amendement SPE773 est retiré.” 

 

Les discussions se portent ensuite sur l’article 75 : 

Article 75 :Procédure de création des zones touristiques et des zones commerciales 

La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques SPE134 de M. Gérard Cherpion et SPE436 de M. Patrick Hetzel, ainsi que l’amendement SPE1870 des rapporteurs et l’amendement SPE293 de Mme Colette Capdevielle. 

Mme Véronique Louwagie. L’article 75 établit une procédure de délimitation du périmètre des zones touristiques et commerciales sans fixer le moindre délai. Le présent amendement propose donc d’encadrer, dans des délais raisonnables, la réponse de l’administration aux demandes des maires ou présidents des EPIC. Il s’agit donc de compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé : « III– Le préfet de département recueille les avis mentionnés au II dans un délai maximum de quatre mois à compter de la date de la réception de la demande. Il statue ensuite dans un délai maximum de deux mois sur la demande de délimitation ou de modification de la zone. » Il est fait référence aux préfets de département, par corrélation avec notre amendement précédent. 

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. L’amendement SPE1870 répond à vos préoccupations, madame Louwagie, puisqu’il propose de fixer des délais d’instruction maximum au préfet : six mois s’il s’agit de délimiter une nouvelle zone ; trois mois s’il s’agit de modifier une zone existante. Il est temps de fixer un cadre temporel pour des motifs de sécurité juridique, conformément aux recommandations du rapport Bailly. 

Mme Colette Capdevielle. Cet amendement prévoit que l’autorité administrative contrôlera tous les six ans que la zone respecte toujours les critères ayant présidé à sa création. Il s’agit de vérifier que les conditions sont toujours réunies. 

M. le ministre. Le décret définira les critères de zonage, après concertation en amont, et une étude d’impact devra être produite à l’appui de la demande. Ce sont des gages suffisants pour une juste délimitation. En outre, la loi prévoit que le président de l’EPCI ou de la commune peut, à tout moment, enclencher la même procédure aux fins de modifications. Le dispositif présentant les garanties recherchées afin d’éviter des lourdeurs administratives supplémentaires, j’invite au retrait de l’amendement SPE293. Quant aux deux amendements identiques, ils sont satisfaits par celui du rapporteur auquel je donne un avis favorable. J’invite donc leurs auteurs à les retirer. 

Mme Véronique Louwagie. Notre amendement peut être considéré comme satisfait par celui des rapporteurs. Cependant, cet amendement SPE1870 évoque le représentant de l’État dans la région ; il serait plus pertinent de faire état du préfet de région, comme dans l’alinéa 3, sauf s’il s’agit d’une autre personne. Je retire mon amendement. 

M. Patrick Hetzel. Je retire le mien également, même si nous aurions préféré garder des délais plus courts que ceux prévus par le rapporteur. 

Mme Colette Capdevielle. Je retire aussi mon amendement. Nous ne cherchons pas à imposer des contraintes administratives mais ces contrôles peuvent se révéler nécessaires. La question pourra se poser dans l’avenir. 

M. le ministre. Merci pour ces retraits. Toutes les situations sont couvertes : soit la modification progressive du périmètre est en infraction avec les critères du décret, auquel cas, dans le cadre de son contrôle et sans qu’on le précise ici, le préfet peut intervenir ; soit elle ne correspond pas à la volonté de la collectivité, et celle-ci a la capacité d’initiative dans le dispositif. 

Les amendements SPE134, SPE436 et SPE293 sont retirés. 

Puis elle adopte l’article 75 modifié.” 

 

Les débats s’ouvrent alors sur l’article 76 du projet de loi : 

“Article 76 : Contreparties aux autorisations dérogatoires accordées dans les zones touristiques internationales, les zones touristiques et les zones commerciales 

La Commission examine les amendements identiques SPE107 de M. Gérard Cherpion et SPE438 de M. Patrick Hetzel. 

M. Gérard Cherpion. Sous couvert d’harmonisation du régime social des contreparties accordées aux salariés qui travaillent le dimanche, le projet de loi menace les équilibres territoriaux actuels. En conditionnant l’ouverture dominicale à l’existence d’un accord collectif, il menace l’ouverture des très petites, petites et moyennes entreprises qui n’auront pas réussi à conclure leur négociation. Étant donné l’opposition forte de l’ensemble des organisations syndicales de salariés à l’extension de l’ouverture du dimanche, la procédure de mandatement, déjà source de complexité, risque de ne pas faciliter la conclusion d’accords dans les petites structures. Il y a donc un risque de fermeture de ces très petites et petites entreprises. 

M. Patrick Hetzel. Même argumentation. 

M. le ministre. Dans le dispositif prévu, les commerces alimentaires, dont l’ouverture jusqu’à treize heures est autorisée par dérogation depuis 2009, ne sont pas touchés par cette mesure. Les dimanches du maire ne sont pas concernés non plus puisque le doublement de la paie s’applique : le passage de cinq à douze dimanches n’est donc pas concerné non plus. 

[…] 

En proposant un délai de trois ans, une sorte de phase d’adaptation, nous voulons éviter que le nouveau dispositif ne conduise à des fermetures de petits commerces. Le délai de trois ans nous paraît raisonnable, et il est en tout cas beaucoup plus long que celui d’un an prévu dans l’accord sur le travail à temps partiel. Grâce à l’instauration de ce délai et à la triple possibilité offerte pour conclure ces accords, il me semble que nous répondons à votre préoccupation de ne pas sacrifier les petits commerces dans le cas très spécifique que je viens de rappeler où aucun accord n’existe. Avis défavorable. 

[…] 

Mme Sandrine Mazetier. C’est un article très important car il affirme le principe qu’il ne peut y avoir d’ouverture sans accord sur les compensations. Nous devons donc examiner avec attention son contenu et son périmètre de couverture, que vous venez de rappeler, monsieur le ministre. 

Or il y a des trous dans la raquette, si vous me permettez l’expression. Cet article affirme qu’en zone touristique, en zone commerciale et en zone touristique internationale, les établissements – et non pas les salariés – doivent être couverts par un accord. L’un de mes amendements à venir pose la problématique de l’évolution du commerce. Nous avons beaucoup fait référence au commerce sur internet, mais dans les grandes chaînes de magasins, parfumeurs et autres, il y a de moins en moins de salariés de l’établissement et de plus en plus de représentants de marques, qui viennent ponctuellement travailler. Ceux-là ne seront pas couverts par les accords. Il faut traiter cette question, en particulier dans les ZTI, en gardant à l’esprit que l’évolution du commerce n’en est qu’à ses débuts. Les grandes surfaces alimentaires – je ne vous parle pas du Printemps, des Galeries Lafayette ou du Bon Marché – sont déjà de vastes halls d’exposition où les entreprises louent des corners. Il faut que nous soyons bien conscients de l’évolution du commerce et des rapports sociaux. 

L’article 76 n’exclut pas – y compris pour les ZTI où les commerces sont extrêmement rentables – la possibilité d’un accord unilatéral, conclu au terme de trois ans par l’employeur, après un référendum associant une partie des personnels. Je peux comprendre que l’on puisse se poser la question du temps nécessaire à l’élaboration d’un accord et à la négociation de contreparties pour les zones où la rentabilité des commerces n’a rien à voir avec celle qui est constatée dans les ZTI, mais je m’étonne que ces dernières figurent dans l’article 76. Monsieur le ministre, cela m’étonne d’autant plus que vous avez pris la peine de fixer noir sur blanc des contreparties explicites au travail en soirée. Pour les cinquante-deux dimanches des ZTI, le texte devrait aussi mentionner des contreparties explicites. La pratique du travail dissimulé est constatée dans certaines ZTI où des restaurateurs emploient pour faire la plonge des auto-entrepreneurs ne sachant pas écrire le français. La réalité des ZTI, c’est aussi cela. 

M. Gilles Lurton. Monsieur le ministre, je vous remercie de reconnaître que l’accord conclu à Saint-Malo est très généreux. Il a été possible grâce à un maire particulièrement social qui a dit d’emblée qu’il n’y aurait d’accord que si les compensations étaient pleines et entières. 

La Commission rejette les amendements SPE107 et SPE438.” 

Puis elle examine l’amendement SPE848 rectifié de Mme Jacqueline Fraysse. 

Mme Jacqueline Fraysse. Cet article 76 est extrêmement important puisqu’il fixe le cadre des négociations et donc les contreparties, notamment salariales, accordées aux personnels privés du repos dominical. Il précise aussi la nature des engagements pris par les entreprises en termes d’emploi ou en faveur de certains publics en difficulté et en situation de handicap. Nous souhaiterions que le « ou » soit remplacé par un « et ». 

Notre amendement propose de réécrire partiellement cet article. Le texte actuel prévoit une négociation collective sans encadrement, sans plancher. Nous pensons qu’il serait plus juste de fixer dans la loi une compensation unique calquée sur les modalités actuelles les plus favorables, c’est-à-dire le doublement du salaire et le repos compensateur pour tous les salariés concernés, afin que les négociations collectives aillent plus loin. Au passage, je signale à notre rapporteur que ce n’est ni loyal ni très convainquant d’affirmer, comme il l’a fait tout à l’heure, que nous sommes contre la négociation collective. 

[…] 

M. le ministre. Je remercie Mme Fraysse de noter les avancées existantes en ZTI mais il en existe partout. Pour les dimanches du maire, le principe du doublement est acquis. Pour les commerces alimentaires ouverts jusqu’à treize heures, j’ai indiqué que j’étais ouvert à l’idée de prévoir des compensations à partir de certains formats commerciaux, car il s’agit de ne pas pénaliser les petits commerces tout en étant juste sur le plan social. 

Nous sommes plongés dans ce dilemme depuis le début de cette discussion : nous voulons protéger les salariés en prévoyant des compensations ; nous voulons aussi protéger les petits commerces qui sont ceux qui ont le moins la capacité de compenser le travail dominical. Ce dilemme nous oblige à prendre des précautions. C’est pour cela que nous n’avons pas retenu le principe unilatéral et permanent du doublement de la rémunération. Suite aux remarques de M. Poisson, nous avons discuté du fait que ce principe était retenu dans les seuls PUCE, ce qui créait des disparités et des inégalités. À partir du moment où l’on impose la conclusion d’un accord de branche, de territoire ou d’entreprise, la compensation est garantie par le dialogue social. Le Gouvernement croit aux vertus du dialogue social

[…] 

Mme Jacqueline Fraysse. Il est déséquilibré, ce dialogue ! […] Je voudrais suggérer de fixer un plancher mais aussi un critère de taille de magasin – le nombre de mètres carrés, par exemple – qui permettrait de ne pas imposer cette obligation à ceux qui ne pourraient pas la supporter sur le plan financier. Nous pourrions travailler sur cette distinction. Qu’est-ce qu’un petit commerce ? Quelle surface ou quel autre critère retenir ? Cela maintiendrait une différence de traitement entre les salariés tout en l’atténuant considérablement, dans l’intérêt général de tous ces travailleurs privés du repos dominical. 

Mme Karine Berger. L’échange entre notre collègue Fraysse et le ministre m’inspire trois remarques. Tout d’abord, j’en suis désolée mais je n’ai pas compris la réponse que le ministre a apportée à propos de la notion de « décision unilatérale de l’employeur » contenue à l’alinéa 8. Cette expression est-elle vraiment indispensable ? Mme Fraysse a raison de souligner que la formulation de cet alinéa – « Dans tous les cas, l’accord ou la décision unilatérale de l’employeur fixe les conditions dans lesquelles l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés privés de repos dominical » – trouble le message. Si l’on pouvait trouver une autre rédaction, je pense que cela rassurerait tout le monde. 

Ensuite, ne peut-on pas essayer de trouver une limite de surface commerciale au-delà de laquelle s’appliqueraient des seuils de compensation ? Je suis bien convaincue que tout n’est pas possible dans les petits commerces mais je ne suis pas satisfaite de voir que de très grandes surfaces auront trois ans pour prévoir d’éventuelles compensations. C’est un peu ennuyeux. D’ici à la séance, ne pourrait-on décider qu’à partir d’une certaine surface commerciale, l’accord est non seulement nécessaire mais qu’il comporte aussi des compensations minimum ? Cette idée devait recueillir l’assentiment de l’ensemble de nos collègues. Enfin, d’une manière générale, je trouve que le délai de trois ans est très long. 

M. le président François Brottes. Il faut aussi tenir compte de la nature de l’activité et de l’état de la concurrence pour déterminer si un commerce se trouve ou non en situation difficile. Il est peut-être possible de paramétrer tous ces critères mais cela me semble compliqué. Quoi qu’il en soit, le seul critère de surface n’est pas suffisant. 

M. Jean-Louis Bricout. Dans la même logique, et en particulier pour les ouvertures accordées par le maire, il faut trouver un critère qui permette d’établir une différence entre la grande distribution et les petits commerces car ces derniers ne pourront pas supporter le doublement des rémunérations. La surface me semble être le critère le plus pertinent. Y en a-t-il d’autres ? D’ici à l’examen du texte en séance, il faut travailler sur ce point. 

M. Jean-Christophe Fromantin. Comme vous, monsieur le président, je pense qu’il est impossible de retenir le seul critère de surface commerciale, sans tenir compte de la nature du commerce et de la valeur ajoutée qu’il dégage. Prenez un petit commerce de la place Vendôme et un magasin de 2 000 mètres carrés dans la banlieue d’une ville moyenne et vous aurez une idée de la difficulté de l’exercice. C’est la valeur ajoutée qui peut générer la capacité à absorber un supplément de rémunération et elle n’est pas forcément corrélée à la taille du commerce. Retenir un critère de surface relève du contresens économique : la capacité d’un magasin à absorber un supplément de rémunération dépend de ses marges et de sa valeur ajoutée. 

M. le ministre. L’alinéa 8 s’inscrit dans un périmètre plus large et il couvre à la fois les accords et les dérogations préfectorales individuelles que nous avons évoquées précédemment. La « décision unilatérale de l’employeur » fait référence à la situation des dérogations préfectorales individuelles. Par souci de clarification, je vous propose de faire référence à l’article L.3132-20 lorsque l’on mentionne la décision unilatérale individuelle de l’employeur. Cette précision rédactionnelle permettrait de lever toute ambiguïté. 

Comme plusieurs intervenants, je considère que le critère de taille n’est pas pertinent quand il s’agit de classer les commerces pour appliquer des seuils de compensations minimum. Certaines jardineries seraient pénalisées car elles occupent des surfaces immenses alors qu’elles sont assez peu profitables. Cependant, ce critère est plus pertinent pour les commerces alimentaires, où il n’y a pas de règles de compensation. Comme nous l’avons indiqué précédemment, nous proposons d’explorer cette voie d’ici à la présentation du texte en séance. 

M. le président François Brottes. Vous avez donc pris l’engagement d’apporter cette précision en séance, monsieur le ministre. 

La Commission rejette l’amendement SPE848 rectifié. 

[…] 

La Commission est saisie de l’amendement SPE1473 de Mme Sandrine Mazetier. 

Mme Sandrine Mazetier. Je continue de m’étonner, compte tenu de la profitabilité des commerces situés dans les ZTI, que l’article L. 3132-24 ne fixe aucun minimum en matière de rémunération ou de repos compensateur. 

L’objet de cet amendement est que, dans les ZTI, les compensations prévues par les accords dont le principe est affirmé par l’article 76 vaille pour tous les intervenants dans les établissements. Il s’agit de couvrir les travailleurs qui ne sont pas directement salariés par ces établissements. 

[…] 

Mme Karine Berger. Le ministre est hostile à la fixation d’un montant minimum de compensation salariale dans la loi au motif que cela inciterait les employeurs à converger vers ce minimum. La loi établit pourtant de fait un minimum : l’absence de majoration salariale, et je ne vois pas ce qui empêchera les employeurs de vouloir s’en rapprocher. Cela m’amène à mon second sujet de préoccupation. Il y a tout lieu de craindre, en effet, qu’en mettant en place des dispositifs qui ne couvrent qu’une partie des salariés concernés par le travail dominical, on laisse ouvertes des possibilités de contournement de ces dispositifs, par le biais par exemple de systèmes de franchise ou de sous-traitance, qui annuleront tous les effets des accords collectifs. Dans ces conditions, agissons-nous de manière responsable en ouvrant comme nous le faisons le travail dominical, si nous ne sommes pas capables de mieux protéger les salariés concernés ? Je tiens ici à préciser à Jean-Frédéric Poisson que ce n’est pas parce que je m’efforce de fournir à ces salariés la couverture sociale et les compensations les plus complètes possible que je suis forcément d’accord avec le fait de multiplier les exceptions au repos dominical. 

M. Patrick Hetzel. Les auteurs de cet amendement parlent du repos dominical comme d’un acquis social. C’est oublier un peu vite qu’il trouve sa source dans un ouvrage de la tradition judéo-chrétienne qui a dû leur échapper… 

M. Christophe Caresche. Je ne suis pas aussi pessimiste que Karine Berger, et je me demande même si nous ne sommes pas en train de mettre en place un mécanisme contagieux, qui va permettre à d’autres salariés, comme d’ailleurs à des fonctionnaires, de revendiquer de nouvelles conditions de travail. 

Mme Sandrine Mazetier. Faut-il déduire des propos de Christophe Caresche qu’il considère que tout amendement visant à inscrire des contreparties salariales dans un accord collectif entraîne mécaniquement une hausse des charges publiques ? 

L’amendement SPE1473 est retiré. 

Puis elle adopte l’article 76 modifié. 

 

C’est au tour de l’article 77 du projet de loi d’être examiné : 

Article 77 : Volontariat des salariés qui travaillent le dimanche 

[…] 

La Commission examine, en présentation commune, les amendements SPE854 et SPE856 de Mme Jacqueline Fraysse. 

Mme Jacqueline Fraysse. L’amendement SPE854 vise à maintenir le troisième alinéa de l’article L. 3132-25-4 du code du travail, qui stipule que « l’accord collectif prévu au premier alinéa de l’article L. 3132-25-3 fixe les conditions dans lesquelles l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés privés de repos dominical ». Cette précision nous paraît essentielle, à la fois pour que les employeurs mesurent l’impact du travail dominical sur la vie des salariés concernés et pour que des ajustements puissent, le cas échéant, être apportés. 

Nous considérons par ailleurs que les salariés n’ont pas toujours le choix du volontariat et que celui-ci est trop souvent une condition d’embauche et une condition à la pérennité de l’emploi, en particulier en période de fort chômage, lorsque l’asymétrie de la relation entre l’employeur et l’employé s’aggrave au détriment du salarié. Pour que le volontariat ne constitue pas une condition d’embauche, comme le texte tend d’ailleurs à l’interdire à l’alinéa 5 de l’article 81 sur le travail nocturne, il est absolument nécessaire qu’il fasse l’objet d’un accord écrit, distinct du contrat de travail et signé à la fin de la période d’essai du salarié, afin d’éviter toute discrimination à l’embauche en amont. C’est l’objet de l’amendement SPE856. 

M. le ministre. L’amendement SPE854 est satisfait. En effet, les termes de l’alinéa auquel vous faites référence ont été repris à l’identique à l’article 76. 

En ce qui concerne le volontariat, il devient la règle générale. De surcroît, en inscrivant dans la loi la réversibilité du choix du salarié, l’amendement SPE1878 le déconnecte des critères d’embauche, ce qui satisfait votre amendement. 

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Je partage l’avis du ministre. 

L’amendement SPE854 est retiré. 

La Commission rejette l’amendement SPE856. 

[…] 

Puis elle adopte l’article 77 modifié.” 

 

L’article 78 est ensuite débattu : 

Article 78 : Extension aux commerces alimentaires du régime dérogatoire des zones touristiques internationales et des commerces situés dans l’emprise des gares 

La Commission examine les amendements de suppression identiques SPE110 de M. Gérard Cherpion, SPE440 de M. Patrick Hetzel et SPE858 de Mme Jacqueline Fraysse. 

Mme Véronique Louwagie. Aux termes de l’article 78, les commerces de détail alimentaire situés dans les ZTI ou les gares restent soumis, pour la période du dimanche s’achevant avant 13h00, à la règle actuellement en vigueur, c’est-à-dire que leurs salariés ne bénéficient d’aucune contrepartie. Après 13h00 en revanche, le repos hebdomadaire pourra être accordé par roulement à tout ou partie du personnel, selon les modalités prévues par l’accord collectif. Il en résulte cette situation paradoxale que des salariés employés dans le même commerce seront soumis à des régimes différents selon qu’ils travaillent le matin ou l’après-midi. Nous proposons donc la suppression de cet article, pour remédier à cette rupture d’égalité

Mme Jacqueline Fraysse. L’article 78 étend au-delà de 13h00 la possibilité d’ouverture des commerces de détail alimentaire, disposition que nous contestons, eu égard aux spécificités du commerce à dominante alimentaire.Le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, bien que favorable à une extension généralisée du travail dominical – ce que je regrette –, s’est lui-même prononcé publiquement en faveur du maintien de la fermeture obligatoire de ces commerces à 13h00. Il considère en effet que l’extension des amplitudes horaires d’ouverture nuirait fortement à l’attractivité de ces métiers, déjà contraignants et qui connaissent des difficultés de recrutement. Afin, comme le ministre en a exprimé le souhait, de ne pas porter préjudice au petit commerce, nous proposons donc la suppression de cet article. 

[…] 

M. Jean-Yves Caullet. Il est normal que les commerces alimentaires situés dans les ZTI soient soumis à un système de compensations s’ils décident d’ouvrir le dimanche après-midi. Mais, dans la mesure où les ventes de denrées alimentaires sont assez faibles à ce moment de la semaine, ce système de compensations risque de dissuader bon nombre de ces commerces d’ouvrir, ce qui, mécaniquement, va rétablir la concurrence avec les commerces situés hors zone, qui n’ont pas, eux, la possibilité d’ouvrir le dimanche après-midi. 

Mme Sandrine Mazetier. Les ZTI se caractérisent par une affluence exceptionnelle et internationale, et c’est précisément pour profiter du pouvoir d’achat des touristes étrangers qu’on crée ces zones. Les baux commerciaux y atteignent des tarifs exorbitants, et il me semble que les commerces – y compris les commerces de bouche – qui peuvent les assumer ont tout à fait les moyens d’accorder à leurs employés des compensations salariales. Les ZTI sont des zones d’hyperprofitabilité, et il est normal que le principe du gagnant-gagnant s’y applique à tous. 

Mme Véronique Louwagie. Je reste inquiète de la disparité des situations qui vont coexister dans ces zones, avec tous les risques de rupture d’égalité et de distorsion de concurrence que cela comporte. 

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Il est bien temps de s’apercevoir des distorsions de concurrence qui ont cours aujourd’hui ! C’est à les réduire, en quantité et en amplitude, que nous travaillons avec cette loi. Il me semble que c’est un progrès, même si tout n’est pas encore parfait. 

Mme Véronique Louwagie. Les gestionnaires de paie ont encore de beaux jours devant eux ! 

La Commission rejette les amendements SPE110, SPE440 et SPE858. 

[…] 

Puis elle adopte l’article 78 modifié. 

 

 

Après cela les débats se portent sur l’article 79 : 

Article 79 :Nouveau régime applicable aux commerces situés dans l’emprise d’une gare 

La Commission examine les amendements de suppression identiques SPE111 de M. Gérard Cherpion, SPE442 de M. Patrick Hetzel et SPE1372 de M. Jean-Louis Roumegas. 

M. Gérard Cherpion. Les dispositions de l’article 79 relatives aux gares relèvent plus du décret que de la loi, comme c’est le cas, par parallélisme des formes, pour les aéroports. Par ailleurs, l’arrêté visé à l’alinéa 3 autorisant l’ouverture des commerces situés dans l’emprise des gares qui n’appartiennent pas à une ZT, une ZC ou une ZTI ne prévoit aucune concertation avec les commerces concernés. 

M. Jean-Louis Roumegas. En demandant la suppression de cet article, nous sommes cohérents avec notre refus des ZTI. 

M. le ministre. M. Cherpion a raison, ces mesures pourraient être prises par décret, comme c’est le cas pour les aéroports. Mais, par décret, il n’y aurait pas de compensations. C’est donc pour que ces commerces soient soumis au dispositif de compensations que nous avons choisi la loi. 

Par ailleurs, les gares, à la différence des aéroports, s’inscrivent dans le tissu urbain, et il est donc normal qu’elles soient soumises aux mêmes règles que les autres zones concernées par ces mesures. Avis défavorable. 

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Même avis. 

M. Gérard Cherpion. À vous entendre, monsieur le ministre, il vaut donc mieux travailler dans une gare que dans un aéroport… 

Mme Karine Berger. J’ai du mal à saisir la philosophie qui sous-tend l’article 79. Que l’on veuille faciliter l’ouverture des commerces le dimanche dans les zones à forte densité internationale est une chose, et cela peut en effet concerner les aéroports. Mais cela n’a pas grand-chose à voir avec les gares qui, de surcroît, sont, à la différence des aéroports, situées au cœur des villes. Pourquoi, dans ce cas-là ne pas étendre les exceptions au repos dominical aux gares de RER ou aux stations de métro ? 

M. le président François Brottes. Toutes les gares ne sont pas à l’intérieur des villes. Prenez l’exemple des gares TGV, à Valence ou à Avignon. 

M. Gilles Savary. Je ne comprends pas non plus pourquoi les gares et les aéroports – où, d’ailleurs des dispositifs de compensations plutôt généreux ont déjà été négociés avec les employeurs – seraient soumis à des régimes différents. Le ministre argue que les unes sont en ville et les autres à l’extérieur, mais cette distinction, on vient de le dire, n’est pas pertinente. Par ailleurs, les aéroports sont au premier chef des zones touristiques puisque ce sont des zones frontières. 

M. Jean-Charles Taugourdeau. Les touristes ne viennent pas en France que par avion ; ils empruntent aussi le train. D’autre part, les gares ou les aéroports sont aussi des zones de transit, dont on ne sort pas entre deux correspondances et où l’on peut avoir envie de faire des achats. 

Mme Karine Berger. L’article ne vise-t-il que les gares déjà classées dans des zones touristiques ? La gare de Gap, qui se caractérise d’autant moins par une forte affluence internationale qu’elle n’accueille plus assez de trains, relèvera-t-elle désormais des dispositions qu’il instaure pour l’ouverture des commerces le dimanche ? 

M. le ministre. Toutes les gares situées en zone touristique sont concernées, les gares ferroviaires comme les gares maritimes. Par ailleurs, l’article établit un critère d’affluence exceptionnelle de passagers – qui ne concerne pas, me semble-t-il, la gare de Gap – permettant d’étendre par arrêté le régime de dérogation au repos dominical à certaines gares. Le ministère et la SNCF ont identifié une dizaine de ces gares, où l’ouverture des commerces le dimanche permettrait la création, directe ou indirecte, de deux mille emplois. En ce qui concerne spécifiquement les gares maritimes, plusieurs demandes ont été adressées en ce sens au ministère ; elles émanent toutes pour l’instant de l’outremer. 

J’ajoute que, comme le faisait observer M. Savary, nous pourrions, par esprit de système, inclure les aéroports, où existent déjà des accords de compensation, dans ce dispositif. Nous allons y travailler. 

M. le président François Brottes. D’autant que certaines gares sont aussi des aéroports – je pense à Lyon-Saint-Exupéry. 

Mme Karine Berger. Les dix gares auxquelles fait allusion le ministre ne sont-elle pas déjà classées en zone touristique ? De quelles gares s’agit-il ? 

M. le ministre. La gare Saint-Lazare n’est ni en ZT ni en ZTI. D’où la nécessité d’établir un critère d’affluence. De la même manière, tous les aéroports ne sont pas non plus en zone touristique. 

La Commission rejette les amendements SPE111, SPE442 et SPE1372. 

[…] 

Puis elle adopte l’article 79 modifié. 

 

Puis c’est l’article 80 du projet de loi qui est discuté : 

Article 80 : Dimanches du maire 

La Commission est saisie des amendements identiques SPE113 de M. Gérard Cherpion, SPE444 de M. Patrick Hetzel, SPE860 de Mme Jacqueline Fraysse et SPE1356 de M. Jean-Louis Roumegas. 

M. Gérard Cherpion. Nous proposons de supprimer cet article qui vise à rendre obligatoire l’ouverture des commerces cinq dimanches par an et à laisser un maximum de sept dimanches supplémentaires à la discrétion du maire. En effet, notre discussion montre que cette mesure conduirait à des baisses de chiffres d’affaires pour les commerces de proximité. Selon les estimations, l’extension des dérogations pourrait supprimer à terme jusqu’à 200 000 emplois. On est loin de la croissance et de l’activité ! 

M. Patrick Hetzel. Aucune étude d’impact ne permet d’estimer le nombre d’emplois que cette disposition permettrait de créer ; en revanche, nous savons qu’elle mènera à la suppression d’emplois dans les commerces de proximité. 

Mme Jaqueline Fraysse. Cet article, d’une part, rend obligatoires les cinq dérogations au repos dominical délivrées par les maires, et d’autre part, porte le nombre de dérogations possibles de cinq à douze. Nous ne voyons pas l’intérêt de ces dispositions. J’ai cru comprendre que le ministre était disposé à revenir sur l’obligation d’accorder cinq dimanches travaillés ; il faut en effet faire confiance aux élus locaux pour autoriser ces ouvertures seulement s’ils les jugent utiles. 

Rien ne justifie non plus la possibilité de multiplier les dérogations jusqu’à douze par an. L’étude d’impact met en exergue la nécessité de permettre aux commerces d’ouvrir le dimanche en période de soldes et en fin d’année – ce qui coïncide avec les cinq dimanches déjà autorisés –, et au plus fort des saisons touristiques – besoin couvert dans votre projet par les dispositions concernant les ZT et les ZTI. 

Par ailleurs, ni l’étude d’impact ni l’expérience ne prouvent que cette mesure contribuerait à l’objectif affiché du texte : stimuler la croissance et la création d’emplois. Auditionné par la mission d’information et d’évaluation de la ville de Paris en septembre dernier, le directeur adjoint au département analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a estimé qu’elle ne produirait pas d’effets significatifs sur l’emploi, mais risquerait de rompre l’équilibre entre le petit commerce et la grande distribution. Plus généralement, selon l’OFCE, l’ouverture dominicale conduira à des transferts de dépenses entre les secteurs économiques et non à une augmentation de la consommation, les budgets des consommateurs n’étant pas extensibles. 

Au-delà de leur nombre, le type d’emplois éventuellement créés pose également problème. Ainsi, le dispositif est censé profiter aux étudiants ; mais s’ils travaillent moins de soixante heures par mois, ceux-ci ne seront pas couverts par le régime général de la sécurité sociale. De plus, la mutuelle étudiante ne couvre les accidents du travail que s’ils sont en relation avec leurs études. Ces deux aspects devraient être approfondis. 

M. Jean-Louis Roumegas. Cet article procède à une véritable banalisation du travail du dimanche. Non seulement introduit-il la possibilité, pour les maires, d’autoriser jusqu’à douze dimanches travaillés par an, mais en plus il transforme la possibilité actuelle d’en permettre cinq en une obligation, alors que, souvent, seuls trois dimanches – qui précèdent les fêtes de fin d’année – sont de fait utilisés. 

La mesure apparaît purement idéologique car les justifications avancées pour les ZT et les ZTI – la possibilité d’augmenter le chiffre d’affaires grâce à un surcroît d’activité – ne peuvent pas être invoquées. Pour les dimanches du maire, il ne pourra s’agir que d’un transfert, le chiffre d’affaires se retrouvant étalé sur sept jours au lieu de six. En revanche, ce jour supplémentaire d’ouverture générera des charges additionnelles, et c’est le petit commerce qui en souffrira le plus. Les élus locaux savent bien que le travail dominical profite au commerce indépendant qui survit souvent grâce à des horaires décalés par rapport aux grandes enseignes ; l’extension de la dérogation à douze dimanches lui portera atteinte. On ne peut que regretter que les effets de cette mesure aient été mal évalués dans l’étude d’impact. 

Le ministre s’apprête à revenir sur le caractère obligatoire des cinq dimanches travaillés ; mais la possibilité d’en autoriser douze est tout aussi problématique. En effet, elle produira un effet d’entraînement : la décision d’un maire de permettre l’ouverture des commerces douze dimanches mettra les communes voisines sous pression, créant les conditions du développement du travail dominical. Nous avons au contraire besoin d’une règle qui n’exacerbe pas la concurrence entre communes et entre grandes enseignes et petits commerces. 

[…] 

M. le ministre. Je ne reviendrai pas sur les raisons pragmatiques qui nous ont conduits à proposer le nombre de douze dimanches. Les arguments qui pointent l’incohérence du caractère obligatoire des cinq dimanches travaillés – avancés notamment par M. Cherpion – me semblent justes ; ce point est corrigé par l’amendement des rapporteurs. Le risque de comportements non coopératifs entre les communes, mis en avant par plusieurs d’entre vous – en particulier par les rapporteurs –, n’a pas été suffisamment identifié. L’idée de disposer d’une soupape au-delà du seuil actuel, soumise au contrôle de l’EPCI, me paraît répondre aux préoccupations exprimées. J’émettrai donc un avis défavorable aux amendements de suppression et favorable à l’amendement des rapporteurs. 

M. Jean-Louis Roumegas. Monsieur Ferrand, vous défendez la décentralisation dans le cas des douze dimanches, mais non dans celui des ZTI puisque vous acceptez d’imposer à la maire de Paris des ouvertures dominicales dont elle ne veut pas ! Deux poids, deux mesures… 

Ne nous y trompons pas : la possibilité d’ouverture dominicale mettra automatiquement les communes en concurrence. Sans rien imposer formellement aux maires, on crée une situation où la pression des communes avoisinantes rend l’ouverture obligatoire. Cet effet pervers obéit à la logique de l’économie libérale où c’est l’absence même de règles qui pousse les gens à la concurrence exacerbée. La loi devrait protéger, y compris dans le cas du travail du dimanche ; cette idée est admise par tous, même par les tenants de l’économie libérale – parfois moins libéraux que le Gouvernement actuel. 

M. Jean-Yves Caullet. Monsieur Roumegas, alors que les maires sont aujourd’hui totalement libres d’accorder jusqu’à cinq dimanches travaillés, ils en ont très fréquemment autorisé moins ; la mécanique censée conduire tout le monde à atteindre le maximum n’est donc pas vérifiée. D’ailleurs, les communes qui en sont à zéro, un ou deux dimanches travaillés par an nous ont fait part de leurs réticences face à l’obligation de monter jusqu’à cinq – d’où la proposition des rapporteurs que le ministre vient d’approuver. Le fait de fixer le maximum à douze dimanches, pas plus que celui de le fixer à cinq, ne conduira mécaniquement tous les élus, dans une sorte de panurgisme irresponsable, à utiliser cette possibilité. 

M. Jean-Louis Bricout. La décision du maire n’empêche pas les interactions entre les commerces. Si Saint-Quentin accorde douze dimanches par an, la ville de 6 000 habitants dont je suis maire – située à trente kilomètres, mais ne faisant pas partie du même EPCI – fera face à une fuite des flux commerciaux. Étant donné ces interactions, je préférerais être partie prenante de la zone de chalandise. 

M. le président François Brottes. En effet, les élus doivent organiser leur territoire en fonction de la manière dont vivent leurs administrés, et il est utile que les intercommunalités s’appuient sur de vrais bassins de vie ! 

M. Christophe Castaner. Il s’agit d’un amendement de transparence démocratique. Aujourd’hui, le maire prend la décision d’accorder jusqu’à cinq dimanches travaillés seul, dans l’opacité de son bureau et peut-être sous la pression – particulièrement bien organisée –des commerçants. Aux termes de l’amendement des rapporteurs, cette décision devra passer devant le conseil municipal ; au-delà de cinq dimanches, pour réduire les risques de concurrence territoriale – à condition d’avoir une organisation spatiale cohérente –, elle sera discutée au niveau de l’EPCI, cadre des migrations pendulaires qui font le quotidien de nos territoires. Le dispositif revient sur le droit acquis du maire de disposer librement des cinq dimanches et met en place un processus démocratique et transparent qui l’oblige à consulter le conseil municipal et donc à informer la population. 

M. Gilles Savary. J’ai évoqué ce matin les disparités entre les communes dont certaines ne souhaitent accorder aucun dimanche afin de ne pas déstabiliser leurs petits commerces ; en autorisant entre zéro et douze dimanches travaillés, on leur apporte une solution. Certes, on pourrait, dans un esprit radicalement décentralisateur, conférer aux maires la liberté d’accorder autant de dimanches qu’ils le souhaitent dans l’année ; mais il manquerait alors une limite. Avec le seuil de douze dimanches, le texte apparaît équilibré ; l’obligation de consulter le conseil municipal et l’EPCI représente une avancée de transparence remarquable, gage de démocratie et d’équilibre au-delà du niveau communal. L’objection de Jean-Louis Bricout montre toutefois qu’il faut affiner le dispositif ; en cas de risque de déstabilisation à l’intérieur d’une zone de chalandise, il peut être utile de demander l’avis de la commission départementale d’aménagement commercial. En tout état de cause, l’amendement des rapporteurs ménage la diversité des situations locales de façon plus satisfaisante encore que les textes antérieurs. 

Mme Karine Berger. Il va de soi qu’il faut garder le principe de la décision locale et s’efforcer de tenir compte des zones de chalandise. Mais si l’association du conseil municipal constitue une amélioration indéniable, il s’agit bien de passer de cinq à douze dimanches. Or à ce niveau, on ne peut plus parler d’une exception, mais d’une habitude. Si cette proposition est adoptée, certaines communes ouvriront désormais leurs commerces tous les premiers dimanches du mois. On procède donc à une banalisation du travail du dimanche. Dès lors, pourquoi ne pas autoriser quatorze, vingt ou vingt-six dimanches par an ? Souhaite-t-on réellement préserver le caractère exceptionnel de l’ouverture dominicale des commerces en France ? 

M. le président François Brottes. Il ne s’agit pas d’une règle puisque l’ouverture reste optionnelle. 

M. Jean-Frédéric Poisson. Je reprendrais à ma façon la question de Karine Berger. Si l’élargissement de la possibilité de travailler le dimanche répond à l’ambition de renforcer la justice et la cohérence des règles – objectif éminemment positif –, pourquoi le limiter ? Puisqu’on crée l’habitude d’un dimanche travaillé par mois, pourquoi frustrer ceux qui voudraient en profiter davantage ? En effet, même s’il ne s’agit que d’une faculté et que le maire ne peut plus en décider seul, le seuil de douze dimanches par an nous fait quitter le registre de l’exception – que nous avions préservé dans la loi de 2009 en maintenant ce nombre à cinq, malgré les tentations. Aujourd’hui, vous l’augmentez, ouvrant une porte qui n’a été qu’entrebâillée il y a cinq ans. Vous considérez donc que l’engagement dans le travail dominical ne rencontre plus de problème de principe ; à vous d’assumer politiquement ce choix qui n’a rien d’anodin ! 

Mme Jacqueline Fraysse. Nous débattons là d’un problème sociétal de fond : voulons-nous maintenir la règle du repos dominical qui permet aux familles de partager des activités ou bien banaliser et étendre le travail du dimanche ? En portant à douze le nombre de dimanches où le maire pourrait autoriser l’ouverture des magasins, on sort évidemment du domaine de l’exception. Il faut bien mesurer les conséquences de cette décision. 

M. Philippe Vigier. Nous sommes globalement favorables à l’idée de pouvoir aller jusqu’à douze dimanches. Madame Fraysse, il ne s’agit pas de généraliser la mesure à tous les dimanches : nous restons attachés à la notion de repos dominical, mais beaucoup de salariés aimant travailler le dimanche, il faut laisser à chacun un peu de liberté. Il faut simplifier les choses au maximum dans les zones où il est possible de trouver un surcroît de croissance et d’activité. J’ai lu l’amendement du rapporteur général avec beaucoup d’intérêt car nous sommes aussi favorables à ce que les élus locaux – maires et présidents d’agglomérations ou de communautés de communes, qui connaissent mieux que quiconque les zones de chalandise de leur territoire – aient la capacité de décision en main. 

Nous souhaitons que ce soit le président de l’agglomération qui décide du nombre maximum – entre zéro et douze – de dimanches travaillés par an, et le maire qui, après avis du conseil municipal, fixe leur nombre exact par arrêté. En effet, dans notre droit, la compétence de développement économique est transférée aux agglomérations et aux communautés de communes ; mais il faut également respecter le principe de subsidiarité et éviter de mettre les communes en situation de concurrence déloyale entre elles. Ainsi, on fait vivre la démocratie en renforçant la capacité des élus locaux à participer à la vie de leurs territoires. Certes, on ne règlera jamais tous les cas car les concurrences entre agglomérations contiguës ou les particularismes au sein même des agglomérations restent possibles ; mais nous proposons d’encadrer la décision du maire par la vision globale d’une agglomération. 

M. Gilles Savary. D’un dispositif où l’on pouvait aller de cinq à douze dimanches travaillés, l’amendement des rapporteurs propose de passer à un dispositif où l’on peut aller de zéro à douze. Ce dernier nombre n’a pas de valeur totémique et l’on pourrait choisir treize, quatorze ou dix-huit dimanches. Mais n’oublions pas que dans beaucoup d’agglomérations, sous la pression des populations qui souhaitent s’adonner au bricolage ou au jardinage, le système est d’ores et déjà tacitement dérégulé et risque de contaminer l’ensemble du pays de façon anarchique. L’amendement nous propose un système réglementé qui offre, en guise de soupape, des ouvertures tolérées – et non légales – au-delà des cinq jours du maire. Cette proposition – qui vaut mieux que la dérégulation totale qui nous menace – apparaît très équilibrée et mérite d’être expérimentée, quitte à être corrigée dans deux ou trois ans. 

M. Jean-Christophe Fromantin. Je voudrais exprimer une réserve quant à cette extension à douze dimanches. L’activité commerciale n’est pas lisse sur l’année, certaines périodes concentrant un maximum d’échanges. Ainsi, douze dimanches répartis sur les soldes, les fêtes de fin d’année et quelques autres périodes de surconsommation permettent de toucher 50 % à 80 % de la consommation annuelle en France, ce qui ne peut manquer d’inquiéter sur le sort du commerce de proximité. La proposition me paraîtrait acceptable si l’activité commerciale était linéaire ; puisqu’elle ne l’est pas, l’ouverture des commerces douze dimanches par an déséquilibrerait l’ensemble du système économique lié à la distribution. 

M. le rapporteur général. Revenons à la portée concrète de notre proposition. Le maire – ou l’EPCI – ne fait qu’autoriser les ouvertures ; ce sont les commerçants qui décident s’il est opportun pour leur activité et leur croissance d’ouvrir leur enseigne. Si par son arrêté, le maire donnait à ses commerçants instruction de travailler, nous serions dans une économie très administrée ! Notre amendement propose de laisser cinq dimanches à la main du maire, et au-delà de ce chiffre et jusqu’à douze, de soumettre la décision à l’avis de l’EPCI. 

Monsieur Bricout, prévoir la faculté d’autoriser l’ouverture sur douze – et non plus cinq – dimanches par an ne modifiera pas les réalités d’entente ou de mésentente entre les territoires. Cela devrait au contraire inciter les élus locaux à approfondir leur collaboration pour éviter d’éventuelles rivalités. 

Monsieur Roumegas, dans le cadre de notre volonté de développer nos capacités d’accueil à l’échelle nationale, il ne me paraît pas choquant d’identifier des ZTI – qui excèdent largement la seule ville de Paris – dont la gestion ne saurait relever uniquement de la compétence des élus locaux. Cette conviction n’invalide en rien mon raisonnement sur le sujet qui nous occupe ici. Vous indiquez que la faculté accordée ne sera pas simple à utiliser car augmenter la liberté locale conduirait à accentuer les pressions locales. Mais si depuis lundi dernier, nous avions cédé à toutes les pressions, nous n’aurions pas adopté les deux tiers de ce texte ; faisons donc confiance à nos élus ! Les pressions ne manqueront pas de survenir, mais donneront lieu à des discussions publiques au conseil municipal ; chacun pourra se positionner politiquement, différentes associations pourront faire valoir leurs droits, etc. Plus de démocratie muscle la démocratie ; ce n’est pas en la diminuant qu’on la renforce ! 

Enfin, madame Berger, dire qu’élargir la possibilité d’ouverture dominicale enlèverait à celle-ci son caractère exceptionnel, c’est oublier que cette faculté ne conduira pas ceux qui n’ouvrent jamais à ouvrir davantage. À l’inverse, ceux qui ouvrent aujourd’hui au maximum de ce qui est autorisé – cinq dimanches – pourront aller au-delà si cela correspond à leur réalité territoriale. Les dispositions que nous proposons me paraissent permettre à la fois plus d’autorisations par les maires et plus d’ouvertures par ceux qui le souhaitent, le tout encadré par un corpus de règles sociales claires, lisibles et porteuses de progrès. C’est ce tout cohérent que nous essayons de synthétiser dans notre amendement. 

La Commission rejette les amendements SPE113, SPE444, SPE860 et SPE1356. 

La Commission adopte l’article 80.” 

 

L’article 81 est alors débattu : 

Article 81 : Dérogation aux règles du travail de nuit pour les commerces de détail situés en zone touristique internationale 

La Commission examine les amendements identiques SPE861 de Mme Jacqueline Fraysse, SPE1358 deM. Jean-Louis Roumegas et SPE1474 de Mme Sandrine Mazetier. 

Mme Jaqueline Fraysse. Je précise tout d’abord que la référence aux ZC, ZT et emprises de gare dans l’exposé des motifs relève d’une erreur. Cet article, important à plus d’un titre, vise à donner aux établissements situés dans les ZTI la possibilité de reporter jusqu’à minuit le début de la période de nuit, que le code du travail fixe actuellement à 21h00. Quel est l’intérêt de cette modification, lourde de conséquences pour les salariés ? Cet article – qui pourrait porter le nom de Sephora car il répond à la demande de cette grande enseigne – détourne le sens de la notion de travail de nuit. Le 24 septembre dernier, les magistrats de la Cour de cassation ont donné raison aux salariés du magasin situé sur les Champs-Élysées en y interdisant l’ouverture de nuit parce que l’activité de parfumerie ne répondait pas aux critères actuellement prévus dans le code du travail qui y justifient le recours. Le travail de nuit est très réglementé parce qu’il a des conséquences sociales graves, mais aussi des effets sur la pénibilité du travail et la santé des travailleurs. Il est ainsi strictement limité aux obligations de service public – l’électricité, l’eau, les trains, la santé, quelques services communaux – et à certaines activités industrielles qui ne souffrent pas l’interruption. Avec cet article, dès que le magasin Sephora des Champs-Élysées sera classé en ZTI, il pourra légalement faire travailler ses salariés de nuit – ou plutôt en soirée car c’est toute la nuance de cet article. Nous ne pouvons pas soutenir cette disposition, faite sur mesure pour permettre aux grandes enseignes de contourner les décisions de justice favorables aux salariés, et proposons de supprimer cet article qui représente une atteinte grave à notre droit du travail et aux protections des salariés. 

M. Jean-Louis Roumegas. Mon amendement vise également à supprimer cet article. Il s’agit toujours des fameuses zones touristiques internationales, où s’accumuleront les aggravations des conditions de travail : dimanche imposé, nuits imposées – qui ne seront même pas comptabilisées comme des nuits, puisque vous repoussez la définition du travail de nuit de 21h00 à minuit. Ce travail quotidien ne sera donc même pas pris en compte pour calculer la pénibilité du travail. 

Pourtant, les recherches sur les effets néfastes du travail de nuit se multiplient, et il ne faut pas les prendre à la légère. Une étude de l’université Harvard montre que la mortalité des femmes est augmentée de 11 % par un travail de nuit de trois fois par mois seulement ; leur risque de maladies cardio-vasculaires est accru de 23 %. Une étude de l’INSERM montre que le travail de nuit augmente de 30 % les risques de cancer du sein. 

Le travail de nuit n’a pas été reconnu par hasard comme facteur de pénibilité. C’était la seule avancée sociale de cette législature, et la voilà rognée avant même qu’elle ne se mette en place ! 

De plus, vous négligez des problèmes sociaux : l’organisation de la vie familiale en sera terriblement compliquée ; le supplément de salaire sera avalé par des charges nouvelles, de garde d’enfants par exemple : trois heures de garde quotidienne pour des femmes qui élèvent seules des enfants, cela représente un coût considérable. 

Vous imposez d’en haut des zones touristiques internationales, et vous ne prévoyez pas de compensations pour les salariés à la hauteur des inconvénients qu’ils vont subir. 

Mme Sandrine Mazetier. Mon amendement SPE1474 est également un amendement de suppression. Je voudrais ici rappeler des propos de M. Michel Sapin, alors ministre du travail, tenus lors de la discussion, le 5 décembre 2013, d’une proposition de loi déposée par certains de nos collègues de l’UMP : « il existe une structure sociale, un droit du travail qui prend en considération un fait : l’employeur et le salarié, pris isolément, ne sont pas dans un rapport libre et égal, un pur rapport de contrat sans lien de subordination […] Il y a clairement là une question qui relève des relations individuelles et collectives du travail, donc de la négociation sociale ». Il rappelait aussi les évidences que viennent de redire Jacqueline Fraysse et Jean-Louis Roumegas. 

Les partenaires sociaux, que nous avons auditionnés avec les rapporteurs, nous ont dit leur surprise d’avoir vu apparaître cet article 81 dans ce projet de loi, sans en être prévenus d’aucune manière. Je redonne la parole à M. Sapin : « plus on fragilise ainsi les corps intermédiaires et les forces sociales légitimes, plus on fait le lit d’une forme de spontanéisme désordonné, informe, incapable de donner une voix au monde social, de construire des compromis avec ceux qui ne sont pas d’accord ». 

La proposition de loi débattue alors ne correspondait pas en tous points à l’article 81 de ce projet de loi : ce dernier, limité aux ZTI, prévoit des contreparties, avec un plancher. Dans les ZTI, les profits sont très importants et les employeurs ont parfaitement la possibilité d’offrir aux salariés des compensations – salaire augmenté, repos compensateur, attentions particulière portée à la santé des salariés concernés… Je serai donc très vigilante sur ces contreparties, et sur le fait que celles qui figurent d’ores et déjà dans la loi soient bien des planchers. Elles doivent concerner le travail du dimanche, le travail en soirée comme le travail au-delà de minuit – certains commerces demanderont à ouvrir au-delà de minuit. 

M. le ministre. Avis défavorable. Nous restons ici, en effet, dans le cadre bien précis des ZTI. J’entends l’argument de Mme Mazetier, qui fait ici preuve de cohérence sur le doublement des compensations. Vous souhaitez également que les critères de définition des ZTI soient précisées : ce sera fait d’ici à la séance publique, je m’y suis engagé. 

Le travail de nuit commence à 21h00 ou 22h00 selon les zones, et même plus tard pour certaines professions – dans le secteur du spectacle, le travail de nuit commence à minuit. Il est normal, madame Fraysse, que dans l’industrie, par exemple, la nuit continue de commencer à 21h00. Nous nous limitons bien ici au commerce de détail dans les ZTI. 

Cette exception est faite pour des raisons d’activité ; nous définissons donc des compensations : volontariat, réversibilité, paie doublée, accord obligatoire, réversibilité spécifique pour les femmes enceintes et prise en charge par l’employeur du retour au domicile. 

Un débat très intéressant s’est tenu au sein de la Délégation aux droits des femmes. C’est un sujet auquel je suis sensible : le rapporteur présentera tout à l’heure des amendements sur la situation spécifique des femmes – le silence de la loi aurait pu, malgré nos bonnes intentions, faire naître des ambiguïtés. 

[…] 

La Commission rejette les amendements identiques SPE861, SPE1358 et SPE1474. 

Mme Sandrine Mazetier. En 2001, l’heure du début du travail de nuit a été fixée, pour le secteur du commerce, à 21h00 au lieu de 22h00. Depuis, la pression pour modifier cet horaire a été constante. Ma démarche peut donc apparaître paradoxale : mon amendement vise à rétablir l’horaire ancien, tout en conservant les acquis sociaux, notamment la pénibilité. Ainsi, nous pourrions peut-être régler certaines difficultés. 

M. le ministre. Avis défavorable. Mais si les amendements des rapporteurs ne vous semblent pas suffisants, nous pourrons compléter le dispositif. 

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. Avis défavorable. Nos propositions pourront peut-être, en effet, satisfaire les préoccupations exprimées par Sandrine Mazetier. 

[…] 

La Commission rejette l’amendement SPE1476. 

[…] 

Puis elle adopte l’article 81 modifié. 

 

Passons directement aux amendements déposés situés après l’article 82 relatif aux dispositions transitoires non codifiées : 

La Commission se saisit de l’amendement SPE1479 de Mme Sandrine Mazetier. 

Mme Sandrine Mazetier. Les exceptions au principe du repos dominical se justifient pour nécessités économiques ou de service public. Il faut encore me démontrer que l’exception au repos dominical est fondamentale pour pouvoir acheter du vernis à ongles. 

Mme Élisabeth Pochon. Remarque sexiste ! (Sourires.) 

Mme Sandrine Mazetier. Pas du tout, le vernis à ongles pour tous est une réalité sur les Champs-Élysées. (Sourires.) 

Mon amendement vise donc à interdire les dérogations au travail dominical, toutes zones confondues, les journées où sont organisées des élections

M. le ministre. J’entends bien la distinction que vous faites, avec les services publics notamment. Mais qu’en est-il de l’ouvreuse du cinéma, du gardien de musée ? J’appelle votre attention sur le fait que, par souci collectif de bien faire, nous avons prévu des protections importantes pour les travailleurs du dimanche dans le commerce de détail. Mais, ce faisant, nous créons une distorsion par rapport à beaucoup d’autres salariés qui travaillent déjà le dimanche. 

J’entends votre argument, mais je suis défavorable à cet amendement. Cette mesure n’aurait de sens que dans le cadre large d’une réflexion sur la citoyenneté et la liberté offerte aux salariés lorsqu’un commerce ouvre le dimanche. 

M. Stéphane Travert, rapporteur thématique. J’avoue avoir été séduit par cet amendement : en tant qu’élus, nous voulons tous combattre l’abstentionnisme. Mais le vote par procuration existe. Nous traitons ici seulement du commerce de détail : ce projet de loi n’est pas, me semble-t-il, le bon véhicule pour une telle mesure. Avis défavorable. 

Mme Karine Berger. Nous pourrions ici, je crois, trouver un moment de consensus. Nous discutons d’ouvertures dominicales supplémentaires : prévoir que les travailleurs qui seront concernés pourront effectuer normalement leur devoir électoral me paraît relever de l’évidence. J’entends que le Gouvernement est favorable à ce que cette mesure soit généralisée à d’autres cas de travail du dimanche : c’est une excellente nouvelle, et je m’étonne que nous n’ayons pas réussi à le faire jusqu’à présent. 

Puisque nous travaillons ce dimanche sur le nouveau travail du dimanche, commençons par protéger le devoir électoral de ces salariés-là. L’adoption de l’amendement de Sandrine Mazetier permettrait de traiter la question, et montrerait que nous envisageons toutes les conséquences de ce qu’il faut bien appeler une augmentation du travail dominical. 

M. Jean-Yves Caullet. Sur la forme, la rédaction vise-t-elle uniquement ceux sur lesquels le projet de loi dont nous débattons aurait des conséquences, ou bien tous ceux qui travaillent déjà le dimanche seraient-ils concernés ? 

M. le rapporteur général. Il faut le vérifier. 

Mme Sandrine Mazetier. Il porte, je crois, sur le travail du dimanche dans le secteur du commerce de détail. 

M. Dominique Lefebvre. Je comprends la volonté de favoriser la participation de nos concitoyens aux élections. Mais les salariés concernés par ce projet de loi sont très peu nombreux par rapport à ceux qui travaillent déjà les jours d’élection, et pas seulement pour des nécessités de service public : tous ici, nous avons tenu des bureaux de vote et rencontré des électeurs qui venaient à l’ouverture parce qu’ils travaillaient ensuite, ou qui venaient à la dernière minute parce qu’ils avaient travaillé toute la journée. Il est aussi possible de donner une procuration. Si nous voulons traiter cette question sans arrière-pensée, alors il ne faut pas prendre de mesure pour les seuls salariés du commerce de détail : il faut poser la question de façon beaucoup plus générale. 

Mais je n’ai jamais rencontré personne que son travail ait empêché d’accomplir son devoir électoral. 

M. le président François Brottes. Je suspends la séance quelques minutes pour faire le point sur la portée exacte de l’amendement. 

M. le rapporteur général. Le but de l’amendement est que l’augmentation du nombre de dimanches travaillés n’empêche pas ceux qui travailleront dans le commerce de détail d’aller voter. La rédaction proposée paraît toutefois inadaptée. 

Si la volonté de nos collègues est largement partagée, il faudra trouver – avec le Gouvernement – une rédaction qui prévoira que les dimanches où l’ouverture des commerces sera autorisée par les maires ou les présidents d’EPCI ne pourront pas être ceux où se déroulent des opérations électorales. 

Mme Sandrine Mazetier. Il doit être possible de compléter la rédaction que je propose. Certains citoyens doivent voter par procuration pour une nécessité économique, ou pour une nécessité de service public, j’entends bien. Mais obliger un citoyen à accomplir des démarches administratives pour la seule raison que l’on autorise l’ouverture dominicale du commerce de détail, cela me paraît une chose tout à fait différente, et pour tout dire difficile à justifier. 

L’amendement SPE1479 est retiré.” 

 

 

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